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  • Gilles et jeune le 22/09/2021 à 09h54
    Coucou
    Je n'ai pas les références pour m'immiscer dans votre discussion.
    Cependant, vos échanges m'inspirent ceci, en particulier celui de Classico de 00h29 : les affaires humaines, notamment en termes de filiation (car il s'agit de ça à mon avis dont ça discute), sont d'abord des affaires d'amour et de désir, ou bien de haine, d'hainamoration et de jouissance.

    Pour ma part, je rejoins plutôt Classico qui assume une filiation, qui aime et estime celui qui transmet, l'aime pour ce qu'il a apporté, sans pour autant tout prendre ni révérer, et qui de cet amour et de cette filiation s'en soutient d'un désir propre. Il n'y a pas désir de destitution (ni d'idolâtrie), mais désir de faire sa propre route, sans renier d'à qui on doit ce que l'on doit.
    Le féminisme évoqué par John me paraît plus un féminisme de réaction (et de combat) et qui vise plus à destituer, à défaire, mais de fait à rester avec/contre, qu'à honorer (même silencieusement) celles et ceux à qui elles doivent (pas tous) et à partir desquelles elles s'inventent.

    Il me semble qu'on est là au croisement de deux rapports à la vie différent : l'un plutôt pris dans un combat avec l'Autre, l'autre plutôt se jouant avec l'Autre.
    Il y a peut-être là John, pour ton rôle d'éducateur / enseignant / formateur de belles âmes, peut-être une distinction qui pourrait aider à te dégager de ton dilemme.

    Dernier point : je sais qu'il existe d'autres conceptions du féminisme que celui évoqué par John.
    J'ai cependant conscience que je suis très limité dans ce que je dis, que d'autres le diraient bien mieux que moi. Et que je ne peux pas mener une critique argumenté et étayé.
    Voilà.



  • Red Tsar le 23/09/2021 à 21h57
    Sur les sorcières...

    Je n'ai pas osé posté en pleine discussion philosophique (très riche !). Mais comme j'observe une accalmie, je reviens un peu en arrière. Lors des débats autour de Sandrine Rousseau, le terme de sorcières est souvent revenu comme un anathème. Je me permets de présenter ici les travaux de Silvia Federici, l'une des intellectuelles qui ont popularisé la figure de la sorcière comme emblème des luttes féministes. Ses travaux éclairent par ailleurs en partie l'écoféminisme.
    Petit avertissement : dans la suite, je dis « capitalisme » par facilité, mais il va de soi que le capitalisme n'est pas une entité pensante.

    [Qui est Silvia Federici ?]
    * Bientôt octogénaire, à la fois militante ayant mené de nombreuses luttes et universitaire, Federici est une penseuse qui mérite d'être prise au sérieux.
    * Son ouvrage majeur est Caliban et la sorcière, traduit tardivement en France. Elle y pose les fondements de sa pensée, qu'elle approfondit et élargit géographiquement et thématiquement par la suite dans une série d'articles, publiés en recueils en France : Le capitalisme patriarcal et Une guerre mondiale contre les femmes. Des chasses aux sorcières au féminicide [ne pas se laisser tromper par le titre]. Elle a aussi écrit d'autres ouvrages, bien évidemment. Au fil des années, il me semble que son propos gagne en précision, qu'il perd son verbiage foucaldien [pardon] initial pour aller vers des analyses socio-économiques solides.

  • Red Tsar le 23/09/2021 à 21h57
    [Quelle est sa thèse centrale ?]
    * En préalable, il faut rappeler que le récit historique de la IIIème République faisant du Moyen Âge une période d'obscurantisme et d'oppression, dont la Renaissance aurait permis de sortir est faux. Les femmes, notamment, étaient alors beaucoup plus libres et avaient davantage accès au pouvoir, politique comme économique.
    * Pour Federici, la naissance du capitalisme (appelée phase d'accumulation primitive chez Marx) se réalise par une série de « vols », dont les femmes ont été chaque fois non les seules, mais les principales victimes, notamment celles qualifiées de « sorcières » (Federici rappelle ainsi que 20 % des procès concernent des sorciers). Concrètement, pour naître, le capitalisme a dû obtenir :
    1. la privatisation des terres communautaires (enclosures). On retrouve là des évocations à la Grande transformation de Polanyi, un ouvrage majeur. Cette privatisation permet une partie de l'accumulation initiale du capital et engendre un flux de main d'œuvre vers les centres urbains (paysans sans terre). Les sorcières, au vu des sources, sont le plus souvent des femmes isolées qui résistent à ces privatisations parce qu'elles en seraient les premières victimes, perdant toute possibilité de subsistance sans les liens communautaires. Federici reprend ici les travaux d'historiens qui, dès les années 1970, ont montré que les procès contre les sorcières étaient concomitants avec la privatisation des terres, qu'ils se diffusaient de paire.
    2. la diffusion de l'économie monétaire (salaires, impôts monétaires) : là encore, les femmes sont plus touchées, car leur travail ne se fait pas contre rémunération pécuniaire. Elles sont donc davantage précarisées et paupérisées.
    3. la rupture du lien homme/nature : pour exploiter rationnellement les ressources et la nature, il faut séparer l'esprit et la matière. S'en prendre aux sorcières, c'est faciliter cette rupture, car la figure de la sorcière est celle qui fait passerelle entre l'humain et l'animal, la nature.
    4. du capital et du travail gratuit pour l'accumulation primitive : le colonialisme et l'esclavage, les enclosures (évoqués par Marx et que Federici reprend aussi) et le travail « invisible » des femmes. Les sorcières, souvent âgées et sans utilité sur ce plan, sont là encore les victimes idéales, à sacrifier pour mieux tracer les contours de la nouvelle féminité attendue : reproductive et travailleuse gratuite.
    * Les Temps modernes reconfigurent la place de la femme dans la société : essor des traités contre les sorcières, essor des traités sur la sexualité qui devient beaucoup plus normée... La femme doit se limiter à des fonctions domestiques et reproductrices. Les procès contre les sorcières participent à diffuser l'image d'une femme toujours susceptible d'être diabolique, suspecte, notamment sur le plan des mœurs. Il s'agit de « penser le corps en termes de mécanique », pour permettre sa mise en exploitation.
    * Là où Federici diverge plus radicalement de Marx, c'est qu'elle met en avant le fait que le capitalisme réalise une sorte d'« accumulation primitive continue ». Les femmes, en effet, non seulement participe au processus de production, mais, en outre, elles ont à leur charge presque exclusive le processus de reproduction (faire des enfants, les élever, tenir la maison pour que l'homme puisse travailler...), ce qu'elle appelle la « production de producteurs ». Ces charges, les femmes les réalisent gratuitement, alors qu'elles sont indispensables au capitalisme. Pour Marx, une fois l'accumulation primitive réalisée, le capitalisme fonctionne par son propre apport.

  • Red Tsar le 23/09/2021 à 21h58
    [Quelle en est l'actualité ?]
    * Federici utilise sa grille d'analyse en l'appliquant aux années 1990 et suivantes. Elle observe un phénomène similaire à celui perçu en Europe (privatisation des terres/violence anti-sorcières) en Afrique et en Inde.
    * Elle lui paraît également pertinente pour dénoncer aussi bien les plans d'ajustement structurels du FMI (privatisations...) que les semences OGM, nouvelle forme d'enclosure. Les femmes y sont à chaque fois non pas les seules victimes, mais les plus touchées, pour les mêmes raisons qu'évoquées concernant les sorcières européennes des Temps modernes.
    * On l'aura compris, la sorcière chez Federici est une figure de mobilisation, comme on se rassemble derrière un drapeau, un slogan, une banderole en tribune, une figure mythique des temps passés. Federici ne fait évidemment aucunement l'apologie d'une quelconque sorcellerie.
    * Ce que je regrette, c'est que Federici ne s'interroge pas sur les mutations actuelles dans les territoires les plus avancés du capitalisme. Que répondrait-elle à ceux qui mettent en avant le fait que, justement, l'effondrement du patriarcat permet au capitalisme d'investir de nouveaux champs, de réaliser de nouvelles mises en concurrence, etc. ? Je suis persuadé que la discussion serait riche.

    [Hommes contre femmes ?]
    * Contrairement à Michelet, par exemple (ou Coffin), Federici ne naturalise pas les femmes. Il n'y a pas un éternel féminin opposé à un éternel masculin, mais le produit d'une situation d'exploitation. Si les femmes sont principalement victimes, et parfois résistantes, c'est en raison de leur place dans ce processus d'exploitation, pas en raison de leur biologie.
    * Federici appelle explicitement les mouvements féministes à se joindre aux luttes plus larges en faveur des « communs » (pour la terre, l'eau...), citant l'EZLN, le MST, Via Campesina... En « déprivatisant », elle estime que les femmes regagneront en sécurité et en droits. C'est en pleine logique avec son analyse des raisons des attaques contre les sorcières.
    * Sur ce point, il y a une ligne de faille majeure avec Alice Coffin et son Génie lesbien : pour Federici, l'émancipation des femmes ne peut se faire que dans une lutte globale contre le capitalisme. Cette lutte ne sera pas forcément suffisante (le « patriarcat » peut encore exister dans le monde d'après), mais elle en est une condition indispensable. Pour Coffin, il est clair que le féminisme/lesbianisme est tout à fait compatible avec le capitalisme et qu'il y a même des alliances entre ces instances (que cette dernière a d'ailleurs conclues, en recevant une bourse Fulbright ou en participant à diverses soirées « caritatives »).

  • Classico le 24/09/2021 à 12h37
    Merci, c'est très intéressant, mais du coup, si je comprends bien, il n'y a pas dans ce modèle de consubstantialité entre patriarcat et capitalisme ? Le capitalisme fait feu de tout bois et se montre capable de faire sien aussi bien le patriarcat, selon les processus que tu as décrit, que l'effondrement du patriarcat, en ouvrant de nouveaux marchés. L'écoféminisme proclame au contraire que le capitalisme est par essence patriarcal, ce qui verrouille, en l'intensifiant au maximum, la relation de bourreau à victime entre l'homme et la femme / la nature.

  • Red Tsar le 24/09/2021 à 16h49
    Pour être franc, la lecture de Caliban remonte un peu et j'ai la "flemme" (contamination adolescente familiale) de m'y replonger. Donc je te dis de mémoire, à rectifier si nécessaire.

    De ce que je comprends, Federici trace une troisième voie entre les féministes qui pensaient que la seule lutte qui comptait était la lutte anti-capitaliste et qu'une fois le capitalisme abattu, les femmes seraient à l'égal des hommes (en droit et en condition sociale) et celles qui pensent que le combat anticapitalisme est inutile et que la vraie lutte est une lutte de type « biologique » entre hommes et femmes. Pour Federici, les deux sont liés.

    Pour te répondre plus directement, Federici lie donc les deux (capitalisme et patriarcat). Il y a convergence entre le capitalisme qui « vole » (le travail des salariés et, donc, le travail invisible des femmes) et des structures anthropologiques qui font que les femmes étaient déjà infériorisées. Le capitalisme ne naît pas dans un monde abstrait, mais dans un monde réel qui était ce qu'il était. Ce n'est donc pas lié à de l'ontologie (pas sûr que j'emploie le mot adéquat), mais bien à une construction sociale. On pourrait dire que patriarcat et capitalisme deviennent consubstantiels (mais je ne maîtrise pas le vocabulaire philosophique aussi précisément que toi), mais n'étaient pas pré-déterminés à l'être et qu'ils ne le sont pas à le rester de toute éternité.

    Ceci étant, la question peut paraître un peu théorique.
    1. Comment le capitalisme aurait-il pu voler autant de temps de travail sans patriarcat ? Ce n'était pas une stratégie obligée, mais la plus efficace. Il n'aurait jamais eu les moyens, surtout dans les premiers temps, d'assurer son essor : « combien coûterait de salarier toutes les activités procréatives, affectives, éducatives, de soin et d'hygiène aujourd'hui réalisées gratuitement par les femmes ? Que resterait-il des profits des entreprises si elles devaient contribuer au renouvellement quotidien de leur masse salariale ? » D'ailleurs, je rappelle que Federici montre que ce « vol » continue (elle diverge ici de Marx) et que le capitalisme n'aurait aujourd'hui toujours pas les moyens d'assurer sa reproduction sans ce « vol ». Federici rappelle par exemple que l'expression de « bébé éprouvette » fait oublier que le ventre de la femme reste indispensable au renouvellement de la force de travail.
    2. Ce qui compte surtout, à mes yeux, c'est que le travail de Federici autorise des combats communs (et elle y appelle).
    3. Je ne vois pas Federici comme un guide suprême à suivre aveuglément, mais son propos mérite d'être pris en compte. En France, les sorcières ont été popularisées par Chollet, Coffin... L'écart intellectuel avec Federici est assez terrible pour notre belle France...

    Petite incise sur l'écoféminisme. Je ne suis pas spécialiste, mais il y a une chose que j'ai retenue : on a, au départ, des mobilisations très diverses. Des femmes paysannes en Inde, des jeunes urbaines anti-nucléaires aux États-Unis... On a regroupé par la suite ces luttes sous le vocable commun d'écoféminisme. De fait, il y a des points communs, mais je pense qu'il est difficile de réduire l'écoféminisme à une idéologie univoque, car il y a beaucoup de diversité en son sein. Il me semble, notamment, que toutes les écoféministes n'opposent pas une nature masculine et une nature féminine irréconciliables, mais ont davantage une analyse en termes de rapports sociaux.

  • Classico le 24/09/2021 à 17h09
    Ok merci, c'est très clair.

  • Sens de la dérision le 24/09/2021 à 17h27
    C'était très intéressant en tout cas.

  • Balthazar le 02/10/2021 à 23h42
    Sans revenir sur la controverse du cogito, je voudrais remercier John pour sa dernière réponse. J'ai manqué de temps et d'énergie pour relancer, et puis je n'avais plus grand-chose à dire, mais je ne me suis pas tu par indifférence ou dédain.

    Classico, tu as écrit : "la filiation entre Nietzsche et la déconstruction contemporaine de la culture me semble de plus en plus évidente". Si tu t'ennuies pendant une longue soirée d'hiver, n'hésite pas à développer (non que je ne voie pas du tout ce que tu veux dire, mais je suis sûr que ce sera passionnant).

    Et puisque c'est le lieu sinon le moment, sache que j'ai fini la lecture de "La condition anarchique" de Lordon, que tu avais conseillé par ici. Peu probable que je me lance dans un compte rendu aussi instructif que ceux de Red Tsar, mais c'est une lecture qui m'a intéressé du début à la fin. Dans l'esprit, on a vraiment affaire à un livre de moraliste, plus que de philosophe ou d'économiste.

    Et tiens, pour en revenir à Nietzsche, Lordon ne s'intéresse pas du tout à lui ou je me trompe ? Il y a plein de choses dans "La condition anarchique" qui ne peuvent pas ne pas faire penser à lui, et pourtant il n'est pour ainsi dire pas cité. Sans guère employer le mot, Lordon parle du nihilisme à chaque page ou presque... mais à l'aide de Spinoza. Ça m'a paru étonnant et original, mais bon, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se dit en général sur Spinoza (à part qu'il a quelque chose à voir avec l'Orient, bien sûr : lien)

  • khwezi le 03/10/2021 à 11h14
    Juste au moment ou je pensais comprendre quelque chose sur ce fil....

    La controverse du Cogito. On dirait un titre de livre par Amélie N. ou Michel O.