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L'arbitrage vidéo, une justice de classe ?

Le besoin de "justice" fonde le recours à l'arbitrage assisté par la vidéo. Comme elle ne sera ni divine ni immanente, est-elle susceptible, en réduisant un peu plus les aléas, d'avantager les clubs les plus puissants? 

Auteur : Jérôme Latta le 25 Avr 2017

 

 

Les controverses après l'utilisation de la vidéo pour assister les arbitres de France-Espagne ont confirmé qu'un irrépressible besoin de justice constituait la principale motivation de ce recours chez ses partisans: traduites en injustices, les erreurs des arbitres ne sont plus tolérables. On comprend qu'un ressenti aussi impérieux (construit depuis des années et très majoritairement partagé) ne nécessite pas d'argumentation plus développée et se soucie peu de conséquences qui ne peuvent qu'être secondaires – c'est-à-dire se soucie peu de ce qu'on sacrifie à cette justice.

 

À partir du moment où la mise en œuvre de l'arbitrage assisté par la vidéo (appelons-le AAV) est engagée, de manière probablement irréversible, la question se pose de savoir quelle "justice" appelle ce désir de justice. Abordons-la – en soulignant que l'on ne trouvera donc pas ici un argumentaire contre la vidéo, mais une réflexion sous cet angle particulier: pour les argumentaires, voir la sélection d'articles à la fin de celui-ci.

 

 

 

 

Avantage aux "meilleures équipes" ?

On a entendu que les deux interventions de l'arbitre vidéo lors de France-Espagne avaient non seulement corrigé des erreurs, mais aussi accordé une victoire méritée à l'Espagne, tandis que la validation de l'ouverture du score par Griezmann aurait ouvert la voie à une rapine à la Deschamps. L'hypothèse a été émise, ici et là, que la vidéo favoriserait des résultats plus "justes", au sens où ils récompenseraient mieux la qualité de jeu ou la supériorité d'une équipe.

 

Il faudrait déjà démontrer que réduire les erreurs arbitrales pénaliserait les équipes qui jouent mal ou qui refusent le jeu, misant sur un contre, un coup de chance ou un coup de vice et donc une décision erronée. Il est une variante de cette hypothèse à étudier, un peu plus consistante: comme les recours à la vidéo concerneront plus souvent les actions offensives de l'équipe qui domine (ou du moins se crée le plus d'occasions), les décisions balanceront-elles statistiquement en faveur de celle-ci? On peut penser, avec une certaine logique, que sur la durée, les "corrections" par l'arbitre vidéo tendront à conforter la supériorité sportive des meilleures équipes. Pour l'heure, ces interrogations ont un caractère très spéculatif, mais elles méritent d'être suivies – il faudrait mettre sur ce dossier quelques probabilistes.

 

 

… ou aux plus puissantes ?

Surtout, désigner les "meilleures équipes" (sur le plan du jeu, de l'effectif) revient aujourd'hui à désigner les clubs les plus puissants économiquement. Ce constat invite à sortir de la candeur consistant à seulement considérer la "qualité" des équipes.

 

Certains estimeront que les indulgences prêtées aux arbitres envers les "grosses" équipes feront partie du périmètre des erreurs corrigées et donc qu'elles seront moins nombreuses. Mais on peut aussi se demander ce qui pourra plus ou moins consciemment influencer l'arbitre vidéo au moment de trancher une situation particulièrement indécise, quand "l'intérêt général" résidera dans la victoire du plus gros club, du club du championnat le plus puissant, du club recevant ou encore du pays hôte. Ce penchant (rarement délibéré, donc loin du domaine de la corruption) était déjà reproché aux arbitres de champ, il le sera aussi à l'arbitre vidéo [1]. Il suffira en tout cas de quelques décisions considérées comme des traitements de faveur pour dissiper la thèse selon laquelle l'AAV contrebalancerait ce rapport de forces-là.

 

 

Une répression générale de l'aléa

Quoi qu'il en soit, la réduction de l'aléa arbitral s'inscrit dans le processus global de réduction de l'aléa sportif qui a marqué le football depuis une vingtaine d'années, au travers d'une accumulation de mécanismes par lesquels, d'une part on concentre les ressources économiques, d'autre part on renforce la corrélation entre la puissance économique et les résultats sportifs [2]. Ce qui reste de hasard, susceptible de contrarier les intérêts des mieux lotis, doit encore être combattu [3]. Or ne plus être à la merci d'une erreur arbitrale, c'est s'en remettre un peu plus à un rapport de forces sportif très avantageux pour les clubs puissants.

 

L'invocation obsessionnelle des "enjeux" qui, aujourd'hui, rendraient insupportables les erreurs masque qu'il s'agit avant tout d'enjeux économiques. Pour le fan de football, ces erreurs étaient douloureuses, mais elles faisaient partie du jeu au point d'alimenter directement ses mythologies et d'en faire une partie de l'intérêt. Pour l'investisseur, elles sont insupportables, totalement contraires à sa logique et à ses intérêts. Ses investissements imposent une obligation de résultats d'une nature sensiblement différente de la "simple" poursuite de la victoire – qui comprend aussi une recherche d'excellence, de dépassement de soi, de "valeurs" non réductibles aux titres.

 

 

La logique du résultat

Les impondérables étant de plus en plus réprimés, le football évolue vers une conception assez clinique dans laquelle les résultats des rencontres et des compétitions reflètent de plus en plus fidèlement la hiérarchie économico-sportive. L'incertitude, voire l'équité, ne sont rétablies que dans les confrontations entre forces égales, ce qui accorde aux cadors l'assurance de dominer les seconds couteaux et de se retrouver entre eux au sommet des championnats comme dans les derniers stades des compétitions à élimination [4].

 

Le football était un sport dans lequel on pouvait perdre injustement (pas seulement à cause de l'arbitre), et cela faisait intimement partie du jeu. Les télévisions et les médias spécialisés ont cultivé, depuis une quinzaine d'années, une obsession pour l'arbitrage qui a exacerbé l'intolérance générale envers les erreurs d'arbitrage, au nom de la "justice". L'arbitrage assisté par la vidéo, qui est l'aboutissement à la fois de ce processus et d'une convergence d'intérêts, annonce une justice dont il faut se demander ce qu'elle va mettre dans sa balance.

 


[1] Il faut remarquer au passage que l'AAV ne constitue pas une garantie contre la corruption : les situations "à 50-50" laisseront un arbitre vidéo corrompu faire son office en toute discrétion. Il convient aussi d'interroger, même si elles sont moins probables, les possibilités de manipulation (dans la sélection des images), voire de piratage (par exemple avec une GLT qui bugue déjà sans l'aide personne).
[2] Au travers notamment des modes de redistribution des revenus et des formats de compétition (lire "Comment la Ligue des champions a rétréci la coupe d’Europe").
[3] On se souvient de Karl-Heinz Rummenigge réclamant un système de têtes de série pour la phase à élimination directe de la Ligue des champions, afin d'éviter des confrontations trop précoces entre "gros" – comme celle qui venait d'opposer le Bayern à la Juventus.
[4] Ainsi de la Ligue des champions, qui rétablit l'incertitude dans ses derniers tours, au stade desquels se retrouvent les clubs de l'élite économique européenne (lire "L’UEFA privatise son carré VIP").

 

 

ARBITRAGE ET VIDÉO : UNE SÉLECTION D'ARTICLES 

GÉNÉRALITÉS
Dossier arbitrage (1) la vidéo, un crime contre le football – janvier 2001
Une croyance absurde et destructrice – mai 2008
L’arbitrage vidéo, un si logique désastre – avril 2016
Vidéo-arbitrage : inéluctable et… inutile – juin 2016
Arbitrage vidéo, minute zéro – mars 2017
 

HORS-JEU ET RÉVÉLATEUR
Pour en finir avec le hors-jeu au centimètre – février 2007
Le révélateur au placard – août 2008
Révélateur et à travers – août 2011
Les impostures du révélateur – septembre 2012
La science confuse du révélateur – mars 2014
 

CAS DE FIGURE
Monsieur Thiriez, sifflez le premier – avril 2008
Un cas d'école – novembre 2009
La thiriezthorique™, c'est magique! – décembre 2009
La vidéo, évite – décembre 2009
Vidéo : le rugby dans l’engrenage – août 2013
Coupe du monde : le football sous l’empire des images – juin 2014
 

Réactions

  • Ba Zenga le 25/04/2017 à 10h31
    Surtout que la justice recherchée ne sera selon moi jamais atteinte, mais on en a déjà beaucoup discuté. Merci Jérôme pour l'article qui rappelle les motivations sous-jacentes à cet arbitrage vidéo. Et le foot sans injustice et sans aléatoire, je pense que ça va moins me plaire. D'ailleurs, ça commence à être le cas depuis quelques temps.

  • kimporte el flaco le 25/04/2017 à 12h59
    Ba Zenga
    aujourd'hui à 10h31

    "le foot sans injustice et sans aléatoire, je pense que ça va moins me plaire."
    ------------------

    Je pensais que c'était un inconvénient inhérent à ce sport, pas que c'était ce qui en faisait l'intêret.

    Pareil pour la "mythologie" autours des injustices, un match comme la finale Milan-liverpool n'a pas eu besoin d'erreurs flagrantes pour entrer dans la mythologie.
    La plupart des matchs que je garde en mémoire comme étant mythiques ne tourne d'ailleurs pas autour de polémiques relatives à l'arbitrage.

  • Ba Zenga le 25/04/2017 à 14h29
    L'un n'empêche pas l'autre, kimporte el flaco. On dit juste que l'injustice participe à la mythologie et à l'intérêt. Evidemment qu'il y a d'autres raisons qui font aimer ce sport et qui font entrer certains matches dans l'histoire. Liverpool-Milan 2005, que tu cites, l'est pour son scénario. Angleterre-Argentine 1986, pour la main et le slalom de Maradona (en plus du contexte politique).

    Mais sans aléatoire, sans une part d'irrationnel ou d'injustice qui écrit les petites histoires qui construisent elles-mêmes la grande, y aura moins de choses à vivre, à raconter, voire d'imaginaire et de passion. Tout sera plus aseptisé à mon goût. Je n'ai jamais perçu l'injustice (arbitrale ou autre) et l'aléatoire comme des inconvénients du football, mais comme des composantes fortes voire inhérentes.

    Une erreur d'arbitrage reste un fait de jeu marquant (voire décisif), au même titre qu'une occasion ratée: tout ceci fait partie de l'histoire humaine d'un match. Une histoire que je considère toujours plus belle comme elle me l'est proposée que comme j'aurais voulu l'écrire, dans la défaite comme dans la victoire, dans la joie comme dans la déception.

    Je n'ai jamais crié sur un arbitre quand je jouais en club, ou quand je regarde à la télé. Le gars a le droit de se tromper, comme les joueurs sur le terrain dans leurs choix. Tant qu'il n'y a pas de malveillance ou de corruption dans les choix d'un arbitre, je n'y vois que des erreurs, donc quelque chose que je peux accepter.

  • osvaldo piazzolla le 25/04/2017 à 18h12
    Je crois que la question de l'erreur, ou de la justice est une question rhétorique qui n'est finalement qu'un leurre.

    Si la justice était la préocupation, on devrait s'interroger sur comment donr plus d'indépendance à l'arbitre, plutôt que plus de moyens techniques. Etre arbitre à haut niveau c'est faire face à des enjeux (et donc des tensions) financiers énormes qui s'affrontent. Les clubs en présence et leurs intérêts, mais aussi et surtout le diffuseur télé. Il n'y a qu'à voir les décisions que doivent prendre les arbitres quand il y a à la fois un diffuseur télé et des mauvaises conditions météo.

    De fait, l'arbitrage vidéo n'est PAS un élément pour aider à l'indépendance de l'arbitre mais au contraire pour le déposséder. Et l'enjeu n'est pas vraiment ici le club puissant ou pas, il est la télévision qui va contrôler l'arbitrage par la régie.

    Et je pense que la télévision n'en a rien à battre de favoriser un club plutôt qu'un autre (sauf circonstances exceptionnelles). Par contre, elle se creuse la cervelle depuis trente ans sur comment rendre compatible ce sport si générateur d'audience mais si peu "coupure de pub"-friendly avec une augmentation des recettes publicitaires.

    Elle a trouvé un moyen et elle ne le lâchera plus et sera prête à n'importe quel discours bidon pour le faire passer.

  • Lucho Gonzealaise le 25/04/2017 à 23h36
    osvaldo piazzolla
    aujourd'hui à 18h12


    Et je pense que la télévision n'en a rien à battre de favoriser un club plutôt qu'un autre (sauf circonstances exceptionnelles).
    -----------

    Tu penses que Canal ou Bein n'ont pas intérêt à favoriser les gros clubs pour rentabiliser l'argent des droits, s'assurer du suspense en haut de tableau, que les mêmes clubs se qualifient régulièrement en C1 pour avoir plus d'argent et attirer des stars ?


    Sinon, je pense qu'on oublie encore trop que le sport est avant tout une école de la vie et un moyen de sociabilisation, d'éducation à la vie en groupe, etc... L'une des premières choses qu'on doit apprendre aux jeunes, c'est que l'arbitre peut aussi se tromper et qu'il faut savoir le respecter. Mais comment veux-tu leur inculquer ça quand tu as à côté des présidents qui crient au scandale parce que telle décision les éloigne de la manne financière de la C1.

  • osvaldo piazzolla le 26/04/2017 à 05h45
    @Lucho : je pense que ce sont des enjeux financiers mineurs par rapport à l'éventualité de pouvoir rajouter des coupures pub à grande audience sans attendre la mi-temps.

    Je pense même que "favoriser un gros" est un enjeu financier mineur par rapport à "inciter à parier sur des cotes rationnellement idiotes mais émotionnellement imaginables", qui est la raison d'être majeure de toute émission télévisée sur le foot, complètement noyautée par l'industrie du pari.

    Pas besoin d'arranger les matches pour se faire un max de thunes avec le couple infernal télé-pari.

  • Sens de la dérision le 26/04/2017 à 10h50
    osvaldo piazzolla
    25/04/2017 à 18h12
    Et je pense que la télévision n'en a rien à battre de favoriser un club plutôt qu'un autre (sauf circonstances exceptionnelles)
    ----
    C'est bien pour ça que tous les clubs sont également diffusés sur les chaînes de télé.

  • osvaldo piazzolla le 27/04/2017 à 20h35
    @sens de la dérision : bon alors je nuance mon propos : ça peut les intéresser mais je crois que ce n'est pas le principal enjeu.

  • Senzo Meyiwa le 27/04/2017 à 22h17
    @ Osvaldo Piazzolla.

    Outre la coupure de pub, je trouve aussi très intéressant ton argument sur l'indépendance de l'arbitre.

    D'ailleurs peut-être qu'il en aurait un peu plus si le penalty n'avait pas cet enjeu démesuré. Le fait que tous les débats (ou presque, avec le hors-jeu) sur les décisions arbitrales portent sur cette question prouvent bien que le foot actuel est organisé sur la recherche permanente de la faute : on dit bien "chercher le penalty". Reculer le point de penalty de deux mètres ne serait pas une mauvaise chose à mon goût. Autre possibilité : strictement sanctionner les simulations.

    Bref, la fluidité du jeu est essentielle en football, et le plongeon d'un attaquant qui se refuse d'aller au bout de son action relève globalement d'une logique inverse.

  • osvaldo piazzolla le 02/05/2017 à 19h09
    @senzo: autant supprimer le hors jeu est complètement idiot du point de vue du jeu, autant je suis surpris ne voir personne proposer de supprimer le pénalty (et le remplacer par un coup franc à l'endroit où est commise la faute). ça poserait sûrement des problèmes de proportion entre gravité de faute et sanction mais beaucoup moins que le pénalty lui même.

    et pour l'indépendance de l'arbitre, le diaporama où on voit un arbitre demander à Poutine de lui repasser l'arbitre régie vaut mille discours !

La revue des Cahiers du football