Premier League et foot anglais
Le rendez-vous des amateurs du foot venu d'Angleterre, qui sent la sueur de pub et la bière chaude.
-
theviking le 16/02/2022 à 23h26Le score du match ne reflète pas vraiment la rencontre qui était assez équilibrée. Grand pas des scousers pour la qualification.
-
Mangeur Vasqué le 19/02/2022 à 09h29(Les vacances, enfin. Et encore trois tempêtes cette semaine… une jeudi, Storm Dudley lien ; hier avec Storm Eunice, 3 morts ici en Angleterre, rafales à presque 200 km/h sur la côte sud, le North East a été relativement épargné ; et une autre demain soir. Sixième tempête au Royaume-Uni depuis fin novembre avec minimum niveau alerte orange (rouge hier sur tout le sud), de loin la pire série au R-U depuis que les mesures existent. Aucune explication avancée (à ma connaissance).
Je n'ai vu que des bouts de 2è mi-temps de cet Inter-Liverpool, mais ce match me semble être un peu une parabole de ce qu'est devenue la Premier League, une espèce de rouleau compresseur, par toujours beau ou gracieux à voir opérer mais diablement efficace.
Les effectifs, la profondeur de banc, les joueurs rompus à la PL et au top niveau européen (contrairement aux Intéristes sur ce match, un Inter en phase transitionnelle il me semble, non ?), les managers très expérimentés en général dans le Big 7-8, une certaine clinicité dans la gestion des matchs (on en revient à l'expérience en Europe et le savoir-faire PL), etc. tout ça leur permet souvent d'éliminer, voire d'écraser, l'adversaire à ce niveau de la compétition (8è-quart – Sporting-Man City, 0-5), même s'ils ne sont pas toujours dominants ou flamboyants dans le jeu.
Je viens de consulter les wikis LdC sur les 5 dernières saisons, à partir de 2017-18, hormis 2019-20, année sans pour les Anglais (un seul club en ¼, Man City, éliminé par Lyon), le reste est impressionnant niveau fréquence de la présence en ¼, demies et finales, avec 2018-19 comme point d'orgue lien. Même tendance pour l'EL, souvent 2 clubs en ¼ et pas mal de finalistes ou/et vainqueurs sur les 6 dernières éditions. Les coefficients UEFA doivent refléter tout ça j'imagine, je ne les ai pas consultés.
Les moyens sont énormes et, malheureusement, le fossé se creuse...*
En plus de la manne billetterie élevée, les droits TV Premier League domestiques & étrangers sont (grotesquement) énormes. Le dernier round des négos (pour 2022-25) vient de s'achever y'a quelques semaines et la part étranger a augmenté de 30 % par rapport à 2019-22, et 43 % sur la tranche précédente (la part domestique reste stable. Sky Sports rafle environ 75 % du lot, BT Sport 20 % et Amazon les 5%. La BBC récupère les highlights, cô d'hab). Pour la première fois, les droits étrangers > droits domestiques. La PL touchera 3.5 milliards £/an.
Cette globalisation toujours plus forte pourrait avoir des conséquences sur la programmation et empirer l'état déjà avancé du morcellement de chaque journée. Elle pourrait par exemple accroître le nombre de coups d'envoi "décalés", eg les horribles 12h30 (West Ham-Newcastle aujourd'hui, mes deux clubs préférés...), pour coller aux marchés moyen-oriental et asiatique, vu le montant des droits payés par beIN Sports et les Chinois + Eclat Media Group pour la zone Japon-Corée du Sud, environ 1 milliard £, ou le samedi soir à 20 h – ce qui serait inédit – pour l'AmNord, vu les 2 milliards £ déboursés par NBC pour 2022-28.
Les clubs de PL touchent environ 80 % de cette somme. Environ 5 % va aux autorités de la Premier League (gros salaires...), et 15 % environ à la Football League (D2-D4), surtout à la D2, via les controversés "parachute payments" (clubs relégués de PL qui touchent une fortune sur 3 ans - s'ils ne remontent pas en PL évidemment -, genre 120 millions £ par club sur 3 ans, dans ces eaux-là. Il est régulièrement question de diminuer ou les supprimer ces parachute payments lien, et redistribuer cet argent aux autres clubs de D2 et un peu en D3-D4, mais pour l'instant ils ne font qu'augmenter à chaque round de négos des droits PL, ce qui évidemment creuse encore plus le fossé entre les gros de D2 et le reste du peloton).
[*fossé bien aidé aussi par le fait que les niches & magouilles - illégales - généralisées permettent aux joueurs de payer bcp moins d'impôts et de National Insurance, qui est une sorte de taxe sécu et "state pension", environ 13 % du salaire brut, avec un abattement sur les premiers 10 000 £/an environ. Je remets ce lien lien que j'ai mis dans le fil lyonnais, car il est pertinent sur ce sujet précis de l'attractivité de la Premier League. Non seulement les salaires sont bien supérieurs au reste de l'Europe mais en plus les magouilles fiscales permettent de bien booster les salaires des joueurs.
Le lien nous dit que HMRC – les impôts – "enquête" sur ce loophole de la faible taxation sur les droits d'image (assujetti au taux "corporation tax" des sociétés, 19%, vs 45 % pour le taux impôts sur ces salaires très élevés), avec en plus, souvent, la possibilité de faire domicilier cette société offshore, et donc de payer encore moins d'impôts. Mais OK, mais ça fait 20 ans que HMRC enquête et hormis des redressements, la législation ne fait pas grand chose pour éliminer ces magouilles illégales.
On est donc bien au-delà de l'optimisation, tout ça est illégal. HMRC opère régulièrement de gros redressements, sur les joueurs, les agents, les clubs, mais rien n'y fait. Rien que sur la période 2015-2021, HMRC a recupéré 464m £ en redressements lien, mais cette somme ne constitue qu'une partie des sommes detournées.
Avec sans cesse de nouvelles magouilles pour carotter toujours plus. Y'a pas à dire, ces gens-là sont créatifs. La dernière pratique douteuse, en vogue depuis 3-4 ans apparemment, est la combine dite de la "dual representation", qui fonctionne ainsi (expliquée ici par le lien ou ici par ce cabinet fiscal lien). Précisons que cette pratique de double representation existe depuis longtemps, bien qu'elle ait été interdite à un moment en Angleterre lien, mais ce qui est relativement nouveau est le changement sur la TVA dans ce domaine.
Le joueur et le club se font représenter par le même agent lors d'un transfert ou d'un renouvellement de contrat, et comme les clubs ont (étonnement) le droit de se faire rembourser la TVA (20 %) sur les émoluments des agents dans ce genre de transaction, mais à condition ici que le montant soit divisé 50-50 entre club et joueur, de sorte que seulement la moitié de la TVA est légalement remboursable. Or, HMRC s'est récemment aperçu dans ce scénario que certains agents facturent le club à 90 % et le joueur à 10 %, ce qui équivaut à des gains supplémentaires pour les joueurs. D'où l'an dernier le redressement de HMRC à ce niveau lien, "Top footballers and agents face big bills as tax loophole shown red card").
-
Red Tsar le 19/02/2022 à 12h22Très intéressant, merci.
Mais ça suscite en moi des questions sur le bas de la pyramide. Qu'en est-il du football local, sinon populaire ? Comment évolue le nombre de licenciés ? Les filles se sont mises au foot ? Les autres formes de foot émergent ("Five", futsal, coupes des quartiers...) ?
En France, on a l'idée que le moindre match des divisions les plus inférieures attirent des milliers de spectateurs. C'est (encore) vrai ?
Bien sûr, une approche comparative des différentes nations du Royaume sera apprécié. En plus tu nous as dit que t'étais en vacances, donc aucune excuse :) !
-
Mangeur Vasqué le 19/02/2022 à 14h03Putain, j'viens d'me faire un petit 6K, dans le froid avec un petit vent glacial, je crache ma race alors patience...
Je m'entraîne pour le parkrun lien, je m'y remets et espère en refaire un la semaine prochaine. Y'a quelques parkruns d'ailleurs en France lien. Quand t'es pas toujours super motivé (mon cas), c'est idéal. J'y vais mollo, je tiens pas à ce qu'une contracture m'empêche de faire de la rando. Ça m'est arrivé une fois, un mois d'arrêt rando à cause du running, alors je fais gaffe.
Parkrun est une invention British et vraiment une super initiative, démarrée en 2004 lien. Ça s'est développé dans d'autres pays, c'est gratos et y'a aujourd'hui plus de 700 parkruns au R-U.
Ce sont des 5K organisés par des volontaires et qui ont lieu le samedi matin, quasiment toujours dans des endroits sympas. La route n'est pas utilisée, ça se passe dans les parcs, sur des promenades en bord de mer, divers bouts de terrain, etc. C'est surtout pour encourager les gens à (re)faire de l'exercice.
Le plus est que y'a vraiment tous les niveaux et que c'est très relax. Tout type de coureur y est bienvenu, que tu fasses ton 5K en 1 heure (en marchant donc) ou dans des temps quasi olympiques, peu importe.
Des personnalités très connues en font aussi pour assurer (bénévolement) la promotion du parkrun. Comme les frères Alistair & Jonny Brownlee par ex. (triathlètes olympiques), qui les font chez eux dans le North Yorkshire quand ils le peuvent, et d'autres coureurs de niveau olympique/international ou national qui donc se mélangent avec des coureurs lambda comme moi, des joggeurs lents, des quasi marcheurs, etc. Y'a pas mal de gens âgés, des corpulents, des obèses, des gens en rééducation médicale, des qui poussent un buggy avec bébé, courent avec leur chien, leurs jeunes enfants, etc. Y'a vraiment de tout dans ces parkruns, ça fait tout le charme du truc àma lien
Le but des organisateurs au niveau national est de promouvoir l'initiative pour sans cesse ouvrir de nouveaux parkruns, le but étant d'encourager l'activité physique, le pays ayant un énorme problème d'obésité.
Le 5K est chronométré mais y'a aucune pression. Le meilleur temps national est de 13'46, et vu les surfaces – pas vraiment des pistes cendrées – c'est balèze. Le record sur Newcastle est de 14'15.
La route n'est pas utilisée, ça se court quasiment que dans des parcs, ou promenades (style ramblas de bord de mer), mais surtout parcs, des bouts de sous-bois, ce genre de chose, ça fait un peu cross-country parfois.
Donc, cô je disais parfois des coureurs d'élite ou niveau national se pointent, souvent pour faire la promotion de cette formidable initiative.
Dans le coin ici sur Newcastle on a la coureuse olympique Laura Weightman, que j'ai d'ailleurs eu comme élève y'a une bonne quinzaine d'années, qui les fait de temps en temps, elle te torche ça en 16 minutes (son meilleur temps sur le 5 000 est de 14'35).
Elle les fait surtout pour promouvoir cette chouette initiative et aussi un peu pour servir de lièvre aux coureurs de bonne facture qui veulent améliorer leurs perfs, car y'a quand même un élément compétitif pour certains dans ces parkruns, eg lien. Moi-même, à un moment, quand je me suis remis à courir y'a quelques années, 2-3 entraînements/semaine, j'ai cherché à les faire pour la perf' (j'ai fait 23'10 une fois), mais je me suis flingué les muscles du mollet à essayer d'améliorer mes temps et ça m'a calmé.
Steve Cram lien, l'entraîneur de Laura Weightman pendant longtemps, les fait aussi de temps en temps et assure la promotion parkrun, comme ici à Sunderland lien.
Steve Cram qui s'est d'ailleurs une fois pointé dans mon parkrun ! J'avais à peine bouclé un tour (2.5 k) qu'il finaissait son 2ème et donc la course. Je le connais un peu, j'ai enseigné à ses deux enfants au début des années 2000, il venait systématiquement aux réunions profs-parents avec sa femme (ex femme aujourd'hui). C'est un supp Black Cats, on discutait foot aussi. Vraiment un type très sympa et ouvert.
Assez inhabituellement, malgré sa situation financière (il a un gros contrat BBC depuis longtemps, les salaires BBC ont baissé ces dernières années mais à un moment il palpait 500K/an), il a mis ses enfants dans le public, au moins un temps. Quand j'enseignais à sa fille près de Newcastle, il habitait alors dans une propriété à 3-4 millions £, dans ce genre lien, dans une petite ville aisée, Morpeth, au nord de Newcastle.
Il scolarisait alors (vers 2002) ses deux enfants dans le public. Pis peu après il a divorcé, a déménagé (toujours près de Newcastle), et a envoyé ses gamins dans le privé, qui ici démarre à 8 000 £/an. C'est pas rarissime en Angleterre d'être riche et de scolariser ses gamins dans le public mais c'est quand même très peu courant. Ou alors parfois, si les gamins sont des "G & T" (rien à voir avec le Gin & Tonic, = "Gifted & Talented", l'une des nombreuses catégorisations qu'on a dans le système anglais), ils les mettent dans une "Grammar school", école publique très sélective, (examen spécial pour intégrer une Grammar school, appelé le "11 +", qui existe depuis 1944 lien., et qui pendant longtemps - début années 1970 - était l'examen que tous les élèves passaient pour aller au collège, mais peu le réussissaient. Comme c'était très exclusif et pénalisant, le système a alors été changé, années 1970, et les "comprehensive schools" lien., collège ou collège-lycée ouvert à tous, sans sélection, se sont fortement développés).
Il ne reste plus que 163 Grammar schools sélectives (certains collèges-lycées s'appellent encore Grammar school mais juste pour le prestige, ils ne sont plus du tout sélectif, et n'entrent pas dans la liste des 163) et plus de la moitié d'entre elles se trouvent en Irlande du Nord et dans le Kent lien. Y'en a par exemple aucune dans le North East (3 millions d'habitants).
C'est un modèle controversé, forcément, car il "cream off" cô on dit – écrémer – tous les meilleurs élèves d'un coin donné et donc "appauvrit" les autres collèges-lycées. Et comme ces Grammar schools sont souvent dans des petites villes ou villes moyennes, tu te retrouves souvent avec un collège-lycée qui affiche des niveaux de réussite aux exams quasiment aussi élevés que les meilleurs écoles privées du pays, et à 1 km t'as un collège-lycée qui tire la langue…
La plupart des Conservateurs adore le modèle Grammar school lien, mais aucune création sous les Tories. Cameron, 2010-2016, ne les aimait pas trop. New Labour avait promis de les supprimer et, guess what, ils n'y ont pas touché… Leur nombre n'a cependant pas augmenté depuis longtemps. C'est un vieux débat (Faut-il supprimer les Grammar schools ?), y'a même un wiki là-dessus lien
Les riches, ou très aisés, envoient quasi systématiquement leurs gamins dans le privé, sauf si impossibilité (domicile éloigneé de l'école, mais les grosses écoles privées organisent des ramassages scolaires extensifs, style jusqu'à 40 kms de l'école). Ça nous avait donc surpris de voir les deux gamins de Steve Cram débarquer car lui et sa femme auraient très bien pu les envoyer dans des écoles privées de Newcastle (quoique notre collège-lycée était, est toujours, excellent. Je n'y bosse plus). Le privé offre des conditions exceptionnels, classes de 10-15 élèves, enseignement personalisé, tutoriat, superbes structures, équipements sportifs parfois wowesques, piscines, etc. (d'où la grosse proportion de nageurs britanniques issus d'écoles privées. Et aussi niveau networking, assos anciens élèves, etc. c'est le top, donc écoles très prisées par les riches. Y'en a 2 500 en Angleterre & Wales, elles accueillent 7 % des élèves 11-16 ans et 20 % des 16-18 ans).
-
Özil paradisiaque le 19/02/2022 à 14h38Sur les tempêtes : déjà bon courage!
Une explication : changement climatique, hausse de la fréquence des phénomènes extrêmes? Ca semble être un début de piste.
La prise de pouvoir des clubs anglais sur l'Europe est frappante : j'ai vu Arsenal galérer comme jamais en PL et aller 3 fois en 4 ans en finale et demi-finale (*2) d'EL en faisant tourner jusqu'à tard dans la compétition.
C'est un de mes motifs de manque d'ambition dont nous débattions pour cette saison : le fait qu'en jouant l'EL on pourra faire tourner tranquillement alors que la LDC va nous prendre une énergie beaucoup plus importante. Vu l'âge du groupe et le peu de profondeur j'ai l'idée que l'on construirait peut être plus solidement en faisant 5ème cette année et EL l'an prochain.
(mais en vrai : je pousse à chaque match en espérant qu'on gagne et je commence à regarder ce que font les autres, 1-1 à la mi-temps pour West-Ham par exemple).
-
Mangeur Vasqué le 19/02/2022 à 16h43Je réponds à la première Q et le reste un autre jour car je dois y aller, je suis super à la bourre.
1) Qu'en est-il du football local, sinon populaire ?
Le foot "grassroots" se porte bien dans l'ensemble. La non-League (D5 et en dessous) est de plus en plus professionnalisée, ou semi-pro, et les infrastructures se sont vraiment améliorées sur la dernière décennie (lente professionnalisation de la Non-league, intérêt grandissant, plus d'investissements, quelques clubs ont servi de locomotives et tiré le reste).
La D5 est quasiment professionnelle à 100 %, ainsi qu'une bonne partie de la D6 (2 poules nationales) voir pyramide lien, ainsi que quelques clubs de D7 (4 poules), comme le FC United of Manchester ou South Shields FC (banlieue de Newcastle) que j'évoquais l'autre jour car la Sunderland Legend Kevin Phillips y est désormais manager.
Pas mal de clubs de Non-league, en D5, ont des affluences > 5 000, voir lien. Vu le prix élevé des abonnements & billets, c'est assez blufflant (ils font qd même un bien plus gros effort niveau tarif sur les U18 que les clubs PL ou Football League, ils tiennent à fidéliser le public).
La Non-league a aussi un excellent hebdomadaire, le "Non-league Paper" lien (papier et digital) qui couvre de la D5 à la D10-D11, et d'excellents sites Internet/forums.
Pour ce qui est des petits clubs, de la "pub league" (Sunday League/sorte de championnat corpo), etc. ça se porte bien également. Les infrastructures grassroots se sont aussi grandement améliorées, surtout depuis la création, et l'essor, de la Football Foundation lien, "charity" créée en 2000 à l'initiative du gouvernement (associé à la Premier League et la FA, fédération anglaise).
Bon, y'a des raisons bien spécifiques à ça, cette création, raisons qui touchent à Hillsborough, au gvt New Labour, à la PL, à la dynamique de l'époque, etc. mais comme j'ai actuellement un article en attente (il est chez Dame Rédac) qui évoque un peu ces sujets et qui devrait sortir bientôt, je n'en dirai pas plus, tu auras l'occasion de me rebrancher là-dessus qd il sortira.
Je l'ai écrit pour le 30è anniv' de la création de la PL, elle aura 30 ans demain. J'avais sorti ce dossier pour le 20è anniv' lien. Nonobstant les nombreuses aberrations de cette PL, je tenais à raviver la flamme, quelque peu éteinte ces dernières années, de ma passion pour le foot anglais et donc je voulais me focaliser sur du positif, et j'ai choisi de parler de… Enfin, vous verrez.
Y'a par exemple plusieurs clubs autour de chez moi, ou dans des coins où j'ai bossé, qui sont nés, et/ou se sont fortement développés, grâce à la Football Foundation (grosses subventions).
J'en discutais encore y'a pas longtemps avec un parent d'élève, dirigeant dans l'un de ces petits clubs de village, qui me racontait comment ils avaient (avec succès) monté un dossier pour obtenir 1 million £ et comment ensuite ils avaient utilisé l'argent pour un terrain astro turf, l'éclairage, l'upgrade des vestiaires, etc. La National Lottery aide un peu aussi lien
Y'a 3 jours aussi par exemple, a démarré à Newcastle la construction de deux gros "hubs" foot pour la communauté, financés grandement par la Football Foundation lien
L'article mentionne la municipalité de Newcastle, mais les municipalités ne financent pas bcp les équipements foot, elles sont de toute manière souvent "cash-strapped", finances exsangues.
Et comme je l'ai écrit ici y'a un mois ou deux en joignant des liens, les gouvernements conservateurs donnent moins aux municipalités/local authorities, et circos, travaillistes, comme Newcastle, les dotations ne sont pas généreuses pour ces coins-là... (La municipalité de Newcastle est largement travailliste lien, et les 12 circos de Newcastle & conurbation sont toutes travaillistes
lien, donc disons que c'est pas vraiment un coin qui intéresse les Conservateurs... Et ces derniers sont souvent au pouvoir – 30 ans sur les 43 derniers.)
Politiquement, les Conservateurs ont bcp plus intérêt à arroser les villes/circos Tory, ou qui sont limites/fluctuantes – "swing constituencies", appelées aussi "marginal seats". Peu de villes sont conservateur d'ailleurs. Pour faire simple, en Angleterre (c'est différent en Écosse, PdG, etc. car les partis régionaux/indépendantistes sont très présents), les grandes villes/local authorities sont travaillistes et les circos de campagne quasiment toutes Parti conservateur. Mate par exemple cette carte interactive des circos lien (y'a du bleu hein... Parti conservateur).
Les Américains appellent ça la "pork barrel politics" lien : le favoritisme envers les coins (circos ou "local authorities") dirigés par le pouvoir en place ici. On utilise aussi de + en + ce terme au R-U (ici par exemple lien récemment, par des politiciens travaillistes) mais ici on appelle plutôt ça, pudiquement, des "sweeteners". Et comme ici les ¾ du temps ce sont les Conservateurs aux commandes, ben ça grossit d'autant plus les inégalités.
On touche ici les limites du régime parlementaire (à la britannique), le député a plus d'importance politiquement parlant, qu'en France mettons, mais il est aussi de fait plus exposé au clientélisme s'il appartient au "bon bord".
Je précise que les députés dans les circos aisées ici, donc quasiment toutes Parti conservateur – y'a quelques exceptions, un peu freak et ponctuelles – sont souvent aux mains de ministres/secretaires d'état, ou d'ex, comme Boris Johnson par ex., député d'une circo ouest londonien, ou de politiciens conservateurs gravitant autour des cercles de pouvoir, donc ces circos sont les premières servies. Ça ne veut pas dire qu'elles ne manquent de rien et roulent sur l'or, surtout depuis la politique d'austérité débutée en 2010, mais elles sont (bien) mieux loties que les autres, surtout par rapport aux circos travaillistes.
Jusqu'à dix fois plus que les plus défavorisées. Le Guardian y'a 2 semaines (au sujet du "Levelling Up Fund" de 5 milliards £) :
"Levelling-up: some wealthy areas of England to see 10 times more funding than poorest" lien
C'est documenté depuis longtemps, dizaines d'articles dans la presse sur ce sujet, eg
lien
lien
lien
etc.
New Labour (1997-2010) faisait pareil évidemment, sauf que bien sûr c'est différent car les circos qu'ils favorisaient avaient toujours besoin d'un bon coup de pouce, à tous les niveaux.
Les changements réguliers dans le découpage électoral pour raisons X ou Y, par le pouvoir en place donc, tient surtout du "gerrymandering" ( lien ou lien) que de raisons plus nobles.
-
Mangeur Vasqué le 19/02/2022 à 16h54Merci (pour ce qui est du North East cependant, on n'a quasiment pas été touchés par les deux dernières tempêtes).
Aucune explication de fond donnée non, sinon juste sur le mécanisme et particularités de ces phénomènes, comme le "sting jet" lien
-
Red Tsar le 20/02/2022 à 18h52Merci pour, c'est très intéressant. Vivement la suite !
-
Mangeur Vasqué le 20/02/2022 à 21h29De rien. La suite arrive, un 'tit bout ce soir peut-être, le reste dans la semaine.
Bon article de Simon Kuper dans le Financial Times sur la Premier League, créée il y a 30 ans aujourd'hui lien. Sans grande surprise mais bien ficelé et sympa à lire, au moins pour son côté "trip down Memory Lane" et se rappeler combien les choses étaient différentes, et étranges (doux euphémismes).
lien
"The Premier League at 30 — an English success story? – Since the top clubs broke away from their peers in 1992, foreign players and money have flooded in.
Extrait :
"In 1996, Cantona's compatriot, Wenger, became manager of Arsenal. "I felt like I was opening the door to the rest of the world," Wenger said later. He brought knowledge that nobody in insular England at the time possessed. For instance, Michael Cox in The Mixer describes Arsenal's pre-Wenger diet: They'd enjoy a full English breakfast before training, and their pre-match options included fish and chips, steak, scrambled eggs and beans on toast. Post-match, things became even worse: on the long coach journey back from Newcastle, for example, some players held an eating competition, with no one capable of matching the impressive nine dinners consumed by centre-back Steve Bould."
Haha, le "full English" ( lien) juste avant l'entraînement, idéal pour glisser quelques petits tacles bien lourds, digestion oblige. Et la collation d'avant-match : un bon p'tit fish & chips, ou steak, œufs brouillés et beans on toast. Et les compétitions d'avalage de bouffe dans le bus du retour de match, avec Steve Bould, le déf central d'Arsenal, qui éclatait tout le monde : 9 dîners ingurgités.
Et malgré cette hygiène de vie lamentable (et le passage zappe l'alcool), un palmarès européen hallucinant pré création PL (pour le foot anglais je veux dire, je ne pense pas spécialement à Arsenal en écrivant ça...).
Vous imaginez la tête de Wenger en découvrant ces mœurs wtfesques ?! Un autre monde, en effet.
---------------------------
On apprend ce matin la mort (suicide, apparemment. Problèmes d'alcool et dépression lien) lien de Joey Beauchamp lien, 50 ans. Il était marié, deux filles.
Ce milieu gauche classieux porta le maillot d'Oxford United pendant douze saisons, sur deux périodes (428 matchs , 80 buts pour les U's, le surnom du club). Il est consideré comme l'un des tous meilleurs de l'histoire du club lien
Oxford était principalement en D2 quand il y évolua (D3 aujourd'hui, c'est l'un des leaders d'ailleurs cette saison lien).
Beauchamp fut formé à Oxford United au milieu des années 1980, Oxford était alors en pleine mutation. En 1982, le club fut en effet racheté par l'improbable Robert Maxwell lien, né Ján Ludvík Hyman Binyamin Hoch en Tchécoslovaquie en 1923 (la plupart des membres de sa famille, des Slovaques, furent exterminés par les Nazis). Marié à une Française en 1945, ils eurent 9 enfants (dont Ghislaine Maxwell lien, qui fut d'ailleurs dirigeante d'Oxford pendant cinq ans, elle n'y connaissait strictement rien bien sûr mais son père l'adorait et la voulait constamment à ses côtés).
Devint un magnat de la presse populaire et de l'édition dans les années 1980 au Royaume-Uni lien et racheta les U's pour 130 000 £ en 1982 (le montant des dettes), club au bord de la faillite, dans l'espoir de capitaliser sur le football, alors au creux de la vague mais dont il sentit le fort potentiel. Un visionnaire donc, mais il ne verra jamais la naissance de la Premier League.
Le foot pour lui était purement un business, et en 1983 il essaya de fusionner Oxford avec Reading et appeler ce nouveau club "Thames Valley Royals" (le surnom de Reading étant les Royals, le comté, le Berkshire, étant connu comme "the Royal County of Berkshire". Gros credentials aristo, Windsor est à quelques kms et (Royal) Ascot pas loin non plus). Il voulait faire construire un nouveau stade, rivaliser avec les gros clubs anglais, etc. Mais au dernier moment, un dirigeant de Reading fit capoter ce projet de fusion bien barré.
Maxwell mourut en 1991 dans des circonstances aussi troubles que ses nombreux business lien.
Beauchamp était un joueur un peu symbolique de cette période (1980-1990), et l'évocation de ce que Wenger dut affronter en arrivant illustre l'époque. C'était un artiste dont le talent paraissait un peu "suspect" aux yeux de nombreux clubs, qui lui préféraient des "target men" ou des joueurs hyper physiques.
La cote de Beauchamp grimpa en flèche au début des 1990s, et West Ham (D1) l'acheta pour la belle somme de 1.2 million £. Mais il ne s'adapta pas chez les Hammers, ni au club ni à Londres, et repartit à Oxford. C'était une sorte de Matt Le Tissier de D2 : il avait indéniablement les qualités pour s'imposer dans un plus gros club mais ne se sentit bien que chez les U's.
-
Mangeur Vasqué le 20/02/2022 à 22h17"En France, on a l'idée que le moindre match des divisions les plus inférieures attirent des milliers de spectateurs. C'est (encore) vrai ?"
---------------------------------
J'ai un peu répondu à cette question dans mon poste d'hier, pour ce qui est de la Non-league en tout cas.
Oui, c'est toujours vrai, les affluences sont fortes en Football League (D2-D4), surtout vu le coût très élevé des billets, c'est assez bluffant. Et la tendance sur la dernière décennie est à la hausse (légère), un petit effort prix ayant été fait sur les tarifs jeunes, surtout abonnements. Les clubs de FL reçoivent proportionnellement bcp moins de droits TV que les clubs de PL, donc ils essaient davantage de fidéliser le public. La Football League a aussi son hebdo, The Football League Paper lien. Pas mal d'émissions radio et TV (en clair et chaînes payantes) sur la Football League aussi. C'est très bien couvert, ça reflète le fort engouement pour les divisions inférieures.
Les moyennes pour la dernière saison pleine (2018-19) étaient :
D2 : 20 181
D3 : 8 741
D4 : 4 468
Ce qui est impressionnant c'est aussi le nombre de supps qui font les déplacements (de plusieurs heures mettons), c'est souvent en milliers. Même en D4 le nombre de supps exters atteint ou dépasse fréquemment le millier (Bradford City, Tranmere Rovers, Swindon Town, Bristol Rovers, etc.).
Le public foot anglais est très fidèle. Même une descente, voire dégringolade, baisse peu la moyenne. Sunderland par ex., malgré ses déboires financiers et sportifs (en D3 depuis quatre saisons), tourne toujours à 31 000 de moyenne, vs 40 000 en Premier League. Et remplit aussi toujours les parcages visiteurs des stades de D3, même ceux de 6 000 places. (Sundeent bien pourraient bien monter en D2 ; et bien sûr, le but vainqueur de MK a eté marqué par un ex Black Cat, Connor Wickham lien... lien, ça s'appelle "the curse of the ex", la malédiction de l'ancien joueur. Classement D3 lien).
Pareil pour des clubs comme Bradford City (D4) ou Portsmouth (D3), ils font seulement 10-20 % de moins que quand ils étaient dans l'élite. Et certains petits clubs de D3, qui donc comptent bcp sur la billetterie, laissent les supps exters des gros clubs de D3 (cô Sunderland, Sheffield Wednesday, Ipswich, Charlton ou Portsmouth) remplir leur stade, bien au-delà des limites du parcage exter.
Réponses aux autres Qs cette semaine.