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Autoportrait craché : Jacques-Henri Eyraud – Le président de l'OM est dans la tourmente, mais s'il est critiqué, c'est qu'il est mal compris.
Extrait du numéro 5 de la revue des Cahiers du football.
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J'me présente, je m'appelle Jacques-Henri. Chief executive officer at Olympique de Marseille, entrepreneur, investor, business angel: ça, c'est mon "résumé" sur Linkedin. À prononcer avec l'accent. Mais pas celui de l'Estaque ou de Belsunce, non: plutôt celui de Harvard, où j'ai passé mon MBA en 1998.
Car j'ai beau surjouer le Marseillais d'adoption, chanter par cœur un couplet d'IAM à un journaliste de Libé ou rappeler que j'ai fait mon service militaire à Carpiagne, à deux pas de Cassis, je dois bien l'admettre: j'ai un parcours plus classique.
Jacques-Henri Eyraud et un inspirational model.
Au turf
Né en plein Paname, Dauphine, Sciences Po… j'ai le parfait profil du Parisien pur jus. Quand même pas du genre Supras Auteuil ou Tigris Mystic: le foot est arrivé un peu par hasard dans ma vie. Ma grande passion sportive, c'était plutôt le taekwondo. Quand j'ai dit que j'avais été membre de l'équipe de France dans ma jeunesse, des petits malins sont allés vérifier. Et j'ai dû produire mes convocations aux stages nationaux: j'ai pas une gueule de winner?
Niveau professionnel, j'ai attaqué côté entertainment, à mes débuts dans les années 90. Chez Disney d'abord et au club Med ensuite. Du management, de la com: partout dans la rue, j'voulais qu'on parle de nous. Le grand virage vers le sport, je l'ai entamé ensuite, au début des années 2000. Avec Patrick Chêne, "la voix du Tour", j'ai créé Sporever.
Comme j'ai récemment dû le rappeler à la presse, qui semblait me prendre pour un bleu du ballon: "Nous avons été les premiers à diffuser des matches de Ligue 1 en direct sur téléphone mobile". Disruptif avant même l'invention du terme, quoi. Sur ma lancée, j'ai tenté ma chance côté hippique, à l'aube des années 2010. "Le turf, c'est le projet de ma vie", j'ai dit.
Logiquement, je suis devenu actionnaire majoritaire de Turf Éditions. Je voulais faire des tubes et que ça tourne bien, mais j'ai eu plus de mal à disrupter chez les canassons: ça fait maintenant des années que j'essaie, en vain, de me désengager. Et la boîte a finalement subi une procédure de redressement judiciaire devant le tribunal de Bobigny. Pas vraiment Champions Project? Ah, vous voulez qu'on parle de l'OM!
OM Way
C'est le projet de ma v… oui, bon, je l'ai déjà faite. Alors disons plutôt que c'est mon "OM Way, cette dimension culturelle qu'on apprécie tant, avec Franck McCourt". Attention: pas la dimension culturelle façon Plus belle la vie, embrouilles sur le Vieux-Port et recrutements anigo-courbissiens. Non, plutôt une autre dimension (la quatrième), pour Marseille: agilité, management transversal… la start-up nation adaptée à L'OM. L'OM Nation? Tiens, ça sonne bien.
Bref, on est venu pour professionnaliser le club, mettre un peu de PowerPoint dans le Pastis 51. Avec mes étudiants de Sciences Po, à qui je donne des cours d'initiation à l'entrepreneuriat, "je mets en œuvre cet exercice utilisé à Stanford, qui consiste à confier dix euros à huit groupes de dix étudiants chacun, et à leur demander de revenir la semaine suivante avec le maximum d’argent".
À l'OM, j'ai fait un peu pareil: j'ai distribué les billets de McCourt dans toute l'Europe et je suis revenu avec Nemanja Radonjic, Valère Germain et Patrice Évra. C'était mon initiation à moi. Depuis, j'ai bu quelques tisanes, et je me suis calmé sur les dépenses. L'argent est même devenu un petit sujet de tension.
Avec Bertrand Desplat, le président de Guingamp, on s'est un peu chicanés sur le prêt garanti par l’État au début de la crise sanitaire. Il a menacé de me "casser la gueule". J'ai hésité à lui envoyer mes convocations aux stages de l'équipe de France de Taekwondo, à lui aussi.
J'ai parfois peur de ne pas être bien compris, en fait. Je l'ai dit après le Sport Innovation Summit, le colloque sur les innovations dans le sport, où j'avais proposé que les buts marqués à l'extérieur de la surface comptent double: "Le monde du football est très conservateur".
Mais si c'était à refaire, je recommencerai. Et puis l'année d'après, je recommencerai. "Keep up the good work", comme j'aime à le répéter sur Linkedin.
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