Un demi France-Brésil
C'est pas la joie dans la seleçao, à voir la gueule tirée par les jaunes au moment des hymnes. qualifiée d'équipe de seconde zone dans son propre pays, elle n'a pas montré grand chose dans cette coupe des confédérations, sinon une inhabituelle faiblesse offensive et une certaine combativité contre la France. La rencontre ne fut pas exceptionnellement spectaculaire, mais le niveau a été très respectable, avec de très bonnes phases de jeu côté français et un nombre supérieur d'occasions nettes (voir ci-dessous). A noter une quantité excessive de fautes qui trahit une emprise parfois déficiente sur le jeu, comme en fin de match où les Brésiliens ont multiplié les coups de pied arrêtés. Pires et Sagnol tirent une nouvelle fois leur épingle du jeu, ça va leur faire une pelote bien utile à l'avenir, Liza est toujours là, Vieira continue de grandir. Ramé est un peu la déception, il a rapidement perdu confiance, sans toutefois commettre l'impair qui coûte très cher (syndrome dit "de Letizi en Russie"). Mais l'essentiel du débat tourne malheureusement en négatif autour des grands contestés de l'équipe de France.
Youri a du mal
Il va falloir commencer à défendre Djorkaeff. Il y a trois ans, il comptait un grand nombre de fans et il était difficile de déboulonner sa statue sans choquer une bonne partie de l'opinion footballistique. Aujourd'hui, le consensus actuel devient tel (sauf chez ses potes journalistes) que le débat sur sa valeur n'est plus d'un grand intérêt. Heureusement, il reste ses déclarations —qui ne perdent pas une once de leur saveur— et ses refus de faire la passe évidente à un partenaire idéalement placé (20e min., 45e min.).
Djorkaeff n'est pas plus mauvais qu'avant, mais il n'est clairement plus le meilleur choix. A chacune de ses apparitions en meneur de jeu, ses lacunes n'en sont que plus évidentes, ses disparitions plus flagrantes. Volontaire et réussissant quelques bons mouvements en début de rencontre, il a rapidement sombré après l'égalisation brésilienne, n'évoluant plus que dans une zone de 15 mètres et multipliant les erreurs. Le parcours flatteur de Carrière dans la compétition (privé par Anelka d'une passe décisive de plus), qui n'apparaît pourtant pas à son tout meilleur niveau, est une nouvelle menace pour la place de titulaire du Snake. Acceptera-t-il de ne figurer que dans les 22, et bien moins souvent dans les 11? Ce n'est pas le moindre des défis qu'il a relevés dans sa riche carrière.
Karembeu dur au mal
Il y a un autre consensus plus déplaisant à notre sens de Pierre Martini, et c'est celui qui frappe Karembeu, comme en témoigne le forum "Tout vous saurez tout…" qui confime l'anathème le frappant aux côtés de Lebœuf et Djorkaeff. Hé les gars, vos a priori vous aveuglent un peu, il a fait un gros match notre Christian. Il ne faut pas qu'il y ait un malentendu sur le Kanak. Au temps de sa grande reconnaissance nantaise et gênoise, il valait par son volume de jeu et son engagement bien plus que par ses exploits techniques ou ses passes décisives. Il s'est montré précieux dans ce registre jeudi, d'autant que ses permutations avec Sagnol se sont avérées très efficaces pour verrouiller le flanc droit. Il est sûr que Karembeu n'est pas un titulaire, mais il ne faut pas non plus systématiquement dévaluer ses prestations. C'est un peu rustique, mais cela reste du haut niveau.
Anelka se sent mal
Bon allez, puisque l'on est déjà bien enfoncé dans les contradictions et les missions impossibles, prenons la défense d'Anelka. Le lâche lynchage dont Roland et Larqué furent les auteurs serait une raison suffisante (voir ci-dessous). Nous avons peut-être l'impression, après avoir lu son pathétique interview dans France Football, que le Parisien a besoin de conseils en communication, voire de quelqu'un qui lui explique deux trois trucs sur ce qu'implique le fait d'être footballeur professionnel (sans même parler d'obligations professionnelles). A l'entendre répéter qu'il veut "juste jouer au football", "qu'il ne veut pas être une star", on a envie de lui dire qu'il n'a qu'à aller jouer à Niort pour 50.000 balles par mois, il retrouverait sa tranquillité.
Un transfert très mal géré en termes d'image, une série de déclarations maladroites durant une saison moyenne, une irritante façon d'avoir l'air de ne pas comprendre ce qu'on lui veut et des prestations insuffisantes en bleu font de lui une cible tellement idéale… Les commentateurs vedettes de TF1 (qui font semblant d'être surpris par les sifflets contre Karembeu) l'ont bien senti. Laissons pourtant l'homme de côté, parce nous n'avons pas l'outillage pour le décoder et parce que l'on part vite dans les jugements de valeur sur ce terrain-là.
Lors des matches précédents, on avait eu la sensation qu'il ne parvenait pas franchir un petit palier psychologique pour exprimer son potentiel. Cette demi-finale était l'occasion de marquer positivement les esprits, ce fut peine perdue et occasions ratées. Trois frappes décadrées montrent au contraire que le doute s'est enfoncé dans l'esprit de l'avant-centre. Faut-il pour autant conclure que Née ou même Marlet valent mieux que lui dans le groupe présent en Corée, qu'il faut l'écarter de la sélection sous prétexte qu'il n'a pas progressé et prouvé autant que Henry, Wiltord et Trezeguet? On remarque d'ailleurs que l'absence des deux autres attaquants du carré tournant expose leur deux compères aux critiques. Wiltord aussi a montré une certaine inefficacité, mais lui bénéficie de l'indulgence due à un personnage sympathique et à un joueur très actif. Il paraît qu'Anelka est un des joueurs les plus intégrés et les plus à l'aise dans le groupe, c'est déjà ça.
Il reste une question, sur laquelle se jouera son avenir d'international : son mental si particulier lui permettra-t-il de se faire violence et de se surpasser?
ANNEXE :
Quelques minutes dans la vie de Nicolas Anelka, Thierry Roland et Jean-Michel Larqué.
28e minute
Thierry Roland : On n'a pas le droit de manquer ça Nicolas.
Jean-Michel Larqué : Au moins le cadre, au moins le cadre. Quelle occasion! Quelle occasion!.
TR : Si vous insultez le jeu, le jeu peut se venger.
29e minute
TR et JML font remarquer que le but d'Anelka contre la Corée n'en était pas vraiment un.
30e minute
TR: Des occasions comme celle-là, un avant-centre de l'équipe de France ne doit pas les manquer. Il y a un minimum.
32e minute
JML : Et c'est lui qui fait faute…"
36e minute
JML : Haaaaan!!!
TR: Pas du tout dans le coup, l'attaquant du PSG.
JML: C'est lui qui commet les fautes alors que c'est lui qui devrait les provoquer.
38e minute
JML : Il n'attaque pas le ballon, il est donc battu.
46e minute
Thierry Roland : Une occasion incroyable de Nicolas Anelka.
67e minute
JML : Oooh non c'est pas vrai. Ha!
Thierry Roland : Ah non, non, une fois oui pas deux fois.
JML : Ce qui est le plus rageant Thierry, c'est que le ballon n'est même pas cadré.
TR : Ben oui c'est ça l'histoire.
JML: Parce qu'à six mètres, si il cadre le ballon…
68e minute (ralenti)
JMLOh quelle occasion. Quel bon ballon, quel bon ballon.
80e minute
JML: le nombre de fautes qu'a faites Nicolas Anelka c'est incroyable pour un attaquant.
89e minute
JML: Il faut aller au ballon! Nicolaaaas!!!