Nice : le stade en bois sort des cartons
Modeste en capacité mais ambitieux sur le plan écologique et architectural, le futur Nice Olympic Stadium devra trouver son public.
Nice Olympic Stadium, Nice Olympic Eco Stadium, Nice Stadium... Le projet de nouveau stade niçois a abandonné en juin l'inévitable vocable "grand stade" pour une appellation encore incertaine. Elle devrait encore changer avec une probable opération de naming qui permettra à une marque ou une entreprise d'imprimer son propre nom sur le nouvel édifice. La troisième tentative devrait être la bonne, après deux précédents projets annulés par la justice (respectivement pour malversations et irrégularités dans la délégation de service public), et l'enceinte devrait se dresser dans deux ans et demi à l'Ouest de la métropole sur la plaine du Var à Saint-Isidore, en bordure de l'autoroute A8 – une zone qui fait l'objet d'un programme d'aménagement urbain qui bénéficie du label "opération d'intérêt national".
Le 11 octobre, la ville de Nice a choisi le projet lauréat, celui du cabinet d'architecture Wilmotte & Associés, dont la construction par le groupe Vinci (associé à la Caisse des dépôts et la SEIEF) devrait démarrer en juin prochain si le conseil municipal valide comme prévu ce choix, le 10 décembre prochain. L'inauguration pourrait se dérouler à l'occasion de la cérémonie des Jeux de la francophonie, le 30 juin 2013.
images Wilmotte & Associés / Vinci
Salle du Gym
Par sa capacité qui ne dépassera pas 35.000 places, le futur stade est un des plus modestes des villes candidates à la réception de matches de l'Euro 2016. Le chiffre peut paraître étonnant pour une agglomération comme celle de Nice, mais il suscite quelques inquiétudes locales: le projet économique et sportif de l'OGC Nice ne présage pas, en effet, de l'établissement d'une place forte du football français susceptible d'assurer des affluences massives. Non seulement l'affluence moyenne est faible, mais le taux de remplissage, descendu en dessous de 50% depuis la saison dernière, est également médiocre. Avec l'instabilité institutionnelle chronique du Gym (lire "La Baie déchante") et l'abandon du Stade du Ray pour un site contesté, mal vécu par une partie des supporters, l'OGC Nice devra profiter de "l'effet nouveau stade" [1] pour enclencher une dynamique positive.
Le complexe a quelque ambition puisqu'il comprend un musée national du sport, des surfaces commerciales et de loisirs sur 14 ha, et qu'il sera en mesure d'accueillir, outre le club de rugby, toutes sortes de manifestations sportives et culturelles au nom d'une "multifonctionnalité" martelée par les élus.
Public-privé : qui y gagne ?
La formule choisie est celle du partenariat public-privé (PPP). Augmenté de 50 millions par rapport à l'estimation initiale, l'investissement global s'élèvera à 245 millions d'euros TTC. Celui du stade seul, 165 millions, sera couvert en partie par l'État (18 millions) et les collectivités (le Conseil général pour 20 millions, la Région pour une part à déterminer). La ville devra payer au groupement une redevance annuelle de 8,3 millions d'euros durant vingt-sept années, l'opérateur assurant pour sa part la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien de l'infrastructure pour la durée du contrat.
Au terme de ce dernier, Vinci et ses partenaires auront donc touché au moins 224 millions de la part de la ville, et encaissé tous les profits liés à l'exploitation du stade (hors revenus du jour de match, qui iront à l'OGC Nice) et des équipements attenants, ainsi que des ressources annexes, comme celle issue du naming... Les PPP sont qualifiés de "gagnants-gagnants", mais les municipalités semblent toujours partir perdantes-perdantes. Pour l'heure, les investissements nécessaires pour assurer l'accès par les transports publics (le projet ne prévoit que 2.000 places de parking sur site et dépend de la construction d'une ligne de tramway) ne sont pas publiquement évoqués, mais l'opposition municipale PS et PCF critiquent déjà le coût d'une opération "surdimensionnée".
Label vert
Le prestigieux Jean-Michel Wilmotte signe l'architecture du futur stade, qu'il a souhaité à l'image d'un "cocon" [2] en lui conférant une silhouette tout en courbes et en transparences. Le toit est formé d'une membrane en résine translucide, supportée par une résille de bois, qui préservera la luminosité de l'enceinte. Pas de craintes à avoir envers un effet de serre, à l'intérieur comme à l'extérieur, puisqu'une climatisation naturelle utilisant des "murs soufflants" pour exploiter les vents de la plaine du Var a été conçue.
L'édifice, "modèle d'intégration et de respect de l'environnement" selon le maire Christian Estrosi, se présente en effet comme un "éco-stade" à énergie positive cumulant les bonnes pratiques: centrale solaire avec une ceinture de panneaux photovoltaïques sur le toit, récupération de l'eau de pluie pour l'arrosage, géothermie (lire à ce sujet "Une herbe plus verte"). Parkings et halle commerciale sont souterrains afin de dégager la surface au profit d'un parc qui flanquera l'éco-quartier prévu à plus long terme.
Le Nice Olympic Stadium est donc pavé de bonnes intentions, et l'objet architectural peut faire saliver. Reste à en faire un équipement bénéfique à défaut d'être rentable pour la collectivité, un outil d'aménagement urbain efficace et, avant tout, un stade de football.
[1] Constaté presque systématiquement pour les nouvelles enceintes, il consiste en une augmentation simultanée de la fréquentation brute et du taux de remplissage. Gilbert Stellardo, président de l'OGCN, espère porter de 30 à 40 millions d'euros les recettes annuelles de billetterie et de sponsoring.
[2] "C'est un lieu où on se sentira bien. Un lieu doux, sécurisant, non anxiogène. De la douceur avant tout! Aujourd'hui, le sport engendre parfois de la nervosité, de la brutalité, les enceintes sont d'ailleurs bétonnées, grillagées. Je veux changer cette image". (lire l'interview de Jean-Michel Wilmotte)