Ce samedi, le mythique Red Star retrouvait son non moins mythique Stade Bauer, afin de marquer son "nouveau départ". Après avoir rêvé du Stade de France, le club doit survivre à ses désillusions autant qu'à la précarité...
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Le 10 mars 1999, le Red Star recevait l'AS Saint-Etienne au Stade de France, dont il postulait encore à la résidence. La rencontre, qui détient le record d'affluence de la deuxième division, devait marquer son ambition de devenir ce grand club populaire de la banlieue parisienne tant attendu. Elle marqua au contraire le début de la fin. Le club audonien, au moment d'affirmer son identité, avait commencé par laisser aux visiteurs le privilège d'évoluer dans "leur" couleur, avant d'enregistrer une lourde défaite. Les "Verts" filaient cette saison vers la D1, les "verts" vers la relégation.
Pourtant, en mai 98, le Red Star avait été désigné par le ministère des sports de Marie-George Buffet pour être ce fameux "club résident" du SdF (1). On ne sut jamais quels étaient les mystérieux investisseurs qui étaient derrière le controversé président Jean-Claude Bras, mais son projet fut d'abord recalé par la DNCG, avant de s'embourber dans une impasse politico-sportive (comme tous les autres d'ailleurs).
Plus préjudiciable encore, le projet de rénovation qui aurait fait de Bauer une enceinte moderne de 15.000 places en pleine ville était tombé à l'eau. La municipalité de Saint-Ouen ayant peu apprécié les velléités de migration à Saint-Denis, qui l'avaient contrainte à annuler le concours d'architecture et à payer de fortes indemnités aux candidats), n'avait plus donné suite. Et c'est bien là que se trouve la dramatique erreur stratégique des dirigeants, qui en rêvant d'une enceinte disproportionnée (mais qui attirait les investisseurs et les subventions), ont raté la chance d'un développement raisonnable, à l'échelle du Club, qui aurait pérennisé son inscription dans le tissu local et permis de maintenir son rang.
Car pendant ce temps, de revers sportifs en déboires financiers, le Red Star connaissait une vertigineuse dégringolade - dont le dernier avatar fut, cet été, une nouvelle rétrogradation administrative en CFA2. Victime d'un déficit dont le montant est difficile à connaître, ayant perdu son statut professionnel et l'essentiel des moyens de son centre de formation, sa principale richesse, il peine aujourd'hui à rivaliser avec les autres clubs de CFA2.
Et même redevenu minuscule, le Red Star nourrit encore des polémiques et des conflits, dont témoignèrent samedi les banderoles déployées (elles-mêmes rivales) ici et là, ainsi que les invectives ayant perturbé la minute de silence en mémoire d'un ancien joueur. Artisan d'un spectaculaire sauvetage il y a plus de vingt ans, faisant remonter en D2 un club descendu en DH après sa liquidation judiciaire en 1978, Jean-Claude Bras a perdu sa crédibilité, notamment auprès d'une frange de supporters qui réclame à toute force l'arrivée d'une nouvelle équipe moins compromise (
www.allezredstar.com). Après avoir compromis ses propres projets en refusant de perdre le contrôle total de son club, le dirigeant historique dut déléguer la gestion des affaires, avec le résultat que l'on sait. Aujourd'hui, il a cédé la direction exécutive du club à Claude Thuel et Michel Castejon, au travers duquel il conserve son influence. Un ménage a été fait dans l'entourage du club parmi ceux qui auraient abusé de la confiance de Bras (France Football, 04/10), le nombre d'équipes a été réduit et Mustapha Ousfane nommé à la tête d'une équipe première dont la moyenne d'âge n'excède pas 20 ans....
Quelles peuvent être les ambitions du Red Star à moyen terme? Le retour à Bauer fera certes du bien, après les années maudites passées au Stade Marville. Le stade a été remis aux normes et les dommages subis pendant la tempête de décembre 99 réparés, sans qu'il perde son inimitable aspect général (voir
Bauer : tour de stade ). Mais comment sera-t-il possible de redonner un élan et un projet sportif au club? Après avoir accumulé autant d'erreurs, le Red Star a-t-il encore une chance de faire perdurer sa tenace légende, de faire vibrer ces vieux gradins de la rue du Docteur Bauer qui ont vu joueur Combin, Magnusson, Vergnes, Susic et tant d'autres?
A quelques centaines de mètres du Stade Bauer et quelques heures après ce Red Star-Aubervilliers soldé par un 0-0, c'est un joueur formé au Red Star qui signait un doublé devant près de 80.000 spectateurs. Steve Marlet a-t-il eu une pensée pour son ancien club?
(1) Rappelons que l'aberrant contrat de concession liant l'Etat au Consortium (signé par Edouard Balladur entre les deux tours de la présidentielle 1995) prévoyait une forte indemnité en cas d'absence de club de haut niveau disputant ses rencontres dans le futur joyau de la Plaine Saint-Denis (voir
Le Stade de France, une histoire chaotique, un présent polémique, mars 2000). Aujourd'hui encore, le Consortium touche une soulte annuelle de plus de 10 millions d'euros.