Buffon, un deuil Nazionale
La non-qualification de l’Italie à la Coupe du monde 2018 précipitera les adieux de Gianluigi Buffon. La fin d'une histoire très particulière entre le meilleur gardien de ces dernières décennies et sa sélection nationale.
L’image de Buffon pleurant et s’excusant de l'élimination de l’équipe d’Italie du Mondial 2018 figurera certainement parmi les plus fortes de cette année de foot 2017. On aurait tous aimé revoir une dernière fois Gigi garder les cages de la squadra azzurra dans un tournoi final, et peut-être même le voir égaler Dino Zoff dans le livre des records – et surtout dans l’imagerie populaire.
"Je suis désolé, désolé, désolé"
Dans le cercle très fermé des immenses champions du foot, il existe un autre cercle encore plus étroit, celui des chics types, des joueurs qu’on admire pour leurs performances mais surtout pour la dimension humaine qu’ils donnent à la pratique de leur métier.
Il a encore prouvé, s’il en était besoin, qu'il appartenait à ce cénacle, juste avant ce qui sera son ultime sélection quand il se mit à applaudir l’hymne suédois que le public de San Siro sifflait bruyamment. Il avait déjà réagi ainsi à l'occasion du match de septembre 2016 face à la France, entraînant ses coéquipiers et le public dans son soutien.
Il a d’ailleurs placé la tristesse collective de cette non-qualification à la prochaine Coupe du monde avant la sienne: "Je suis désolé, désolé, désolé. Pas pour moi mais pour tout le football, parce que nous avons échoué et même d'un point de vue social, ça peut être vraiment important. C'est le seul regret que j'ai. Pas d'arrêter, parce que le temps passe et que c'est normal que ça se passe comme ça".
"Comme si ma tête ne m’appartenait pas"
Buffon suscite un respect qui transcende les années et traverse les frontières, et son plus illustre confrère, Iker Casillas, a exprimé sa tristesse de le voir terminer sa carrière internationale. Celui qui a été le portier emblématique de l’Italie pendant toutes ces années, et qui est devenu le recordman européen des sélections (175 capes), possède un charisme aussi unique que son état d’esprit.
Il dit avoir pourtant manqué de ces valeurs humaines auxquelles on l'associe au moment de sa dépression, lors de cette période au cours de laquelle il se sentit comme hors de lui: "C'était comme si ma tête ne m’appartenait pas; comme si elle était constamment ailleurs". Il est par exemple le seul à sourire après Italie-Danemark à l’Euro 2004, match qu’il définit pourtant comme "horrible".
Buffon prend alors conscience du caractère superficiel du football et de sa vie, se mettant à la recherche de ces valeurs humaines pour s'extraire de ce passage difficile.
"Et pourquoi pas plus encore ?"
À ses débuts avec la Nazionale, Gigi était pourtant sûr de lui, voire impétueux. Sa première sélection fut d’ailleurs un barrage de qualification pour la Coupe du monde 1998, disputé en… Russie. Aux questions des journalistes qui lui demandaient alors s’il pensait un jour atteindre le niveau de Lev Yachine, il répondit: "Et pourquoi pas plus encore?" Lors du tournoi en France, il est recadré par Cesare Maldini après qu’il a exprimé son mécontentement sur l’utilité de s’entraîner alors qu’il n’était que troisième gardien.
Si c’est avec ce maillot azzurro qu’il a définitivement gagné ses lettres de noblesse lors de l’été 2006, avec notamment son arrêt inoubliable sur la tête de Zidane en finale, il aura aussi connu de grandes désillusions sous ces couleurs. Une blessure l'empêche de jouer l’Euro 2000 que l'Italie gagne presque – à un ongle près de Francesco Toldo, pourtant héroïque lors du tournoi.
Buffon est de l'équipe titulaire qui se fait éliminer par la Corée du Sud en 2002, dans les circonstances que l’on sait. Il se blesse lors du premier match en 2010 et s’incline devant la tête de Diego Godín en 2014 pour une deuxième sortie au premier tour de rang.
Dernier défi
Sa relation avec l’Euro a peut-être été moins déchirante, même si ce trophée s’est toujours refusé à lui et si de chaudes larmes ont accompagné l’élimination face à l’Allemagne, aux tirs au but, en 2016. Buffon a été très performant en 2008 et 2012, sorti par l’Espagne à chaque fois, non sans délivrer des arrêts de grande classe. Il repousse d’un double réflexe stupéfiant main-pied le penalty du Roumain Adrian Mutu qui laisse l’Italie dans la course avant de rencontrer la France lors du tournoi austro-suisse, et détourne une frappe lointaine de Khedira par une magnifique envolée en demies à Varsovie.
C’est donc sur un tir dévié lors du barrage aller en Suède que Buffon aura encaissé son dernier but avec cette équipe d’Italie. On peut ressentir comme une déchirure le fait de ne plus le voir porter cette tunique qui l’a consacré. Mais Buffon fait confiance à la nouvelle génération de gardiens. La succession à ce poste gardera peut-être le prénom Gianluigi, avec le très prometteur Donnarumma.
Il reste tout de même à Buffon un ultime défi avec la Juventus: remporter la C1. Zoff s’y était également cassé les dents lors de sa dernière saison; lui a déjà échoué trois fois en finale, dont deux récemment, en 2015 et 2017. Un obstacle peut-être insurmontable, mais un challenge à la hauteur de la carrière de cet immense bonhomme.