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Habitus baballe

Pour causer socio, éco, sciences-po, anthropo, histoire-géo, philo, épistémo, Adorno, filporno, Bernard Pardo...

  • Pascal Amateur le 30/03/2022 à 14h17
    (Oui, oui, oui, c'est très intéressant. N'est-ce toutefois pas Sombart ? Et cela m'évoque, avec un siècle d'avance, des analyses de Sloterdijk sur le substituable comme mode de fonctionnement capitaliste.)

  • Red Tsar le 30/03/2022 à 14h37
    Mon dieu, si ma femme voit ça, elle m'arrache la tête. Il se trouve que Sombaert est une bonne amie à moi. Et j'ai donc recopié son nom de manière compulsive des lignes et des lignes durant... Et comme, en plus, elle (ma femme) est en déplacement professionnel toute la semaine, ça laisse le champ libre à plein de suppositions...
    Merci pour Sloterdijk, dont je n'avais jamais entendu parler et qui a l'air très intéressant.
    Au passage, si tu as le temps pour une présentation de Lacan et des implications politiques de ses travaux, je suis preneur !

    De mon côté, la suite vendredi, je pense.

  • Red Tsar le 31/03/2022 à 18h37
    Je poursuis le panorama de départ. Je pense finir dimanche avec celui qui n'est pas le meilleur joueur de l'équipe, mais souvent le petit chouchou ; celui qui n'est pas le plus médiatisé, mais qui joue souvent un rôle essentiel pour les transmissions entre les lignes : Polanyi.

  • Red Tsar le 31/03/2022 à 18h44
    I.2- Les « matérialistes »

    ** Marx
    Là, je vais faire un acte de sado-masochisme en essayant de synthétiser sa pensée en quelques mots [spoiler : je n'y arriverai pas]. Bien évidemment, tout ce qui suit est extrêmement synthétisé. Par ailleurs, je procède à un « tri sélectif », en mettant en avant ce qui peut le plus faire sens pour nous aujourd'hui.

    Marx considère que des capitalistes ont toujours existé. Mais leurs actes étaient isolés et/ou faisaient l'objet de réprobation (il s'appuie notamment sur la dénonciation de la chrématistique par Aristote : rappelons que Marx a soutenu une thèse sur les matérialistes antiques). Pourquoi, à un moment, le capitalisme devient-il un système ? Pour Marx, ce n'est pas suite à un changement idéologique, puisqu'il a toujours existé un esprit capitaliste. Mais des événements historiques vont déclencher une phase d'accumulation primitive rendant possible la concentration initiale de capital, qui va permettre de faire naître le capitalisme. Ces événements sont la colonisation/esclavage et la privatisation des « commons » en Grande-Bretagne. Pour Marx, une fois l'accumulation primitive réalisée, le capitalisme fonctionne à partir de ses gains. J'ai relaté ici un complément apporté par Federici sur le cas des femmes dans cette question de l'accumulation primitive : lien. Rosa Luxemburg estime également que le capitalisme continue à mener des opérations de prédation et que les « vols » du capitalisme ne sont pas réduits au moment de sa naissance (dénonciation du colonialisme de la seconde mondialisation).

    Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau modèle de production ?
    1. le capitalisme inverse le rapport à la marchandise. Dans les systèmes productifs précédents, l'artisan ou l'agriculteur produit une marchandise appelée M. Il peut en vendre une partie pour obtenir de l'argent (A) et ainsi acheter une nouvelle marchandise dont il a besoin : M'. On a donc la formule : M > A > M'.
    Dans le capitalisme, c'est l'inverse. Tout commence par un investissement : A. Puis on produit une marchandise, y compris un service, il ne faut pas nécessairement voir là un objet matériel. Mais, pour le capitaliste, peu importe la marchandise. Si un secteur périclite, il reprend son argent et investit ailleurs. L'artisan ou l'agriculteur précités, eux, dépendent bien de la marchandise. C'est bien la marchandise qui est première pour eux. Avec la vente de la marchandise, le capitaliste récupère une nouvelle somme d'argent : A', qu'il va réinvestir. On a donc une nouvelle formule : A > M > A'.
    Certains pourraient rire et dire : tout ça pour ça ? Mais ça change tout. Non seulement l'organisation sociale est désormais entièrement soumise à un impératif de rentabilité, mais, par ailleurs, ce système amorce une pompe sans fin. Ce sera toujours plus.

    2. pour étendre ses possibilités de profit, le capitalisme peut pousser dans deux directions. La première est d'assurer une exploitation toujours plus forte pour extorquer un maximum de survaleur (plus-value) aux salariés. Mais on n'en parle pas, donc. La seconde est de transformer des produits en marchandises. Car, pour Marx, la marchandise n'existe pas en soi, mais dans un rapport social. Selon les circonstances, le même produit peut, ou non, être une marchandise. Reprenant explicitement des catégories d'Aristote, Marx distingue valeur d'usage et valeur d'échange. Une paire de chaussures a une valeur d'usage (marcher). Et une valeur d'échange, quand elle est commercialisée. Pour Marx, le capitalisme s'étend en transformant de la valeur d'échange en valeur d'usage. J'y reviendrai dans le II, car c'est une clé de lecture très efficace pour saisir le capitalisme contemporain que ce processus de mise en marchandises du monde.


    Quelles sont les conséquences du capitalisme pour Marx ?

    1. il y a d'abord la question de l'exploitation de l'homme par l'homme, mais j'ai promis que je n'en parlerai pas.

    2. Marx se moque des « robinsonnades » des penseurs libéraux, qui procèdent à une naturalisation des faits sociaux. Selon ces penseurs, le marché est naturel, la volonté d'enrichissement est naturelle, la concurrence est naturelle, le marché est auto-régulé, la « main invisible » organise harmonieusement la société, etc. Marx est le premier à montrer qu'il n'en est rien. Philosophe de formation, il ne se tourne vers l'économie que pour mener la bataille sociale. Mais son travail sur l'économie n'est pas de fonder une économie. Il est de déconstruire les fausses certitudes des économistes, qui naturalisent les faits sociaux et empêchent de penser l'alternative. Dans le même esprit, Marx dénonce le fétichisme du capitalisme, qui camoufle l'exploitation sous le rapport de l'argent. Je n'ai pas le temps de développer, mais c'est un aspect très travaillé aujourd'hui, car on redécouvre le Marx philosophe.

    3. Marx ne se pose pas en moralisateur face au capitalisme. Il ne critique pas les « riches ». Bon, si, un peu. Mais ce n'est pas l'essentiel de son propos. Il loue à de nombreuses reprises la bourgeoisie pour avoir brisé les carcans du féodalisme et libéré les énergies, au sens propre comme figuré. Mais, remarque Marx, maintenant que la bourgeoisie a accompli son rôle historique, il convient de réaliser l'appropriation collective des moyens de production. Car comment est-il possible d'accepter de vivre dans un monde où des gens meurent de faim, de maladies, etc. alors qu'il existe maintenant, grâce à la phase du capitalisme et à l'accroissement des moyens de production, les moyens de les nourrir, les soigner… Marx se moque, par exemple, des luddites qui brisaient les machines au début du XIXème siècle [je ne développe pas, mais des recherches revalorisent beaucoup les luddites aujourd'hui]. Il leur dit : en brisant les machines, vous ne pouviez changer en rien le système responsable de votre exploitation. En prenant le contrôle des machines, vous pouviez créer une société meilleure. Oui, les machines ont durci vos conditions de travail. Mais si vous en preniez le contrôle, elles pouvaient être sources de temps libre. D'outils d'aliénation, elles devenaient outils d'émancipation, puisque tout dépend du rapport social, y compris la fonction d'une machine.

    4. le capitalisme, étant fondé sur un processus d'accumulation infinie, la question de son impact écologique se pose de manière aiguë. Contrairement à une idée reçue, il y a bien une pensée écologique chez Marx, même s'il utilise évidemment pour cela les catégories de son temps. Marx dénonce surtout deux choses :
    - la dissociation ville-campagne en raison de la concentration du capital qui est aussi une concentration géographique (pour autant, il n'a aucun romantisme campagnard),
    - l'épuisement des ressources, y compris l'épuisement des sols, qui nécessitent toujours plus de chimie pour rester productifs (il traite beaucoup de ce qu'il appelle la « rupture métabolique »).
    Il y a beaucoup de publications depuis une vingtaine d'années sur le Marx écologique. C'est un domaine bien balisé maintenant.

    Marx pose le capitalisme comme un système très solide et avec une dynamique forte. Mais, compte tenu de ses engagements, il serait absurde d'en développer une vision fataliste. Par ailleurs, tout comme il y avait des capitalistes avant le capitalisme, tout le monde ne devient pas capitaliste dans le capitalisme. C'est juste que le capitalisme fait désormais système et pose les normes, elles s'imposent à tous. Personne ne peut, sauf rares exceptions, échapper aux lois du marché, quand bien même il les désapprouverait.

  • Red Tsar le 31/03/2022 à 18h45
    ** Braudel
    Braudel, dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme, développe un « schéma tripartite » de l'économie dans une analyse de longue durée (Antiquité, Moyen-Âge, Renaissance).
    1. Au bas de cette hiérarchie, au-dessous du marché, il constate une « économie hors marché » ou « infra-économie », constituée par des « paysans dans leurs villages qui vivent de façon presque autonome, quasi en autarcie ». Il s'agit du champ de « l'autoconsommation » ou de « l'autosuffisance », complétée par le « troc des produits et des services ». Il l'appelle « vie matérielle » ou « civilisation matérielle ».
    2. Au-dessus de la civilisation matérielle se retrouve, selon Braudel, « l'économie dite de marché ». L'auteur entend par là « les mécanismes de la production et de l'échange liés aux activités rurales, aux échoppes, aux ateliers, aux boutiques, aux bourses, aux banques, aux foires et naturellement aux marchés ».
    3. C'est au-dessus du marché fourni par les petits producteurs et consommateurs que se situe, selon Braudel, le champ du capitalisme. À la différence des petits producteurs de valeurs d'usage, les capitalistes tentent de réaliser un profit. Ils le font en imposant un échange inégal, par le moyen de monopoles, de cartels, de privilèges de droit ou de fait, qui témoignent de la supériorité sociale, politique et culturelle des capitalistes sur les autres groupes de la société. C'est ainsi que le capitalisme est « privilège du petit nombre », « accumulation de puissance (qui fonde l'échange sur un rapport de force autant et plus que sur la réciprocité des besoins) ». Son domaine propre, à l'époque moderne, c'est le commerce, et, en tout premier lieu, le commerce au loin, son champ d'action portant sur la circulation des biens, et moins sur leur production. Braudel a écrit par ailleurs : « Le capitalisme est un phénomène de superstructure, c'est un phénomène de minorité, c'est un phénomène d'altitude. Chaque fois que j'ai étudié les grands capitalistes –marchands, banquiers– j'ai été stupéfait de les voir aussi peu nombreux […]. L'avantage et la supériorité du capitalisme, c'est la possibilité de choix […]. Un monopole vous abandonne ? Eh bien on en trouve un autre. C'est la mort du capitalisme du grand-père et du père, mais pas du capitalisme du fils ou du petit-fils ».

    Il y a d'autres intellectuels qui ont pensé le capitalisme dans une approche matérielle, mais Braudel me semble intéressant en ce qu'il le rend concret et incarné. Il en montre des dynamiques temporelles et spatiales. Chez lui, le capitalisme n'est ni figé ni abstrait.

  • Pascal Amateur le 01/04/2022 à 13h14
    Merci Red, c'est très chouette à lire. (Tu me confirmes la reviviscence actuelle de certains auteurs, dont Marx, bien sûr, mais aussi Weber ; et Sombart a quelque chose aussi. À suivre !)

  • Balthazar le 01/04/2022 à 17h28
    Je me joins aux remerciements.

  • Gilles et jeune le 01/04/2022 à 18h17
    Je me joins aux remerciements.

    Sinon Pascal, tu as lu un peu Pasolini ? Écrits corsaires ?

  • Pascal Amateur le 01/04/2022 à 19h04
    Non, je ne connais de Pasolini que ce qu'en a écrit la philosophe Jean-Paul Curnier dans "A vif : Artaud, Nietzsche, Bataille, Sade, Klossowski, Pasolini" – et qui est très intéressant (comme le fut ce philosophe).

  • Gilles et jeune le 01/04/2022 à 20h41
    Figure par excellence de l'intellectuel et de l'artiste engagé, Pasolini fait parti de ceux qui ont lutté de toute leur âme contre le virage pris par la société entre les années 50 et 70. Il a particulièrement théorisé les effets de la société de consommation et des valeurs "petites bourgeoises" (sic) d'un point de vue anthropologique.
    Une grande partie de son oeuvre cinématographique, littéraire, polémique (il écrivait dans le corriere della sera) et théorique est construite autour du dévoilement des effets de cette transformation, et dans une sorte de nostalgie / élévation de mondes ou figures dégagés de cette emprise.
    Ainsi d'un côté tu as son film, Salo, mettant en scène la perversion de ce monde de consommation et des élites corrompues. De l'autre, tu as une idéalisation de l'enfance comme moment de pureté de l'homme, mais aussi du sous prolétariat et des sociétés antiques, comme autant de moments / mondes dégagés de la (post) modernité.
    Pasolini répond par exemple à Moravia, son ami, qu'il vit le déploiement de la société de consommation comme une déchéance qui l'affecte littéralement jusque dans sa vitalité. Il ne la combat pas qu'intellectuellement : il en est affecté, bouleversé. Plusieurs intellectuels se sont suicidés à cette époque, ne supportant pas ce "passage". Il s'agit d'ailleurs de la réinterprétation que fait Pasolini du mythe de Médée.
    Donc tu peux lire Ecrits corsaires (recueil de tribunes, que je recommande plus que vivement), lettres luthériennes (il écrit à un jeune italien innocent sur le monde et ses horreurs dans lequel il va grandir), le scénario de Médée (mise en scène du refus de ce changement de monde), puis revoir certains films. Cela te permettra de comprendre, du point de vue d'un artiste et intellectuel de l'époque, la nature des changements de monde, comment il en est affecté.
    Cela éclairera peut être autrement ces transformations qui ont donnée lieu par ailleurs aux théorisations des Lacan, Foucault, Deleuze, etc., avec certains desquels d'ailleurs il était en dialogue.