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Foot et politique

Le fil politique est un fil du rasoir, alors évitons de nous y couper. Par ailleurs, n'oublions pas que son but est d'accélérer l'avènement du grand soir, un de ces quatre matins!

  • khwezi le 26/09/2021 à 19h09
    Pénurie de chauffeurs routiers et Brexit, petit précis.

    Pour commencer, il serait bon d'arrêter de parler de « conditions d'exercices degueulasse » à propos du métier de conducteur poids lourds. Le métier est certes exigeant, mais on est pas au fond de la mine dans le western des années 80/90. Et il faut grandement distinguer le sort des chauffeurs livreurs (les mecs en utilitaires ou petits bahuts) qui gagnent pas grand chose des routiers long court (nationaux ou trans-nationaux) qui ont un revenu très respectable.

    C'est d'ailleurs une des raisons à cette pénurie britannique - la pénurie de conducteurs existe dans d'autre pays européens à moindre échelle, en France c'est un souci depuis quelques années déjà : la législation européenne est assez favorables aux salariés (les indépendants font le choix de bosser comme des tarés et la même législation les empêche théoriquement de foutre leur santé en l'air) et les routes sont fluides au niveau intra-européen. Alors qu'au royaume uni, d'une part les européens déjà installés sont parfois traités comme des malpropres administrativement, et d'autre part les queues et délais d'attente dues aux contrôles n'incitent aucun opérateur (transporteur, indépendants) à prendre le fret en charge faute de rentabilité suffisante par rapport à d'autres contrats.

    Le fait de monter les salaires va mécaniquement attirer des candidats (d'europe centrale essentiellement) mais ne risque certainement pas de résoudre le problème à court ou moyen terme.

    Le secteur du transport routier au Royaume Uni est en outre sous développé: d'une part le royaume, par définition éloigné des grands axes n'a jamais eu d'industrie autre qu'un transport de répartition sur son territoire national (concurrencé en plus par le rail et le fluvial) ou d'envoi vers des zones portuaires, d'autre part aucun acteur national du secteur n'a de taille critique suffisante pour être considéré comme infrastructure fiable.

    Le coupable de la pénurie accrue au RU, c'est le Brexit, à 100% puisqu'il a supprimé la fluidité du Fret à destination du continent, premier marché d'import aussi bien que d'export de l'île.

    C'était un risque prévisible et en effet prévu (par les Business Leader, quasi unanimement pro-remain) auquel les Brexiteers ont répondu que ce ne serait jamais un souci grâce au trade deal évident qui ne manquerait pas d'accorder au RU les même privilège qu'à tout état membre, en dépit des dénégations européennes répétées devant cet argument, puisque la contrepartie était l'autorité de la CJE en cas de litige, ce qui était d'emblée exclu par les Brexit Boys puisque l'indépendance vis à vis de la CJE était une ligne rouge sang pour ces derniers.

    Peu importe. A quelques semaines de la sortie effective du Royaume Uni de l'UE, le gouvernement Johnson avait daigné se soucier de où on allait mettre les queues de poids lourds en attente de contrôle pour pas exploser la pollution atmosphérique du bourgeois sud de l'Angleterre. Tout en maintenant publiquement qu'il n'y aurai pas de queues (il y en a).

    Maintenant, ils se rendent progressivement compte que l'agilité et l'indépendance ne séduisent pas autant d'européens qu'ils ont traité (et traitent toujours parfois, voire le cas de certains parents européens toujours en attente de leur permis de résidence permanent qui leur impose de vivre en attendant dans un autre pays que celui de leurs enfants, problème auquel le Home Office délégué environ deux fonctionnaires peu zélés a mi-temps…) comme de la merde, européens sur lesquels reposait, surprise (en fait non, c'était connu), une partie non négligeable de leur économie (Infirmières, médecins, chauffeurs routiers, prostituées - je troll à peine…).

    Certes, en 2021 leurs prévisions économiques entrevoient sur le papier, une croissance du PIB de 6.8% propre à faire pâlir leurs voisins. Avec une hausse du prix du logement de 8% en un six mois, un doublement du prix du gaz en un an, appelé à s'envoler encore, et l'arrêt la semaine prochaine de la politique de soutien au chômage partiel et technique mise en place pendant le COVID.

    Aucun schadenfreude de ma part sur la situation des Britons. Mais je ne souscris pas à l'optimisme de Johnson et Sunak.

  • Red Tsar le 26/09/2021 à 20h05
    Alors je vous jure que c'est un pur hasard, mais je relis le Maître du Haut-Château suite aux discussions sur le fil Cinéma. Et je tombe sur cet extrait, que je partage en clin d'oeil amical :
    « — Je n'aurais pas pu vivre, dit Rita, dans ces camps de travail, ces dortoirs qu'ils ont dans l'Est [partie des ÉU sous administration directe des nazis]. J'ai une amie qui habitait par là. On censurait son courrier. Elle n'a pu me le raconter qu'après être revenue de ce côté. Elles devaient se lever à 6 heures et demie pour jouer dans un orchestre !
    — Tu t'y serais habituée. Tu aurais eu un logement propre, une nourriture convenable, des récréations, des soins médicaux. Que veux-tu de plus ? Des fraises en hiver ? »

    La belle soirée à tous.

    @khwezi : merci pour ces informations circonstanciées.

  • Easy Sider le 26/09/2021 à 22h21
    Khwezi,

    Merci pour ta réponse!

    Pour les chauffeurs routiers, je tirais cette phrase de quelques exemples dans mon cercle familial élargi, où des chauffeurs poids lourds "classiques" ont dû dans les années 82 et 90 devenir également livreurs, puis avoir des cadences de livraisons qui augmentaient etc, et qui ont tous fini avec le dos/épaules/genoux etc en vrac à 55 ou 60 ans. J'imagine que les conditions d'exercice ont dû réévoluer dans le bon sens depuis, tant mieux!

  • Classico le 26/09/2021 à 23h32
    Merci khwezi, c'est toujours mieux d'avoir des détails circonstanciés que de raisonner abstraitement. Je réitère juste cependant mon point principal : bien sûr que la pénurie de main d'œuvre est due au brexit, c'était prévisible à coup sûr dès le depart (peu importent les mensonges des brexiters les plus demago), puisqu'une des caractéristiques les plus évidentes de l'UE est la circulation abondante de la main d'œuvre, et avant tout des pays les plus pauvres vers les plus riches. Le pays riche qui sort de l'UE SAIT qu'il devra trouver des solutions pour ce problème - comme le faisaient tous les pays européens avant l'établissement de l'UE. C'est vendu avec. Donc... quel est le problème ? Le RU va faire le nécessaire pour attirer la main d'œuvre manquante, et on verra s'il y arrive. SI il y arrive, il gagnera l'avantage de pouvoir beaucoup mieux contrôler son immigration de travail qu'au sein de l'UE, ce qui est un des arguments décisifs de la sortie (l'indépendance, le contrôle).

  • Classico le 26/09/2021 à 23h48
    @Edji - mais peux-tu enfin énumérer clairement ce que l'UE fait "mieux à plusieurs" qu'on ne ferait dans le cadre d'une coopération renforcée entre nations indépendantes ? Dans la catégorie la plus évidente, la lutte contre le réchauffement climatique, les mesures adaptées sont de l'ordre du ridicule quant à leur impact concret sur le processus (il faudrait que je vous trouve le lien d'une conférence récente de Janvovici avec des tas de courbes en la matière). Une autre catégorie ou "être à plusieurs" semble évidemment préférable, la diplomatie, la geostrategie, le rapport au reste du monde avec ses entités politiques gigantesques, on ne va juste rien dire je pense de l'action "concertée", "soudée" et "mieux à plusieurs" de l'UE dans toutes les grandes crises mondiales traversées depuis 20 ans, par délicatesse. Un autre domaine où l'unité transnationale paraît mieux à l'échelle des problèmes, l'immigration : des camps, des gens sous les ponts, la soumission honteuse à la grande démocratie turque, des expulsions impossibles, des populations autochtones qui n'ont jamais autant voté pour les extrêmes. A un moment il faudrait donner des exemples du "mieux à plusieurs", non ? L'abondance infinie de la main d'œuvre discount, créatrice de dumping social et de xénophobie ?

  • Classico le 26/09/2021 à 23h58
    (Je me permets cette tirade un peu ridicule parce que tu dis ne pas comprendre. Je ne penses pas une seconde te convaincre, mais seulement peut-être te faire comprendre- de la même manière que je comprends tout à fait qu'on puisse être rassuré par l'existence et la perpétuation de l'UE)

  • Edji le 27/09/2021 à 00h32
    Des exemples ?
    - en matière climatique, engagement de baisse de 55 % des émissions de GES d'ici 2030 + fin des voitures thermiques d'ici 2035 ;
    - en matière sanitaire, continent globalement le plus vacciné (et de loin) à la Covid grâce à une politique dynamique (et non égoïste) d'achats groupés de vaccins, avec un risque assumé collectivement ;
    - en matière économique, un effort de relance inédit partagé entre tous les Etats, en particulier ceux les plus marqués par la pandémie, et ce dans le sillage de l'admirable politique menée par la BCE en toute indépendance (et heureusement) des Etats qui voulaient la restreindre dans son champ d'action.
    La diplomatie, la géostratégie ? Dois-je vraiment te rappeler que c'est précisément l'un des domaines dans lesquels l'UE a le moins de possibilités d'action, faute pour ses Etats membres de rogner sur leurs prérogatives en ce domaine ?
    Et sinon, oui, l'immigration, grosse tache regrettable...mais qui, sinon la Commission européenne, a tout fait pour mettre en oeuvre une politique de répartition équilibrée de réfugiés entre Etats et sortir de la logique dublinesque ?

  • forezjohn le 27/09/2021 à 00h46
    @Classico le Brexit repose sur 3 promesses :
    1/Reprendre le contrôle politique "total"
    2/Ca se fera sans conséquence du point de vue économique(et quand je dis ça c'est sur la vie quotidienne de la population, pas le passeport bancaire européen à la city)
    3/On va récupérer les emplois des travailleurs immigrés européens.

    Tu ne peux pas faire comme si tout n'avait jamais reposé que sur le point 1 et venir nous dire d'arrêter de juger sur les points 2 et 3.

    Si un Mélenchon on une Lepen annoncent vouloir sortir des traités européens tout prétendant que ça n'affectera pas le quotidien de la population, ils seront comptables de leurs actes si ce quotidien est effectivement affecté

  • O Gordinho le 27/09/2021 à 00h53
    Je ne veux pas répondre à sa place mais si tu veux une ébauche de liste :

    - Approvisionnement en vaccins pour résoudre la crise sanitaire (en exemple de "grandes crises mondiales depuis 20 ans" ça se pose là).
    - Avantages concrets multiples et divers pour les citoyens (circulation, droits des consommateurs etc)
    - Stabilité monétaire et capacité d'endettement qui permet à l'UE de sortir de la crise covid plus rapidement et vigoureusement que les autres régions développées.

    Enfin, en matière d'immigration, j'ai l'impression que tu invoques allègrement l'immigration extra communautaire (à moins que tes "expulsions impossibles" ne fasse référence à Cesare Battisti), qui n'est pas gérée par l'UE.
    Ta référence à une "soumission honteuse à la Turquie" est obscure. Si tu penses à l'accord migratoire passé avec les Turcs, alors oui on peut dire que l'UE délègue à la Turquie -et au Maroc- le non-respect des droits de l'homme qu'elle n'assume pas d'endosser pour éviter une vague migratoire impopulaire. Du coup cela devrait te réjouir. A moins que tu n'aies une solution pour une immigration choisie d'extra communautaires... tout en respectant leurs droits élémentaires.

  • O Gordinho le 27/09/2021 à 00h53
    Ok, j'ai une demi-heure de retard.