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  • Pascal Amateur le 01/04/2022 à 20h43
    Merci, c'est noté — envie de le lire que j'avais déjà, en effet.

  • Gilles et jeune le 01/04/2022 à 20h49
    :)
    Il faut voir l'Evangile selon Saint Matthieu, si possible en salle, pour goûter la force du périple de ce prédicateur, épris de justice, appelant le peuple à sa dignité, au fil de tableaux classiques peints de lumière.
    Dans les bonnes conditions, tu kiffes plus que devant Star Wars épisode VII, effet garanti !

    "Quand il a fait, dans L'Évangile selon saint Matthieu, le portrait du Christ, il voulait décrire un homme révolté, soucieux de justice et de vérité, comme un double de sa propre personnalité. En racontant la vie d'un homme pourtant né deux millénaires avant lui, il proposait donc un autoportrait, car il se sentait chrétien, mais marxiste en même temps."
    lien

  • Red Tsar le 02/04/2022 à 14h01
    Polanyi ce sera en fait lundi et pas dimanche. J'ai oublié les matchs à jouer et à regarder demain...

    L'ouvrage de Cunier l'air très intéressant. Pour ce que j'ai compris du résumé que j'en ai lu, Mishima aurait pu être de la partie. Une belle brochette de déglingos comme on les aime.

    Je profite de cette parenthèse pour deux suggestions de lecture « pascaliennes » :
    * Il me semble, Pascal, que tu as évoqué à plusieurs reprises les massacres de Babi Yar ici. L'ouvrage de Wendy Lower, Le Ravin, vient d'être traduit en français, avec une préface de Chapoutot, chez Taillandier (deux gages de sérieux). L'auteur part d'une photographie prise lors des massacres et tente d'en identifier tous les personnages, de comprendre qui, comment et pourquoi la photographie a été prise, etc. Je ne l'ai pas lu, mais l'enquête semble assez stupéfiante. Une recension détaillée ici :
    lien

    * Suite à la lecture de Malaise dans la civilisation, recommandé par tes bons offices, je ne pouvais pas en rester là. Je suis en train de bouquiner Florent Gabarron-Garcia : Une histoire populaire de la psychanalyse. Le titre, coup publicitaire, est assez débile. Mais le propos de l'ouvrage est très intéressant. L'auteur s'intéresse à la manière dont la psychanalyse a été peu à peu dépolitisée et désocialisée, en raison du tournant pessimiste de Freud et, surtout, de la manière dont ses héritiers ont réalisé une sorte de droit d'inventaire. Il désigne notamment Ernest Jones comme principal « coupable », homme qui est à la tête de nombreux réseaux (Société britannique de psychanalyse, par exemple) et qui a écrit la biographie de Freud qui va s'imposer comme la doxa.
    À l'inverse, Gabarron-Garcia présente toute une série d'expériences qui témoignent de la volonté initiale de créer une psychanalyse « populaire » : divan de Freud comme lieu d'une prise de parole contestant un ordre établi (« protestation de ses patientes contre l'ordre médical – très largement masculin – qui ne les écoutait pas »), volonté d'aider le sujet à se libérer, publication d'Avenir d'une illusion en 1927, première chaire de psychanalyse dans la République des Conseils en Hongrie, Erlagscheine dans la Vienne « Rouge », avec le soutien de Freud (Freud réalisait des séances payées par des patients pauvres sous forme de bons remboursables en monnaie ou en temps), plans de Freud pour développer une « psychothérapie populaire gratuite » (type service public), expériences de Wilhelm Reich, Sexpol et (mais ça je n'ai pas encore lu) : Marie Langer, Tosquelles en Catalogne, clinique de La Borde et expérience d'Heidelberg.

  • Pascal Amateur le 02/04/2022 à 14h32
    Merci Red, il est vrai que j'attends Polanyi avec impatience (avec des échos d'études lointains – j'avais eu Max Weber au menu durant un semestre entier).
    S'agissant de cette "Histoire populaire", il y aura sûrement des choses passionnantes à piocher, la difficulté étant qu'à mon sens il est à peu près impossible de parler de "la" psychanalyse – "les psychanalyses" serait sans doute une expression plus juste. En raison des multiples scissions (Jung, Adler, Reich, Ferenczi… ont tous abandonné le modèle freudien), qui ont pu être des trahisons, Jones et plus encore Anna Freud ayant détourné la révolution freudienne pour l'adapter à l'"american way of life" (renforcement du "moi", identification à l'analyste). En Angleterre Melanie Klein aura creusé plus honnêtement, quand Winnicott aura eu de belles intuitions. Je crois qu'il est indispensable ou quasi, si l'on veut saisir l'histoire de la psychanalyse, de prendre en compte la figure de Lacan qui aura probablement le mieux chercher à interroger le texte et le geste de Freud – avec là encore des scissions très multiples, au-delà de l'intranquillité de principe que l'on peut souhaiter à cette discipline.
    S'agissant de Babi Yar, je dois avouer qu'il m'est à peu près impossible d'avoir de telles lectures, qui émotionnellement m'abîment par trop.

  • Red Tsar le 03/04/2022 à 08h06
    Merci pour ces balises bien utiles. Dans ce domaine, je débarque complètement en territoire complètement inconnu (oui, j'ai écrit « complètement » deux fois, complètement !).

    Mon unique lecture en la matière était L'Interprétation du rêve, dans mes premières années de fac. Je me disais que ça pourrait être utile pour draguer, avec un scénario du genre :
    - Tu as rêvé d'un peuplier ? Hé, mais ça doit vouloir dire que tu es inconsciemment amoureuse d'un mec qui a la coupe de cheveux de Kurt Cobain. Non, j'ai pas dit amoureuse de Kurt Cobain. Il est mort, de toute façon (elle mignonne, mais elle c***, celle-la).
    Bon, un Kurt Cobain avec les cheveux propres, parce que le faux rebelle à l'attaque voulait pas faire de peine à sa maman.
    Après plusieurs tentatives avortées, j'ai considéré que Freud serait inutile pour moi et je suis passé à un autre type de production : « Faites croire à un auditoire naïf que vous savez jouer... No Woman No Cry – Nouveau : CD Inclus – 49FF aux éditions Altaya ». Volume 2 à paraître : « Faites croire à un auditoire naïf que vous savez jouer... Stairway To Heaven ». Un collier avec le symbole Peace And Love offert pour tout abonnement non-résiliable de 48 mois.

    Pour en revenir au bouquin de Gabarron-Garcia, sauf coup de théâtre inattendu, son propos ne me semble pas de remplacer un discours officiel univoque par un contre-discours univoque, mais bien, comme tu le relates, de rappeler la diversité de la psychanalyse, en remettant sous la lumière des expériences oubliées. À suivre...

  • Pascal Amateur le 03/04/2022 à 08h49
    Voilà, un seul hêtre vous manque, et tout est des peupliers ; il n'est question que de cela, du manque. Le sujet est d'autant moins évident que chaque œuvre est un "work in progress", et connaît des crises : seconde topique nécessaire pour Freud après les névroses de guerre, inconscient "réel" pour Lacan dans les années 70, ce qui empêche (et fort heureusement) une lecture figée. Mais rien n'est définitif, et moult travaux français (et en Amérique latine, notamment Brésil) modernes visent à creuser. De Freud, sans doute son "Abrégé" testamentaire de 1938 est le texte qui présente le mieux ses hypothèses (et ses impasses, "que veut la femme ?" demeurant son énigme permanente, et on le comprend bien.)

  • Red Tsar le 04/04/2022 à 17h36
    La livraison du jour. Pas évident de synthétiser à ce point en restant compréhensible et ne donnant pas de la pensée de l'auteur une image trop simpliste.
    La semaine prochaine, je commencerai à partager quelques lectures sur "pourquoi c'est plus comme avant", "pourquoi y a plus de saisons, ma bonne dame", "c'est pas d'mon temps qu'on aurait vu ça", etc., depuis les années 1970.

  • Red Tsar le 04/04/2022 à 17h37
    I.3- Le cas Polanyi

    ** Socialiste et chrétien, Polanyi aspire à une société où l'homme n'est soumis ni aux lois du marché ni à celles d'États totalitaires. Hongrois né en 1886, il est confronté directement à ces questions. Son œuvre majeure, La Grande transformation, est à la croisée, notamment, de l'économie, de la philosophie politique et de l'anthropologie. Il y décrit le mouvement suivant :
    1- L'économie a toujours existé, mais elle était « encastrée » dans la société,
    2- L'économie va se désencastrer de la société et acquérir son autonomie,
    3- L'économie va prendre le pas sur la société et c'est la société qui va se retrouvée encastrée dans l'économie (XIXè-XXè),
    4- Une telle mainmise de l'économie sur la société étant par trop violente, le corps social réagit violemment et donne naissance à des « monstres » : totalitarismes...

    ** Je vous détaille un peu le propos, sachant que je ne reprends pas ici le déroulé de La Grande transformation de manière linéaire, car l'ouvrage part du XIXème siècle, mise en intrigue habile, pour faire ensuite une remontée dans le temps avant de reprendre le cours chronologique. Par ailleurs, je n'y prélève que ce qui me semble pertinent pour notre temps.

    1. Polanyi relève que toutes les sociétés sont limitées par des « conditions matérielles » et des « facteurs économiques ». Mais, si « aucune société ne saurait vivre, même pour peu de temps, sans posséder une économie d'une sorte ou d'une autre […], aucune n'a jamais existé qui fût, même en principe, sous la dépendance des marchés ». Ainsi, auparavant, pour Polanyi, les échanges étaient de trois types, souvent combinés : réciprocité, redistribution ou administration domestique. L'économie était contenue par la société. Il y avait déjà des riches et des pauvres, au Moyen Âge, par exemple. Mais le pouvoir de l'argent y était très limité, comparativement à aujourd'hui. En effet, pour Polanyi, avant le XIXème siècle, « le système économique était absorbé dans le système social »

    2. Que se passe-t-il à partir du XVIème siècle ? Polanyi met en avant le processus d'appropriation des « commons » (terrains communaux, gérés et utilisés collectivement) par les « enclosures » en Angleterre (privatisation), « révolution des riches contre les pauvres » [il ajoute plus loin : « ils volaient littéralement leurs parts de communaux aux pauvres »]. Puis, dans un deuxième temps, Polanyi met en avant l'essor du machinisme. Dès lors, le producteur achète « des matières premières et du travail, c'est-à-dire de la nature et de l'homme », ce qui engendre « la transformation de la substance naturelle et humaine de la société en marchandises ». Il remarque : « seule la civilisation du XIXème siècle fut économique dans un sens différent et distinct, car elle choisit de se fonder sur un mobile, celui du gain […]. Le système du marché auto-régulateur dérive de ce principe. »
    La mise en marchandises du monde va accaparer trois éléments qui avaient, jusque là, échappé à la sphère économique : le travail, la terre et la monnaie. Ne prenez pas Polanyi pour un idiot : bien sûr, il y avait des rapports d'argent sur ces éléments, mais pas de « marché » général du travail, de la terre ou de la monnaie. Or, écrit Polanyi : « le travail n'est rien d'autre que ces êtres humains eux-mêmes dont chaque société est faite, et la terre, que le milieu naturel dans lequel chaque société existe. Les inclure dans le mécanisme du marché, c'est subordonner aux lois du marché la substance de la société elle-même. » Plus encore, pour Polanyi, pour mettre ces éléments sur le marché, il faut les isoler, les séparer. Or l'homme ne vit pas sans le sol et le sol sans l'homme. Comme Marx (avec son concept d'aliénation), Polanyi envisage le capitalisme comme un système de la scission.

    3. On a donc, au XIXème, un nouveau modèle. « La source et la matrice du système, c'est le marché auto-régulateur ». La finance prend la main sur le monde. Elle décide des guerres, des paix, elle fait ou défait des gouvernements, elle règne en tenant les États par la dette. Pour fonctionner, ce nouveau système productif nécessite la mise en place d'un supposé marché auto-régulateur.
    Le XIXème siècle est donc un temps d'inversion : « Au lieu que l'économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées dans le système économique ». En effet, le « marché auto-régulateur n'exige rien de moins que la division institutionnelle de la société en une sphère économique et une sphère politique. »

    Ce marché « doté d'une puissance effrayante » ne résulte pas « de quelque tendance à proliférer inhérente au marché, mais [… de] l'effet de stimulants administrés au corps social ». Toute une idéologie est donc développée pour faire croire à la fiction d'un marché naturel. Pour Polnayi, l'économie a un caractère « extrêmement artificiel » et « aucune société ne pourrait supporter, ne fût-ce que pendant les temps les plus brefs, les effets d'un pareil système, fondé sur des fictions grossières ».
    Il prend de nombreux exemples de décisions législatives ou judiciaires qui vont participer à créer cette fiction d'un marché naturel, qui doit être préservé de la société. Il s'intéresse notamment à la loi de Speenhamland, qui fait l'objet de vifs débats historiographiques ( lien). Il s'intéresse aussi à l'idéologie qui constitue l'économie comme une science naturelle, dont on ne pourrait contester les lois qui seraient de l'ordre de l'évidence physique (« le naturalisme hante la science de l'homme »). C'est la naissance du « credo libéral ». Ce credo, relève Polanyi est le credo du marché, pas de la liberté de tous. En effet, au nom de ce credo, on va interdire de nombreuses organisations syndicales, démanteler des structures collectives anciennes ou « faire appel aux armes pour établir la liberté du marché du travail ». J'y reviendrai dans le II, car c'est un des éléments mis en avant pour définir le néo-libéralisme. La liberté du marché ne va pas nécessairement de pair avec les libertés de tous.


    4. Jusqu'en 1914, les « forces du changement » sont contenues. Puis elles sont libérées dans une « soudaineté du cataclysme » et « un torrent d'événement s'abat sur l'humanité. »
    Pourquoi ? Polanyi écrit : « notre thèse est que l'idée d'un marché s'ajustant lui-même était purement utopique. Une telle institution ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l'homme et sans transformer son milieu en désert » ou, encore : « un pareil dispositif doit briser les relations humaines et menacer d'anéantir l'habitat naturel de l'homme. » Plus loin : « la fiction marchande ne tenait aucun compte du fait qu'abandonner le destin du sol et des hommes au marché équivaudrait à les anéantir ».
    C'est ainsi qu'il conclut : « pour comprendre le fascisme allemand, il faut remonter à l'Angleterre ricardienne » (référence à l'économiste libéral Ricardo). Au cœur de cette « transformation se trouvait l'échec de l'utopie du marché ». Si on en arrive là c'est que, pour Polanyi, « l'économie libérale a imprimé une fausse direction à nos idéaux […], une conception de la société fondée sur le marché, qui tenait pour équivalentes l'économie et les relations contractuelles, et les relations contractuelles et la liberté ».

    ** Petit bilan rapide :
    Polanyi, on y reviendra dans le II, connaît une certaine popularité aujourd'hui, car sa lecture du passé, d'une extension du capitalisme qui peut mener au cataclysme, paraît devenir une prophétie pour l'avenir. Il a, par exemple, cette phrase, dans une conférence en 1963 : « le socialisme n'est plus seulement la cause de la classe ouvrière, mais une question de vie ou de mort pour l'humanité tout entière ». En changeant le vocabulaire, daté, il me semble que l'idée de fond reste puissante. Et ses propos sur la destruction du milieu ou le pouvoir politique de la dette sont très actuels.

  • Jankulovic Hasek le 04/04/2022 à 19h44
    Karl Polanyi est repris plusieurs fois dans la gouvernance par les nombres d'Alain Supiot, notamment pour son identification du triptyque des marchandises fictives, la nature, le travail et la monnaie, ainsi que pour sa dénonciation du solipsisme économique.
    Il est à mon sens plus que d'actualité aujourd'hui.

  • Metzallica le 06/04/2022 à 10h55
    Je voudrais faire part d'une question qui me taraude.
    Depuis des années je pensais voir le monde aller vers un niveau de respect, d'égalité, de conscience collective qui devait faire en sorte que le monde d'aujourd'hui soit meilleur que celui d'hier.
    Las, je vois que les Russes pillent, violent, tuent, et repartent chez eux avec leur butin. Bref, des comportements qui avaient lieu il y 1000 ans, se répètent des qu'on donne la liberté à des hommes de faire ce qu'ils veulent.
    Ma question serait donc de réfléchir si la société a vraiment évolué ou alors si ce n'est qu'un petit groupe qui tient en laisse le reste, reste qui ne demande qu'à retourner à des comportements d'y a 1000 ans en arrière.
    On nous dit que les soldats russes ne sont que des gamins envoyés plus ou moins contre leur gré. Quel gamin rêve d'exécuter et violer? Un plaisir instinctif et primaire ressort-il des qu'on te dit que les règles de la société ne te concernent plus?
    Ce message ne demande pas forcément de réponse, je doute même qu'il y en ait une simple. Mais ça me retourne le cerveau en ce moment.