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Moins de foot, plus cher

Partagée entre Canal et Orange, la Ligue 1 va frustrer ses amateurs tout en leur faisant les poches.
Auteur : Jérôme Latta le 30 Juil 2008
Dernière réaction : le 05/08/2008 à 23h51

 

Le week-end du 9 août, le championnat de France français retrouve les terrains... et les écrans. Pour les footballeurs, les pelouses n'auront pas changé, exception faite de celles des promus. Pour les spectateurs, il faudra s'habituer aux nouveaux horaires:  6 matches à 19 heures et un à 21 heures le samedi, 2 matches à 17 heures et un à 21 heures le dimanche (1).
Les téléspectateurs, eux, vont découvrir le nouveau paysage audiovisuel dont a enfanté l'attribution des droits télé pour la période 2008/2011, et qui sera donc le leur pour trois saisons. Non sans dégâts: il faudra choisir entre s'asseoir sur sa frustration ou mettre la main au portefeuille.


orange_foot2.jpgPas de quartier pour Orange
La grande nouveauté, ce sera évidemment l'apparition de la chaîne Orange Foot, l'opérateur de téléphonie ayant acquis, pour 203 millions d'euros par saison, le droit de retransmettre le "grand match" du samedi, à commencer par le premier choix de 21 heures. Cette offre ne sera accessible qu'aux abonnés de l'offre "triple play" d'Orange (téléphone, Internet, télévision), via ADSL ou satellite, contre 6 euros mensuels – qui s'ajouteront aux 29,90 euros d'abonnement + 3 euros de location de la Livebox.
Inaccessible via la TNT, Orange sera disponible par satellite dans les zones où le débit ADSL n'est pas suffisant, moyennant l'installation éventuelle d'une parabole et la location ou l'achat d'un décodeur spécifique (2).

Dans la bataille, Canal+ s'est arrogé le "grand match" du dimanche soir et la priorité pour en désigner l'affiche (3). La chaîne cryptée a aussi conservé un semblant d'exclusivité, puisqu'elle diffusera l'intégralité des matches: en direct et en paiement à la séance via Foot+ pour les huit matches hors les deux affiches, et en différé à partir de minuit pour les matches Premium (dont celui du samedi soir diffusé par Orange).


Dépenser plus pour voir moins
Pour avoir accès à tous les matches, ou plus simplement pour avoir la possibilité de regarder les deux "grands matches" du samedi et du dimanche soir, il faudra s'abonner à la fois à Canal+ et à Orange (en y ajoutant le prix de Foot+). Un abonné C+ qui payait 30 euros pour voir trois matches n'en verra plus qu'un, et devra en remettre 36 dans la corbeille pour avoir le droit de voir l'autre affiche du week-end chez Orange...
Sauf à payer sensiblement plus cher, il y aura donc moins de matches disponibles pour la plupart des téléspectateurs. Ce ne sera pas forcément un mal, la vraie vie étant ailleurs, mais en réalité et en moyenne, l'ensemble des amateurs de football déboursera plus d'argent... tout en voyant moins de foot.

La bonne opération financière (668 millions annuels) réalisée par la Ligue en cassant l'exclusivité de Canal+ et en ouvrant la porte à Orange en tant que diffuseur a failli avoir une conséquence plus marquante: la disparition de toute image de la Ligue 1 disponible sur les réseaux hertziens gratuits, puisque même le magazine du dimanche (Téléfoot puis France 2 Foot la saison dernière) avait été acquis par Canal. Avivé par les protestations de France Télévisions (qui souhaitait récupérer, via une nouvelle loi, un accès aux images), les mobilisations des associations de téléspectateurs et l'inquiétude du CSA, le débat sur "la privatisation du foot français" et le droit à l'information a finalement poussé Canal+ à proposer en clair le magazine du dimanche (4).


orange_foot1.jpg


Moins populaire
Le saucissonnage de la Ligue 1, s'il constitue une réussite sur le strict plan économique pour les clubs de Ligue 1, aura pourtant des effets difficilement mesurables. Déjà, certains présidents se sont aperçus avec retard que l'exposition du championnat serait très réduite par rapport aux saisons précédentes. Non seulement il n'y a plus que deux affiches au lieu de trois, mais de surcroît, la première diffusée par Orange va toucher un nombre famélique de téléspectateurs, l'offre démarrant à peine et n'offrant pas la garantie de conquérir des audiences aussi larges que celles de Canal (déjà restreintes à 5,3 millions d'abonnés). La chaîne va d'ailleurs – comme TPS avant la fusion – mettre en valeur la Premier League sur son antenne du samedi après-midi...

Le retour à la concurrence aura aussi pour effet d'instaurer une logique purement commerciale pour le choix des matches. "Nous serons un peu moins 'démocrates'. Nous choisirons à chaque fois la meilleure affiche possible", confiait récemment Cyril Linette à L'Équipe. Cela signifie que certains "petits" clubs pourraient ne plus jamais être diffusés, au profit des plus médiatiques (5)... Or, la répartition des droits télé entre les clubs est en partie calculée sur le nombre de diffusions. On comprend quel effet de levier va se mettre en place, consistant à faire aller toujours plus d'argent aux mêmes formations.


La vente à la découpe du championnat de France creuse ainsi l'écart entre l'industrie du football et ses consommateurs. Elle résulte d'une vision à court terme, dont les conséquences ont peut-être été très mal mesurées par ceux qui vont croire en profiter: à l'arrivée, le danger est tout simplement de dévaluer le produit en le rendant moins populaire. Ce risque-là a-t-il été calculé?



(1) La première journée, pour laquelle tous les matches seront disputés le samedi à 21 heures, sera diffusée en multiplex par Canal+ (hors le match d'Orange Foot du samedi soir). Il en ira de même pour les 20e, 37e et 38e journée. Par ailleurs, lors des 2e et 3e journées, les matches du dimanche après-midi auront lieu à 16 heures au lieu de 17.
(2) Orange dispose aussi de l'exclusivité de la diffusion sur téléphones mobiles, sur lesquels huit rencontres seront disponibles (hors les deux grands matches du samedi soir et du dimanche soir). L'opérateur commercialisera en vidéo à la demande (VOD) un magazine hebdomadaire disponible à partir de dimanche minuit.
(3) Lots "Premium 1 et 2" de l'appel d'offres (les 10 plus belles affiches plus les 28 autres matches du dimanche soir). Canal+ s'est ainsi d'ores et déjà réservé toutes les confrontations entre l'OM et l'OL, ainsi qu'entre l'OM et le PSG. De son côté, Orange aura la priorité pour désigner 10 matches du samedi soir.
(4) Diffusé de 19h40 à 20h40 et animé par Hervé Mathoux et Nathalie Ianetta à partir du 31 août, "Canal Football Club" sera selon Cyril Linette – nouveau directeur des sports – "un grand show familial (...) un peu à l'italienne, avec un grand décor et un public de 300 personnes". Il comportera, outre les résumés des rencontres du samedi et du dimanche, "des débats, un module de divertissement, un journal people" (Le Parisien).
(5) Même si une règle empêche chaque opérateur de diffuser plus de 19 fois la même équipe en prime time.

Réactions

  • Björn Björk le 01/08/2008 à 17h50
    arnaldo01
    vendredi 1 août 2008 - 17h36

    > Le truc, c'est que dans les autres sports où il existe, le match nul est un évènement exceptionnel, hautement improbable et quasiment impossible à obtenir volontairement. Je ne vois pas d'autre sport où on peut rentrer sur le terrain en espérant obtenir un match nul. Du coup la proportion de nuls est ahurissante. Or pratiquer un sport en espérant qu'il n'y aura pas de vainqueur, c'est l'antithèse de l'esprit sportif. Il faut le supprimer !!
  • funkoverload le 01/08/2008 à 17h54
    Eh bien moi j'aime cet esprit prétendument anti-sportif selon lequel il pourrait n'y avoir aucun gagnant, ni aucun perdant d'ailleurs.
    Cet esprit, totalement contraire à la doxa sportivo-libérale dominante est certes un peu mis à mal par la victoire à 3 points, mais j'y tiens.
  • fabraf le 01/08/2008 à 18h03
    arnaldo01
    vendredi 1 août 2008 - 17h36

    1. Je réitère mon propos de vendredi 1 août 2008 - 00h29.
    Je ne me place pas sur la critique du prix des abonnements TV. Regardez ma proposition de découpage des lots et vous comprendrez que j'essaie de me mettre dans la peau d'un président de club ou d'un dirigeant de la Ligue. La problématique est : "comment soutirer un max d'argents aux différents diffuseurs ?"

    2. Si je comprends ton propos, il n'y aurait aucune concession à faire au spectacle. Néanmoins, tu souhaiterais supprimer les matchs nuls !

    3. Vous me considérez comme un consommateur, comment une vache à lait ? Ok, mais en retour, je veux en avoir pour mon argent et assister chaque we à des Lens - St-Etienne, à des Lyon - Marseille... Et si le consommateur de foot pouvait aussi avoir des droits ? (17h06)
  • Björn Björk le 01/08/2008 à 18h11
    Doxa sportivo-libérale dominante? Sérieusement ou juste pour déconner?

    Dans l'absolu, ça ne me dérangerait pas qu'li y ait des nuls. Ce qui me dérange c'est qu'on puisse le chercher, et ne pas essayer de gagner. C'est plus du sport si ton objectif c'est de pas perdre. D'ailleurs... y'a pas un seul autre sport qui le permet, et les autres sports - justement moins soumis "aux forces de l'argent" - ont tout fait pour supprimer les matches nuls.
  • L'oeil était dans la tombe le 01/08/2008 à 18h12
    En fait, fabraf, ce qui me gêne dans ton propos depuis le départ, c'est qu'on a l'impression que la passion du foot ne peut se vivre qu'à travers une certaine couverture télévisuelle. Et là-dessus, je m'inscris complètement en faux. Alors bien sûr, je ne suis sans doute pas représentatif mais je n'ai jamais été abonné à Canal, je vais voir les matchs occasionnellement et cette année, je vais sans doute pour la première fois de ma vie m'abonner à une chaîne juste pour voir des matchs de foot puisqu'Orange propose un match de Rennes dès la première journée de championnat.

    Et je suis tout-à-fait d'accord avec Arnaldo (en attendant ses arguments quand même) sur le fait que spectacle et suspens sont deux éléments dissociés.
  • fabraf le 01/08/2008 à 18h17
    L'oeil était dans la tombe
    vendredi 1 août 2008 - 18h12

    Pour la 1ère partie, je te renvoie au parallèle basket / rugby.


    Et je suis tout-à-fait d'accord avec Arnaldo (en attendant ses arguments quand même) sur le fait que spectacle et suspens sont deux éléments dissociés.

    - - - - - - - - - - - - - -
    Je pense qu'on est tous d'accord là dessus. A quel moment aurais-je dit le contraire ? Tu peux avoir l'un et l'autre, l'un ou l'autre, ni l'un ni l'autre (je vous laisse placer les compétitions correspondantes)
  • funkoverload le 01/08/2008 à 18h25
    Je ne vois pas en quoi "ce ne serait plus du sport".

    Le sport dans son acception commune est certes indissociable de la compétition. Et dans une compétition telle qu'un championnat, la recherche du match nul de temps à autre me parait non seulement légitime, mais parfois pertinente (je me rends compte qu'on n'a pas parlé des échecs d'ailleurs dans la catégorie des sports nullables.)
    Cette idéologie selon laquelle une équipe qui chercherait - avant tout - le nul dérogerait aux Valeurs Sacrées du Sport nie par ailleurs tout aspect tactique et stratégique d'un jeu comme le football.
    Et ne parlons même pas des assez nombreuses situations où un match se finit par un nul malgré les meilleures intentions et le talent des deux protagonistes. Donner la victoire à l'un ou l'autre, ou priver les deux de points, ne serait pas autre chose que l'expression de l'iniquité.
  • José-Mickaël le 01/08/2008 à 18h34
    Je trouve que vous y allez fort avec Fabraf.

    Il a l'air de dire que la passion du foot est uniquement télévisuelle ? Bien sûr que non, c'est juste qu'il réagit à un article qui parle de la couverture télévisuelle, donc normal qu'on parle de couverture télévisuelle uniquement.

    C'est une ineptie de dire que le foot est un spectacle dont nous sommes consommateurs ? Je ne crois pas, je crois même qu'au contraire nous devons tous avoir conscience de cet état de fait pour ne pas nous laisser embobiner. Fabraf a bien précisé que cette vision était cynique, donc il ne la cautionne pas, néanmoins c'est clairement cette vision qui est à l'origine de ce qui se passe au niveau des droits télé.

    Quelqu'un a l'air de dire que Fabraf est sentencieux (je ne me souviens plus si c'est ce terme qui avait été employé, en tout cas c'était pas loin). Ben je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout, cette impression : ses affirmations sont argumentées, et il ne s'en prend pas à ceux qui ne sont pas d'accord avec lui (pas de remarques du genre « ton post est le plus bête du forum »).

    Je précise que je ne suis pas une groupie de Fabraf, et c'est au contraire parce que j'ai bien polémiqué avec lui il y a un mois que je me permets, aujourd'hui, de prendre sa défense (il n'en a pas besoin, sûrement...)
  • Björn Björk le 01/08/2008 à 18h36
    Ce ne serait plus du sport dans la mesure où la compétiton sportive consiste intrinsèquement à être meilleur que son adversaire. D'ailleurs dans les échecs, je ne crois pas qu'un joueur puisse commencer une partie en cherchant le match nul.
    Au passage, je ne vois pas vraiment le rapport avec la tactique et la stratégie mais bon.
    Et sur ta dernière remarque, c'est comme affirmer que 99,9% des sports sont inéquitables, quand les compétiteurs sont de niveau sensiblement équivalent. La victoire en foot est souvent "inéquitable". Ce qui est contraire à l'idée du sport c'est que tu peux rentrer sur le terrain sans vouloir gagner et repartir quand même avec quelque chose. Après le résultat final, il y a mille aléas, ce n'est plus le même problème.

    Enfin, j'ai longtemps cherché d'autres sports dont la proportion de nuls etait aussi importante, et dans lesquels ont pouvait commencer un match en espérant l'obtenir, j'ai pas trouvé. Si vous en avez en tête, je suis preneur.
  • cocobeloeil le 01/08/2008 à 18h52
    Bah, au rubi, basket, tiercé, et cyclisme, il y a pleins de nuls qui y jouent....

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