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Feuilles de match et feuilles de maîtres

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Un conseil de lecture ? Une bonne librairie ? =>> "You'll never read alone", le Gogol Doc: http://bit.ly/11R7xEJ.

  • Balthazar le 11/12/2021 à 20h10
    Je ne suis pas sûr d'avoir été clair. Dans le texte de Borges, il y a en somme trois grandes idées :

    1) l'idée générale que la littérature n'a au fond qu'un seul auteur (si bien qu'il importe peu de savoir si telle œuvre, telle phrase, telle image vient de X ou de Y) ;
    2) l'idée particulière, exprimée notamment par Coleridge (et indépendante de l'idée numéro 1), d'un objet matériel qui témoigne après coup de la réalité d'une expérience qu'on pourrait, sans cet objet, croire purement onirique ;
    3) l'idée qu'on peut illustrer l'idée numéro 1 en montrant que l'idée numéro 2 est apparue à plusieurs reprises dans l'histoire de la littérature, avec de légères modifications, endossée par des auteurs différents.

    Quand je dis « il l'aurait cité », je parle de Borges, qui ne me semble pas du genre à laisser de côté un rapprochement aussi curieux, d'après moi, que celui qu'on peut établir entre la note de Coleridge et le conte des Mille et une Nuits. Mais quand tu dis « peut-être a-t-il oublié l'avoir lu », j'ai l'impression que tu parles de Coleridge. Je ne sais pas si ce conte des Mille et une Nuits a pu arriver jusqu'à Coleridge à son époque, mais si oui, alors, bien sûr, l'hypothèse qu'il l'ait lu puis oublié est tout à fait crédible. Et il pourrait aussi s'en être souvenu consciemment : il y a entre les deux histoires un écart suffisant pour que (même avec nos critères un peu rigoureux d'aujourd'hui) on ne puisse aucunement parler de plagiat. Cependant, entendons-nous bien, Borges (et moi non plus) n'envisage absolument pas la question sous l'angle de la propriété intellectuelle.

    Je ne suis pas certain non plus de bien comprendre ta deuxième remarque. Je ne vois aucune raison pour laquelle Borges aurait pu sciemment ne pas citer, à l'appui de l'idée numéro 3, l'une des sources possibles de l'idée numéro 2. (Ouais, en fait, c'est difficile d'être clair…)

    Borges remarque d'ailleurs malicieusement (tout cet article, recueilli dans « Enquêtes » est d'un ton malicieux) que l'idée numéro 1, qu'il commence par attribuer à Valéry, a été exprimée par d'autres que celui-ci, avant celui-ci : « Ce n'était pas la première fois que l'Esprit faisait cette remarque ; en 1844, dans le bourg de Concord, un autre de ceux qui écrivent sous sa dictée avait observé : « On dirait qu'une seule personne est l'auteur de tous les livres qui existent dans le monde ; il y a en eux une unité si fondamentale qu'on ne peut nier qu'ils soient l'oeuvre d'un seul homme omniscient » (Emerson, Essays, 2, VIII). Vingt ans auparavant, Shelley avait déclaré que tous les poèmes du passé, du présent et de l'avenir, sont des épisodes ou des fragments d'un seul poème infini, édifié par tous les poètes du globe (A defence of poetry, 1821). »

  • Pascal Amateur le 11/12/2021 à 20h35
    Je n'arrive pas à voir pour ma part en quoi c'est fascinant de vouloir clore la littérature ou la poésie sur elle-même. C'est la tentation d'un grand Tout, d'un Un sans faille. C'est du même tonneau que les systèmes philosophiques fermés contre lesquels se battit Kierkegaard qui, mélancolique qu'il fut, ne pouvait accepter qu'un système connût une fin. C'est une prétention aussi bien scientifique que linguistique, lorsqu'on veut d'un espéranto ne laisser aucune ouverture, aucune ambiguïté, aucun double sens. C'est là le rêve de faire du texte de l'infaillible, du déjà et toujours connu. Quelle angoisse.

  • Balthazar le 11/12/2021 à 22h45
    Ce n'est pas la volonté de clore, etc., qui est possiblement fascinante, Pascal, mais l'idée même d'une telle fermeture, d'une telle circularité. Fascinant ne signifie pas souhaitable.

    Borges évoque quelque part sa tendance à estimer les idées philosophiques selon leur valeur esthétique. C'est, je crois, ce qui joue ici. Rien d'angoissant à mon avis ; tout au plus un jeu avec l'angoisse.

  • Milan de solitude le 11/12/2021 à 23h53
    Le sens de cette phrase, pour moi, est de faire la différence entre la vérité et la réalité, laquelle n'est que le monde où nous évoluons (je ne connais pas bien Lacan, je ne sais s'il veut dire que la réalité est seulement le monde matériel, ou celui de la conscience, etc.). La correction de la fin de la phrase sert à enfoncer le clou, à bien faire comprendre que la réalité n'est pas la vérité, en retirant à la réalité sa parenté avec le réel, qui est plutôt à rapprocher de la vérité. Distinguée du réel, la réalité est une sorte de coquille vide.

  • Raspou le 13/12/2021 à 11h01
    Tu pourrais peut-être faire reconnaître la tendance à voir de l'autobiographie partout comme maladie professionnelle?

    Sinon il a l'air cool, le livre dont tu parles... faudrait que je le lise.

  • Classico le 13/12/2021 à 12h26
    Ce n'est vraiment pas une clôture Pascal. Lorsqu'on parle de l'obsession borgésienne d'un auteur unique derrière tous les livres, ce n'est pas sur la représentation naïve de cet unique super-auteur qu'il faut s'attarder. Ce qui obsède Borges n'est pas l'hypothèse surnaturelle d'un tel Auteur (qui clôturerait en effet la littérature) : c'est l'absence de tout auteur. Son hypothèse, c'est qu'aucun auteur n'a jamais écrit son livre. Le nom qui s'affiche en haut de la couverture du livre est trompeur. Non que cet individu n'ait réellement consumé ses nuits à écrire cet ouvrage ; mais c'est parfaitement indifférent ; cet ouvrage n'a fait que passer par cet individu, et la raison de cet ouvrage n'est pas dans cet individu (sa vie, ses idées, etc.), mais dans tous les autres ouvrages qui ont été écrits, houle dont il n'est qu'un scintillement furtif.

    Dans La bibliothèque de Babel, tous les livres possibles sont écrits et il n'y a aucun auteur. Dans Pierre Ménard, auteur du Quichotte, l'obscur Pierre Ménard, quelques siècles après Cervantès, entreprend d'écrire Don Quichotte, et il le réécrit en effet intégralement, à la virgule près, identique, sans bien sûr avoir "copié" le texte originel, démontrant par là que Cervantès n'a jamais été réellement l'auteur du Quichotte - seulement un nom d'emprunt. Dans la plupart des textes de Borges, ce thème est présent. Et cela va même plus loin que la littérature, à vrai dire ; Borges ne croit tout bonnement pas en l'individualité, en littérature comme partout. Dans L'histoire du guerrier et de la captive, toute la puissante personnalité d'un chef barbare s'effondre en un battement de coeur lorsqu'il découvre la régularité et la blancheur de la cité romaine civilisée. Des siècles plus tard, en Argentine, une jeune femme extrêmement civilisée fait le chemin inverse, et en un battement de cil toute sa précieuse éducation se volatilise alors qu'elle adopte, invinciblement appelée, une existence de demi-sauvage dans la pampa poussiéreuse.

    C'est étrange, Borges, car ce mépris des oeuvres individuelles, cette mise en doute de l'existence même de quelque chose comme une identité individuelle, aurait normalement sa place chez un mystique chrétien, qui nous proposerait d'abolir notre vanité en Dieu ; mais nulle trace de Dieu chez Borges. La seule transcendance, c'est la littérature.

  • Classico le 13/12/2021 à 12h34
    (Il ne fallait pas oublier d'ajouter la conclusion spectaculaire de l'Histoire du guerrier et de la captive, à savoir que le chef barbare et la jeune anglaise de Buenos Aires sont en réalité exactement la même personne - la même, à la lettre).

  • Pascal Amateur le 13/12/2021 à 12h36
    Merci Classico, c'est en effet intéressant – mes lectures de Borges sont bien trop lointaines désormais, c'est un auteur vers lequel je ne suis pas retourné.

  • John Six-Voeux-Berk le 13/12/2021 à 12h52
    L'expérience est plaisante : Balthazar montre qu'une fiction de théorie résonne avec nos expériences réelles de lecture. Et de fait, Borges donne un tour extrêmement poétique à un motif formel assez commun : étant donné deux mondes supposés étanches dans une fiction (le rêve et la réalité par exemple), il est assez courant qu'un objet, une marque, etc. puisse passer de l'un à l'autre. Il arrive même que cet "objet" soit un enfant à naître (motif classique et ironique du rêve d'étreintes qui bizarrement se concrétise pour la femme par une grossesse).

    On trouve ce type de phénomène dans toute sorte de récits (des mythes antiques jusqu'aux romans de chevalerie). Et, à titre personnel, plutôt que d'y voir une confirmation de la théorie plaisante (et fictionnelle) de Borges d'un auteur unique, j'y vois plutôt une manifestation d'un invariant structurel. En gros, le motif de l'objet voyageur apparaît dès qu'on développe une fiction métaleptique (fictions métaleptiques dont Borges est le maître suprême).

    Maintenant précisément sur cette référence :
    "Dans La bibliothèque de Babel, tous les livres possibles sont écrits et il n'y a aucun auteur. Dans Pierre Ménard, auteur du Quichotte, l'obscur Pierre Ménard, quelques siècles après Cervantès, entreprend d'écrire Don Quichotte, et il le réécrit en effet intégralement, à la virgule près, identique, sans bien sûr avoir "copié" le texte originel, démontrant par là que Cervantès n'a jamais été réellement l'auteur du Quichotte - seulement un nom d'emprunt."

    "La Bibliothèque de Babel" et le "Quichotte de Pierre Ménard" sont les deux nouvelles qui ont le plus fait couler d'encre chez les théoriciens de la littérature ; mais je ne crois pas qu'on en ait jamais conclu à une théorie propre à Borges ; tout au plus une provocation à la pensée.

    Et pour ce qui est du "Quichotte", non pas tant une provocation à penser que Cervantès est un nom d'emprunt, mais plutôt que le même texte, à la virgule près, peut avoir des significations radicalement différentes en fonction de l'attribution qu'on en fera. Le Quichotte de Cervantès ne veut absolument pas dire la même chose que le Quichotte de Ménard parce que le premier est une remise en cause d'époque d'un genre dominant au siècle d'or (le roman de chevalerie), alors que le deuxième est un roman écrit dans une langue volontairement archaïsante et qui vise un genre lui-même tombé en désuétude depuis longtemps, etc. Dans cette perspective, l'auteur, ou plutôt l'idée que s'en fait le lecteur, est un opérateur herméneutique essentiel ; la nouvelle ne confirme pas l'idée d'un "auteur unique" ; et cela n'est pas bien grave puisque le "Quichotte de Ménard" ou la Rose métaleptique ne sont que le support d'une fiction théorique plutôt que d'une théorie de la fiction ou de l'écriture. Ces rêveries sont notamment le support d'un livre de Bayard, "Et si les oeuvres changeaient d'auteur".

  • Classico le 13/12/2021 à 13h31
    Et pour ce qui est du "Quichotte", non pas tant une provocation à penser que Cervantès est un nom d'emprunt, mais plutôt que le même texte, à la virgule près, peut avoir des significations radicalement différentes en fonction de l'attribution qu'on en fera.
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    Bien sûr, c'est ce que dit explicitement la nouvelle, mais je crois que le fil conducteur plus profond qui court à travers toute l'oeuvre, c'est le déni d'individuation de la littérature - voire un déni d'individualité plus général. Mais ce n'est là que ma lecture innocente de l'oeuvre (jamais regardé d'analyse externe).