Un Martiniquais de banlieue peut-il encore percer en Angleterre ?
Le cas Martial a ouvert bien des débats stériles, qu’il faut fermer les uns après les autres, avant de se frotter à la vraie question: les Anglais ont-il suffisamment progressé pour contenir un Noir ayant une bonne conduite de balle?
50 millions + 30 millions en bonus éventuel: ça a l’air beaucoup, évidemment. Cependant, les médias trotskistes gangrénant notre patrie ont eu beau jeu de laisser de côté un point décisif: Martial a été acheté en Angleterre, et qu’y a-t-il en Angleterre, ou plutôt, que n’y a-t-il pas? Il n’y a pas l’euro. Il y a la livre sterling, ce beau nom également donné au jeune espoir Raheem Sterling, pour qu’il s’intègre. Ce ne sont donc pas 50 millions, mais 36,6 millions qui ont été investis. Et 22 en bonus. On reste donc dans des montants assez classiques, limite dérisoires. D’autant que les bonus, exploitant la logique stupide mais persuasive des paris sportifs, ne sont qu’une entourloupe pour exciter les jeunes rédacteurs stagiaires de la génération Y (du nom du chromosome qui manque à ces gonzesses pour composer une paire normale).
Un transfert pas si mirobolant
7 millions pour 25 buts, 7 millions pour 25 sélections, 7 millions si Anthony entre dans le top 10 du Ballon d’or: il s’agit typiquement des choses qui donneraient une valeur économique incontestable au joueur, et qui n’engagent donc pas Manchester, qui reverserait beaucoup moins que ce que vaudra son attaquant s’il remplit ces critères puisque ces gros nazes de présidents accordent une importance aussi illégitime que démesurée: - au classement du ballon d’or - au nombre de buts marqués dans le championnat anglais, où il est de notoriété publique que les droits télé sont directement annexés (inversement proportionnels) au niveau des gardiens
Ils en accordent même autant qu’à l’honneur ultime d’être sélectionné par son pays pour le représenter après avoir chanté la Marseillaise. De toutes les façons, les voyous de banlieue rêvent du Ballon d’or plutôt que remporter la Coupe du monde; ils rejoignent en cela les patrons voyous de club qui savent bien que remporter une coupe avec son pays est encore attribué au collectif victorieux – et n’apporte aucune valeur marchande aux joueurs sélectionnés. Les victoires de la nation créent même un soupçon: est-ce qu’on ne se fera pas arnaquer en investissant sur un joueur touché par la grâce en sélection, et naze au quotidien?
Un joueur qui singe Thierry Henry
Dès son premier but on a compris ce qu’a dû se dire Manchester: “Ce nouveau Noir des Ulis va à son tour transpercer les plots qui nous servent de défense." Des années durant, Thierry Henry a fait les mêmes accélérations, les mêmes crochets, les mêmes frappes, et ces angulais (footballeurs anglo-saxons aux pieds carrés), ces Benny Hill en short, se sont fait prendre à chaque fois – à croire que les coaches font là-bas davantage de conférences de presse que de séances vidéo.
On doit cependant convenir que de l’autre côté du gros tunnel sous la manche, ces gros manches saoûls savent d’où vient la thune: de l’image. En remplaçant tout le travail technique et tactique par du physique, des passes et du jardinage, les Anglais ont construit un championnat où toutes les équipes se valent, et où, pour tirer son épingle du jeu, il suffit d’avoir l’idée de recruter un attaquant étranger (Arsène Wenger a cru bon d’appliquer cela à toute l’équipe, ce qui relève d’une méconnaissance grave de l’éthique anglo-saxonne, où les arbitres laissent jouer lorsque des gros bourrins percutent les joueurs fins). Au Royaume-Uni, l’élégance n’est appréciée que lorsqu’elle est pince-sans-rire, ce qui ne peut pas être démontré sur un terrain, où le défenseur que la pluie rince sent pire, ce qui perturbe les Européens qui veulent se tripoter le ballon tranquillement.
Mais les Noirs sont peut-être moins dérangés par cela? Ne nous emballons pas. La rumeur qui insiste sur l’odeur des Africains est assez exagérée. Thierry Henry lui-même ne s’est jamais senti pisser.
L’Afrique, c’est chic
Anthony Martial a, sur le papier, tous les risques de combiner les tares de l’Africain martiniquais et du sauvageon de banlieue. Jacques Lacan, que l’auteur a bien connu sous l’occupation, ferait en outre immédiatement remarquer qu’en plus du signifiant "martial" où l’on entend clairement qu’Anthony est belliqueux comme les banlieues (lieu où l’on est destiné à rester sur le banc), il est "martiniquais": le martini est précisément ce que les porcs anglais boivent sur les quais des ports, et ça leur fait du mal, comme on a pu l’apprendre dans la saison 2 de The Wire.
Mais si Anthony a des côtés très typiques (il est par exemple dans les temps, en ayant déjà fait le premier des douze enfants qu’il projette d’avoir), il bénéficie aussi d’une petite exception, comme les règles françaises en aiment tant: il va vite comme un noir, mais conduit la balle comme un blanc (ce facteur expliquant sans doute ses déficiences physiques: à dix-neuf ans, il n’a l’air d’en faire que dix-neuf). Et ça, les Anglais ne savent pas faire, ni contrer – ils ne marquent d’ailleurs que sur frappes lourdes ou des contrôles ratés à la réception de transversales, et les seules passes en retrait qu’ils connaissent sont les corners. Tout cela ne fonctionnant plus lorsqu’ils rencontrent, dans les tournois internationaux, des défenseurs qui montent sur le porteur du ballon.
Quand on voit que les Anglais ont réussi à apporter tant de sélections à Louis Saha et Loïc Rémy, on se dit qu’Anthony va aisément prendre la suite de Didier Drogba et Thierry Henry: il est clair qu’il aura le trophée du meilleur joueur africain avant la fin de son contrat (ce qu’évidemment les agents n’ont pas intégré dans les bonus). Ensuite, Anthony ira en MLS, dans un pays où le président sera redevenu blanc et où Anthony ne prendra pour autant pas le risque d’être pendu et brûlé – mais peut-être celui d’être tué par un représentant de la loi. Dans ce grand pays démocratique que sont les États-Unis, on sait qu’en considérant les accusés comme des présumés coupables, on élimine quelques innocents peut-être, mais on ne laisse en liberté aucun futur coupable.
Les Anglais n’ont pas ce courage: ils offrent une chance à Anthony Martial, qui a vraisemblablement fréquenté des futurs terroristes à l’école de la République. On souhaite sans doute le meilleur à Anthony, qui donnerait un bel exemple à ses frères des quartiers, mais on souhaite aussi un peu aux Anglais, dont le pari sportif est la pratique culturelle numéro une, d’avoir mal jugé et d’avoir gaspillé leur argent, qui ne sera quoi qu’il arrive pas perdu: la ville de Monaco en sortira sans doute encore plus propre et plus en sécurité.