Feuilles de match et feuilles de maîtres
Qui a dit que football et littérature étaient incompatibles ? Voici le forum où vous pourrez parler de vos lectures récentes et anciennes, liées ou non avec le ballon rond.
Un conseil de lecture ? Une bonne librairie ? =>> "You'll never read alone", le Gogol Doc: http://bit.ly/11R7xEJ.
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Balthazar le 02/12/2021 à 13h48Tiens, on parlait hier, sur un autre fil, de journalisme et de langue française.
Je lis sur le site du Monde :
"Vichy et les juifs : l'historien Robert O. Paxton répond à Eric Zemmour, dans un rare entretien au « Monde »"
Cet usage du mot "rare" est tout récent, non ? Je le trouve insupportable. C'est bien simple, ça m'énerve encore plus que les gens qui disent "in fine" à l'oral.
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Pascal Amateur le 02/12/2021 à 14h11Non, non, non, l'entretien est vraiment "rare", c'est-à-dire que Paxton ne donne quasi plus d'interview - il est vrai que le bonhomme se fait assez âgé désormais, 89 ans ! Donc c'est une rareté réelle, ce qui devient moins fréquent, peut-être.
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Maniche Nails le 02/12/2021 à 14h16La requête "rare entretien" dans l'onglet Actualités de Google, avec affichage des résultats par date, montre clairement une explosion à partir de fin 2018. Si l'expression semble d'abord utilisée par la presse People (rare entretien de David Hallyday, de Julie Gayet, Diam's, etc) comme une stricte alternative aux tics non moins déplaisants de l'"entretien exclusif" ou de l'"entretien inédit", elle est progressivement reprise par la presse plus chic avec un pic notable cette dernière semaine: Le Monde donc, mais également L'Express et Libé ont pu nous gratifier d'un rare entretien.
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Maniche Nails le 02/12/2021 à 14h18(Vous apprécierez j'espère ce magnifique anglicisme "gratifier quelqu'un")
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Pascal Amateur le 02/12/2021 à 14h25Un anglicisme qu'on retrouve au XIXe siècle ? "Un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien" (Baudel., Poèmes prose, 1867)
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Pascal Amateur le 02/12/2021 à 14h33Ou "S'il vous plaît de m'honorer de votre compagnie, de me gratifier de votre présence" (Flaub., Corresp., 1844), c'est proche, non ?
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Maniche Nails le 02/12/2021 à 14h36Moui, le sens dérivé du verbe to gratify semble plus spécifique d'après le Larousse (procurer à quelqu'un un plaisir, une satisfaction psychologique, et en particulier narcissique).
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Pascal Amateur le 02/12/2021 à 14h39Il y a des mots qui sont passés du français à l'anglais, avant de revenir au français dans un sens différent, peut-être est-ce le cas de ce "gratifier"?
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Balthazar le 02/12/2021 à 14h50Ah c'est instructif, merci. Donc on est vraiment foutus depuis cette semaine, c'est bon à savoir.
Pascal, il me semble que même si quelqu'un donne rarement des entretiens, on ne peut pas dire le jour où il le fait (enfin, on ne pouvait pas dire avant cette semaine) que c'est un entretien rare, et encore moins un rare entretien. Dire cela c'était plutôt signifier, jusqu'à la semaine dernière, que cet entretien se trouvait sur un support difficile à dénicher : un disque rare, un concert rare, un objet rare... (Et d'ailleurs dans aucun de ces cas on ne peut, à mon sens, antéposer l'adjectif.)
Ce qu'on a toujours pu dire, c'est : "dans les rares entretiens qu'il accorde, l'historien Robert O. Paxton insiste sur, etc." À la rigueur : "dans ses rares entretiens, etc." Mais pas "dans un rare entretien au Monde". Tu ne sens pas que quelque chose cloche ?
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Pascal Amateur le 02/12/2021 à 15h03Ah oui, je vois maintenant la différence, l'expression juste devant être "dont les entretiens sont rares" ; mais j'y vois davantage de la préciosité qu'un vocable mal employé. Disons que le "rare" demeure dans son sens de moindre fréquence, et non comme unique synonyme d'"exceptionnel" – Le Monde précisant très vite que les interviews de Paxton sont désormais données au compte-gouttes. Je distinguerai donc de la presse pipole et de son rare David Halliday (dont la rareté est une autre joie).