Ballon d'Eau fraîche 2013, les candidats : Gomis et Camara
Le premier n'a pas voulu partir, le deuxième est bien content de rester. Si leurs candidatures peuvent surprendre, ils ne sont pas là par hasard.
Gomis, à contre-courant
Bafétimbi Gomis porte sans doute l'une des candidatures les plus controversées du Ballon d'Eau fraîche, même s'il s'agit de sa troisième nomination. Il faut dire que du Ballon de Plomb, il a eu quelques attributs: les frasques de transferts, en passant avec fracas d'un club "ennemi" à l'autre, une réputation de croqueur et de spécialiste du hors-jeu ainsi qu'une coiffure goldbergienne tout en variations.
Il est pourtant nécessaire de corriger ce portrait peu flatteur avec des statistiques footballistiques impressionnantes (il est bien parti pour boucler sa septième saison avec au moins 10 buts en Ligue 1, dont il est le meilleur buteur en activité), assorties d'un bilan de quatorze cartons jaunes et un rouge en 290 matches. Au-delà du terrain, Gomis séduit avec des déclarations détonantes: quand Roland Romeyer tente d'enflammer le derby, Bafé joue la carte de la modestie. Quand la presse, les supporters et le président de son club vouent Claude Puel aux gémonies, il le défend. Quand la profession fait vent debout contre la taxe à 75 %, il tente de prendre du recul. Quand Aulas et Garde chargent l'arbitre d'OL-PSG, il a une tout autre attitude. Voilà pour les justifications des nominations 2011 et 2012.
Pour cette année, il faudra ajouter évidemment le feuilleton de l'été, qui a vu l'inimitable Jean-Michel Aulas faire des pieds et des mains pour s'en débarrasser et le joueur adopter une attitude relâchée, multipliant les preuves d'amour pour l'OL. Après ce mercato agité au terme duquel il reste finalement à Lyon, Gomis fait preuve d'une attitude irréprochable sur le terrain comme en dehors. Après le match contre La Suze, on le voit ainsi poser dans le vestiaire avec les joueurs du club amateur. Dans une interview sur RMC, il récidive sur la taxe à 75 %: "Je suis issu d’une famille africaine de dix enfants. Cette crise touche aussi mes frères et sœurs qui n’ont pas forcément trouvé un emploi. Je n’ai pas attendu cette taxe pour partager mes revenus. Je ne sais pas ce qu’il se décidera. Mais c’est sûr qu’il faut faire un geste et moi je suis prêt à le faire."
N'est-ce pas la candidature de trop? Certainement pas, car le Bafé Gomis se bonifie avec le temps. C'est ainsi que, conscient de ses lacunes, il va tenter de passer la baccalauréat, démarche d'autant plus remarquable qu'il n'était pas du tout intéressé par l'école dans ses jeunes années. Ce vieillissement réussi du Bafé se voit aussi dans sa gestion des mercatos: fini les bras de fers pour quitter son club, il fait désormais tout pour faire respecter son contrat dans son club, avec sans doute en ligne de mire l'équipe de France, qui semble si importante pour lui. Voir Bafétimbi Gomis remporter le Ballon d'Eau fraîche, ce serait aussi montrer aux Jean-Michel Aulas du monde du football que, non, l'homme n'est pas qu'une marchandise que l'on achète et que l'on vend quand on veut, à qui on veut, au prix que l'on veut. L'homme peut avoir d'autres objectifs.
Enfin, Gomis représente, de plus en plus, le candidat idéal pour contrer une vision aussi angéliste que trompeuse du Ballon d'Eau fraîche, celle qui désignerait inévitablement un joueur quasiment anonyme pouvant profiter d'un calme médiatique pour attendre tranquillement sa récompense. Sifflé par son public, à Lyon comme en équipe de France, poussé dehors par son président et son entraîneur, lui parvient à rester digne et à montrer sa volonté sur le terrain: un exemple!
Point fort
Il a réussi à rendre Jean-Michel Aulas encore plus antipathique.
Point faible
Ce même Aulas serait capable de se réjouir publiquement de la récompense.
Le slogan de campagne
"Pour une quenelle vraiment anti-système, votez Bafé."
Comme sur le terrain, où son apparition ne manque pas de déclencher chez votre beau-frère un navrant “Tiens, il joue encore Camara?”, personne n’attendait Zoumana “Papus” Camara dans ce scrutin, hormis un comité de sélection manifestement inspiré par quelque substance prohibée. Comment? Un joueur du PSG, un représentant de cette myriade de mercenaires égocentriques, candidat au Ballon d’au fraîche? Et pourquoi pas Bachar el-Assad Prix Nobel de la Paix? Et pourtant...
Bien sûr, il n’est ni l’homme d’un seul maillot, ni le laborieux milieu défensif dont on n’entend jamais parler. Mais si “Papus”, doux surnom hérité de l’enfance, postule au plus rafraîchissant des trophées, c’est qu’il le vaut bien. Déjà, le fait que le Parc des Princes puisse scander le diminutif d’un ancien Stéphano-marseillo-lensois (entre autres) devrait interpeller les foules: attention, baleine sous gravillon. La révélation de son improbable mais étroite amitié avec sa majesté Zlatan devrait achever d’aiguiser la curiosité. Ce gars est différent, non?
Abonné au banc de touche après avoir été promis aux tribunes à l’aube de sa septième saison au club, grappillant des minutes de jeu au gré des blessures des cadors de la défense centrale parisienne – sans jamais émettre la moindre revendication ni la plus petite plainte –, Zoumana est ce que l’on appelle communément un joueur de vestiaire. Car c’est avant tout dans ce sanctuaire païen qu’il donne sa pleine mesure d’homme et de coéquipier. C’est son ancien partenaire Peguy Luyindula qui donne le coup d’envoi des éloges: "Papus est à l’écoute des autres, il a une bonne et belle âme. Il n’y a pas de calcul chez lui. Il prend le temps de discuter avec les nouveaux. Il leur propose ses services. Il l’a fait avec Ibrahimovic, mais également avec Lavezzi, Pastore, Sirigu ou encore Van der Wiel et il est maintenant très proche d’eux."
Ancien du PSG également, Grégory Couplet y va de son coupet (ou l’inverse): "C'est quelqu’un de vrai, simple, humble, qui n’est pas flambeur." On l’aura compris “Papus” c’est le pote idéal, le rêve de tout entraîneur. Laurent Blanc confirme: "Papus a un état d’esprit irréprochable. Quand il joue, il fait son match. J’adore ce genre de joueur. Vous ne tremblez pas quand vous jouez avec lui." Bref, un Bisounours on vous dit.
Certes, les aigris et les malotrus argueront qu’avec son salaire, son âge et son niveau, il serait malvenu qu’il soit mécontent de son sort. Ils rajouteront fielleusement qu’il a gardé sa place dans l’effectif grâce à ses compétences... linguistiques, en anglais et en italien, et qu’il est en quelque sorte le traducteur officiel de l’équipe depuis l’arrivée massive de la constellation d’internationaux. Halte là messires, on a connu des profils identiques qui se sont comportés comme des sagouins. Pas Zoumana, qui prend ce que la vie lui donne sans rien réclamer et tend toujours la main à son prochain. Pour toutes ces raisons, parce qu'il roule en Smart, et aussi parce qu’un international (une sélection lors de la Coupe des confédérations 2001) Ballon d’Eau fraîche, ça aurait de la gueule, votez “Papus”!
Point fort
Rien à perdre. Sa présence est déjà une victoire: celle obtenue dans les éliminatoires de la "zone Camara", aux dépens de Souleymane, pour désigner le représentant en phase finale.
Point faible
Menace l’indépendance du site. S’il l’emporte, le Qatar rachète les Cahiers et Jerôme Latta est propulsé animateur sur beIN Sports aux côtés d’Alexandre Ruiz.
Le slogan de campagne
“Habemus Papus.”