Feuilles de match et feuilles de maîtres

Qui a dit que football et littérature étaient incompatibles ? Voici le forum où vous pourrez parler de vos lectures récentes et anciennes, liées ou non avec le ballon rond.

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Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h05

À mon tour d'ouvrir une parenthèse : Noël approche, c'est la période des listes. Voici donc la mienne pour ce fil, celle des 23 écrivains, s'il fallait constituer une équipe de France. C'est un petit délire personnel d'hier soir, je la pose et je ressors...

Gardiens
- Breton, André
Il s'est très vite imposé comme titulaire à ce poste par sa faculté de ne rien laisser passer. Souvent en conflit avec le sélectionneur, chasseur de taupes, mauvais coucheur, contestant la notion même d'entraînement ; de bons automatismes, leader de vestiaire par son idée du collectif, il deviendra sans doute un directeur sportif intransigeant.

- Rousseau, Jean-Jacques
Son caractère solitaire l'a vite relégué à ce poste, qu'il a assumé en arpentant inlassablement sa ligne. Intraitable quand il peut lire le jeu, mais doté de réflexes médiocres dans l'urgence ; peu à l'aise quand il y a du monde dans sa surface, des conflits récurrents avec sa défense. Un peu parano (il paraît qu'il dérange...), il ne cesse de se plaindre des média, et lit des discours rédigés d'avance en conférence de presse, où il proclame en gros que le foot d'antan, c'était mieux.

- Rabelais, François
Excellent techniquement à tous les postes, il s'est retrouvé gardien parce qu'il préférait manger que courir et parce qu'au moins, là, il ne contestait pas le coach. Connu pour avoir du beurre sur les gants, et pour la gêne occasionnée par ses stocks de nourriture et de boisson, qui occupent la totalité des cages et encombrent l'espace les séparant des tribunes ; souvent soupçonné d'avoir vraiment bouffé la feuille de match. Cependant, il excelle à déstabiliser l'adversaire par son jeu au pied, du moins quand ses relances ne vont pas au-delà des gradins. Grand ambianceur de vestiaire, il se signale sur les réseaux par ses bouffonneries.

Défenseurs
- Zola, Émile (défenseur central gauche-gauche)
Gros travailleur, tant à l'entraînement qu'en analyse vidéo pour préparer les matchs ; du volume de jeu, de l'engagement jusqu'au sacrifice de soi. Il sait défendre en avançant et en restant debout, et assurer de bonnes relances. Son peu de complicité avec son collègue Céline, qui joue à sa droite et dont le placement lui pose problème, laisse toutefois des espaces au centre pour l'attaque adverse.

- Céline, Louis-Ferdinand (défenseur central droit-droit)
Grand technicien, gros volume, brillant pour détruire le jeu de l'adversaire, moins dans la construction. Trop personnel, il ne sait pas se sacrifier au collectif et ne fait pas toujours les bons choix : ses tacles violents et inutiles lui ont valu de nombreux cartons rouges ; c'est un habitué de la commission de discipline et sur le terrain, son placement erratique l'entraîne jusqu'à la ligne de touche, ce qui tend à déstabiliser son partenaire Zola, qui rechigne à couvrir les espaces laissés à sa droite. Pour autant, si l'homme est détestable quand il met les barbelés, le joueur peut être délicieux par sa créativité ...

- Montesquieu (défenseur central-central)
Rigoureux, précieux par son jeu de tête, son port altier en impose même à ses adversaires ; pas toujours lisible dans son jeu, ses feintes peuvent dérouter même ses partenaires et son humour raffiné passe mal dans un milieu qui préfère "Rires et chansons". Ses prises de position publiques en faveur d'un organigramme séparant nettement les fonctions dans son club ont été bien oubliées par les Girondins...

- Montaigne, Michel 2 (défenseur central ambidextre)
Réfléchi, calme, a pensé s'orienter vers le rugby avant d'être formé à Bordeaux, dont il a durablement marqué la philosophie par sa capacité d'analyse et sa connaissance du jeu appuyée sur une grande culture footballistique. Peu rapide dans ses déplacements, mais difficile à bouger (on prétend qu'on pouvait lui mettre un pull sur les épaules sans qu'il le fasse tomber de tout le match) ; on lui a pu lui reprocher de ne pas être assez collectif, mais c'est injuste.

- Voltaire (aka Arouet) (latéral gauche)
Piston infatigable, omniprésent, parcourt beaucoup de terrain. Intéressant par ses appels incessants et son agressivité sur l'adversaire, il a tiré profit de ses passages dans des championnats étrangers, malgré une gestion de carrière compliquée. Souvent étudié, son jeu n'arrive plus guère à surprendre – pour autant, s'il fait toujours la même feinte, c'est toujours avec autant de talent.

- Balzac, Honoré 2 (latéral droit)
Créatif, généreux, recordman du terrain parcouru – sa "heat map" est impressionnante. Des gestes superflus, du déchet technique, il garde trop le ballon mais emporte tout sur son passage en phase offensive. Son hygiène de vie douteuse ne l'a jamais empêché de produire beaucoup de jeu sur le terrain.

- Diderot, Denis (latéral gauche)
On ne peut pas dire qu'il ne pose pas ses couilles sur le terrain, même s'il le fait avec un peu trop d'ostentation. Véritable encyclopédie vivante du jeu, engagé, mobile, son principal défaut est de se montrer trop mélodramatique quand il cherche la faute, et de mal gérer ses émotions.

- Chateaubriand, François-René (latéral droit)
Technicien à l'ancienne, esthète de la conservation du ballon, on lui reproche beaucoup de se regarder jouer aux dépens du collectif, et de bouder quand il n'est pas titulaire du fait de son ego galactique. Plutôt convaincant quand les conditions climatiques se dégradent, il peut se révéler indispensable quand il s'agit de préserver un résultat. Longue carrière, même s'il en évoque la fin depuis son tout premier contrat professionnel.

Milieux
- Marivaux
Adepte du tiki-taka, apprécié pour sa vivacité, fin technicien dans les petits espaces, il permute et combine systématiquement avec ses partenaires, et sait rétablir une situation compromise, grâce à son adresse. Brille également par son jeu de tête.

- Flaubert, Gustave
Joueur exigeant, lucide, il sait orienter le jeu vers plus de réalisme et servir d'appui quand l'équipe sombre dans la facilité ; son jugement est sûr mais sans pitié, et son mordant le rend parfois insupportable aux yeux de ses partenaires, qui l'ont surnommé "le gueulard" ; une carrière qui a connu les sommets auprès du public, moins aux yeux de la presse spécialisée et des consultants.

- Hugo, Victor
Poumon et capitaine peu contesté de l'équipe, leader inspiré, sa vision du jeu dépasse les limites du stade, y compris en hauteur. Apôtre du jeu long, il tire puissamment de loin. Technicien généreux et talentueux, il sait jouer à tous les postes et la mettre au fond ; formé sur le côté droit, il a ensuite préféré passer à gauche, où il impressionne par ses débordements et ses appels. Engagement exemplaire : chouchou du public, il a éreinté violemment son sélectionneur et il a refusé le maillot national, jusqu'à ce que celui-ci finisse par quitter son poste. Carrière remarquable par sa durée.

- Proust, Marcel
Adroit, parfait dans la conservation du ballon, jeu sinueux, très latéral et même tourné vers l'arrière. Il entre systématiquement dans le temps additionnel, quand le score est favorable, pour casser le rythme ; il continue d'ailleurs souvent de jouer tout seul après le coup de sifflet final, en marchant. Cauchemar des préparateurs physiques.

- Stendhal
Fin tacticien formé dans le championnat italien, excellent dans l'analyse du jeu, coupe les trajectoires, sobre et efficace avec le ballon, malgré une légère tendance à se regarder jouer, et à se résigner trop vite en cas de perte de balle.

Attaquants
- Corneille, Pierre
Dévoreur d'espace plein de panache, adepte d'un football flamboyant, capable de gestes techniques d'anthologie qui font se lever le public, mais souvent hésitant dans ses choix de jeu pour la dernière passe ; toujours remplacé par Racine en milieu de 2e mi-temps.

- Racine
Il entre en général vers le milieu de la 2e mi-temps pour remplacer Corneille ; la sobriété incarnée, grande économie de gestes au service d'un jeu efficace et épuré. Mais il a de la peine à trouver des solutions, et finit régulièrement par s'enferrer dans la défense centrale adverse...

- Rimbaud
Surdoué et précoce, créateur de génie, technicien déroutant dans ses dribbles, aime surprendre l'adversaire, multiplier les appels et contre-appels avec inventivité. Une gestion de carrière erratique à la sortie du centre de formation, mais même sur une jambe, il ne manque pas de classe.

- Verlaine
Subtil adepte du jeu court et rapide, un peu enfermé dans son registre. Manque de virilité dans les contacts, fragile mentalement ; à l'aise dans les petits espaces, mais trop peu d'appels dans la course.

- Baudelaire, Charles
Esthète, raffiné (on raconte qu'il aurait récupéré la gourmette de Nadar), imaginatif et élégant sur le terrain où il joue "en costume", il excelle dans la verticalité et le jeu aérien ; malgré son apport, il a été critiqué pour son irrégularité et son mental fragile, surtout quand les conditions climatiques se dégradent.

- La Bruyère, Jean II
Joueur de caractère, bon observateur des failles de l'adversaire, redoutable récupérateur dans le camp adverse, il a su augmenter son volume de jeu avec le temps ; son parcours atypique (il est passé professionnel sur le tard) et sa tendance à pourrir l'univers du foot sur les plateaux télé ne lui ont pas fait que des amis.

- Molière
Apprécié pour ses pitreries dans le vestiaire et sur le terrain, meneur de jeu dans la surface adverse, dribbleur et buteur redoutable, surtout quand le jeu se durcit. Connu pour abuser des simulations mais prêt à mourir sur le terrain, il est très clivant sur les réseaux sociaux pour ses prises de position sur des sujets chauds comme le foot féminin, la radicalisation religieuse, et pour son chambrage caustique des équipes adverses...

L'équipe féminine, j'y ai pensé aussi, mais plus tard, peut-être, manque de temps.
L'amour Durix le 07/12/2021 à 09h23

En réponse à Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h05
(voir le message)

"À mon tour d'ouvrir une parenthèse : Noël approche, c'est la période des listes. Voici donc la mienne pour ce fil, celle des 23 écrivains, s'il fallait constituer une équipe de France. C'est un petit délire personnel d'hier soir, je la pose et je ressors..."

Et voilà, encore un qui ouvre une parenthèse et ressort sans la fermer, alors que dehors blanchit la campagne (Et non "Blanc chie la campagne", ça c'est l'euro 2012, rien à voir) !
C'est pas Versailles ici !

Mais bien joué quand même. Cela ferait un bel article.
Red Tsar le 07/12/2021 à 09h33

En réponse à Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h05
(voir le message)

Très bon, merci !
Pourrais-tu :
1. Passer le concours pour devenir prof,
2. Demander ta mutation pour le collège de ma progéniture n°2 ?
J'ai dans l'idée que ça pourrait l'aider à débloquer les choses si on lui présentait ça comme ça.
Un parent reconnaissant par avance...
Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h40

Ah ben je me suis relu, une coquille et une imprécision syntaxique...
Maintenant je peux refermer la parenthèse, merci l'amour.
Tsar, tu es gentil, mais je suis trop vénal pour devenir prof dans un collège
Red Tsar le 07/12/2021 à 09h45

A lire et relire, car je me rends compte que j'avais raté pas mal de trucs en première lecture. Le coup des conditions climatiques pour François-René, ah, ah. Par contre, celle-là, je ne l'ai pas pour Montaigne (accepterait-il de jouer sans Etienne ?) : "on prétend qu'on pouvait lui mettre un pull sur les épaules sans qu'il le fasse tomber de tout le match".
L'amour Durix le 07/12/2021 à 09h51

En réponse à Red Tsar le 07/12/2021 à 09h45
(voir le message)

Montaigne ne serait-il pas un peu Bordelais ?
Telstar le 07/12/2021 à 09h52

Et bien sûr, Maupassant n'est pas sélectionné, lui dont le réalisme a si souvent sauvé cette équipe.
Franco Bas résilles , démission..
(Et Chateaubriand n'est qu'un boucher)
Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h56

En réponse à Red Tsar le 07/12/2021 à 09h45
(voir le message)

Là, ne cherche pas trop, c'est pour croiser le cliché des Bordelais avec la sagesse prudente de Montaigne, qui a su rester droit et équilibré dans une époque bien perturbée.
Oui, Étienne, mais pouvait-il faire carrière ailleurs qu'aux Corinthians du début des années 80... ?
inamoto le 07/12/2021 à 09h57

Petite suggestion de lecture, pour ceux que le conflit nord-irlandais intéresse (connaisseurs ou pas) : je viens de terminer la lecture du livre "Ne dis rien" de Patrick Radden Keefe. L'auteur est un journaliste américain qui a enquêté en détail sur plusieurs épisodes des "Troubles" et notamment des meurtres non résolus imputés à l'IRA provisoire, en particulier l'un d'entre eux : une veuve de 37 ans, mère de 10 enfants, enlevée de son domicile à Belfast et jamais réapparue.

De façon assez méticuleuse, dans un livre qui selon moi est à mi-chemin entre journalisme et récit littéraire (mais sans aucune fiction), il reprend l'histoire de ces évènements et des personnages qui en sont les victimes ou les auteurs, jusqu'à brosser un portrait assez large de cette guerre, y compris dans ses répercussions contemporaines. La dernière partie traite particulièrement de la question de la mémoire et de l'impossible justice sur ces faits, elle est particulièrement enlevée et stimulante.

Je recommande donc sans réserve.
La chronique du Monde à son sujet : lien
Franco Bas résilles le 07/12/2021 à 09h59

En réponse à Telstar le 07/12/2021 à 09h52
(voir le message)

Hé ho, c'est MA sélection, hein, et elle repose sur des critères à la fois sportifs et subjectifs : Maupassant, il manquait de coffre pour les 90 minutes, alors si les parties avaient duré 30 minutes, je ne dis pas.