Gianluigi Buffon : revoir Berlin...
Il manque encore la Ligue des champions à Gianluigi Buffon. La conquérir enfin cette année, à Berlin, lieu de son plus grand couronnement, accomplirait encore davantage la carrière du portier italien et en particulier son histoire avec la Vieille Dame.
Gianluigi Buffon est déjà un gardien de légende. Malgré les controverses, sa place semble assurée au panthéon des plus grands portiers, tant sur le plan sportif, du palmarès que de la complète maîtrise du poste. Footballeur abouti, Buffon n’a pourtant pas tout gagné. Particulièrement la Ligue des champions, titre majeur en club qui lui a échappé de peu en 2003. La Juve retrouve le dernier carré de la compétition pour la première fois depuis douze ans, justement, dans la position claire d’outsider face au Real Madrid. Mais la perspective de revoir Berlin, pour la finale du 6 juin, est assez excitante pour que le natif de Carrare écrive un autre chapitre glorieux de son immense carrière.
Effacer Manchester
Quand Alessandro Nesta s’élance pour le quatrième tir au but rossonero de cette finale de C1 2003, Buffon est pourtant sûr de lui, convaincu d’arrêter la tentative du défenseur du Milan AC, comme il vient de le faire face à Clarence Seedorf et Kakha Kaladze. Le ballon part sur sa gauche, précisément là où il a plongé. Mais à mi-hauteur, tandis qu’il avait choisi de se coucher. Le cuir passe au-dessus de lui et finit au fond des filets. Alors, lorsque Andriy Shevchenko a au bout du pied le titre, Buffon est "déjà dans les vestiaires, l’adrénaline [l’]ayant définitivement quitté". Le rival lombard remporte sa sixième Ligue des champions et la Juve chute encore en finale. L’échec est très dur à vivre, entraînant lentement mais sûrement Buffon dans une longue dépression dont il ne se défera qu’en juin 2004. Après la rencontre, dans les couloirs d’Old Trafford, cigarette à la bouche, sa peine et sa colère sont immenses: "P..., quand aurai-je à nouveau une chance comme celle-ci?"
Le 9 juillet 2006, la panenka de Zinédine Zidane ne le sort pas du match. Il est vigilant devant Thierry Henry et, surtout, il sort à la 103e minute l’arrêt le plus important de sa carrière sur la tête du capitaine français. Un moment pivotal, à l’image de la détermination et de la progression d’un Buffon devenu homme entre-temps. Ce Mondial allemand le consacre définitivement parmi les plus grands gardiens de l’histoire. Le stade olympique de Berlin, qui accueillera les derniers prétendants à la C1 le 6 juin prochain, est donc le théâtre du moment le plus prestigieux de sa carrière. Pas le dernier d’une finale internationale, cependant, puisque Buffon chutera lourdement (0-4) à Kiev contre l’Espagne lors de l’Euro 2012.
Depuis le 28 mai 2003, la Ligue des champions n'a offert que de rares bons moments à la Juve. Avant la rétrogradation en Serie B, elle n'a jamais franchi les quarts, chutant à ce niveau face à Liverpool en 2005 et Arsenal en 2006, subissant entre les deux la loi du Depor en huitièmes de l’édition 2004. Les Bianconeri retrouvent la compétition en 2008/09, s’offrant deux fois le Real Madrid (2-1, 0-2) en phase de poules. Mais Chelsea est trop fort, comme le sera le Bayern en 2013, alors que la Juve retrouvait enfin les quarts après avoir justement battu, chez elle (3-0), les champions en titre londoniens au premier tour. Cap qu’elle a d’ailleurs été incapable de franchir en 2010 et la saison dernière.
Vaincre les ogres
Malgré le Calciopoli, la rétrogradation en Serie B, un statut de champion du monde et les sollicitations de l'AC Milan, Buffon est resté à Turin, se sentant "énormément redevable" envers la Juventus. Il n’en a plus bougé depuis et y effectuera probablement son chant du cygne. La Vieille Dame est depuis quelques saisons en progression, à la fois en Serie A et en C1. Basée sur une tactique et un plan de jeu cohérents, son évolution devra désormais faire face à une adversité a priori plus forte et plus aguerrie à ce genre de joutes, même si elle possède dans son effectif des joueurs d’expérience – ou vieillissants, c'est selon – à l’image d’Andrea Pirlo.
Quoi qu’il en soit, Buffon reste encore aujourd’hui un portier complet, compétent et compétitif, comme l’a prouvé le quart de finale contre Monaco. Appliqué dans ses prises de balle, juste, rassurant et judicieux dans ses sorties, il a surtout empêché à l’aller une ouverture du score précoce devant Yannick Ferreira-Carrasco avec un arrêt réflexe digne de ses plus grandes heures, dénotant son affiliation à l’école italienne des gardiens forts sur leur ligne. Un plongeon explosif sur sa gauche qui n’est pas sans rappeler sa parade exceptionnelle sur la tête de Filippo Inzaghi, lors de la finale de Manchester. Celle qu’il considère d’ailleurs comme sa plus belle.
Le plateau des demi-finales de cette C1 regorge de belles histoires, comme le duel entre Pep Guardiola et le Barça. Mais voyons plus loin. Celle de Buffon remportant enfin, à Berlin, ce trophée avec la Juventus, vaut aussi clairement le détour. Il tracerait ainsi un itinéraire rare du sommet raté vers la chute en Serie B, puis vers la lente reconquête. Il faudra déjà, à l’issue des demi-finales retour, qu’il puisse dire, comme le journaliste italien Fabio Caressa et Giuseppe Bergomi se lâchant au soir du 4 juillet 2006 après le but d’Alessandro Del Piero face à l’Allemagne: “Andiamo a Berlino!”