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L'an passé, nous avions réalisé un petit dossier sur les rapports entre le foot et Internet (Droits Internet: la bataille a commencé, 18/04/2000 et Football, information et Internet, 02/05), au moment où les sites se multipliaient, où les industriels de la communication se disputaient un appétissant gâteau. Depuis, le soufflé est nettement retombé, et les interrogations actuelles sont plus inquiètes.
Les clubs réalisent que leurs sites ne peuvent rien leur rapporter dans l'immédiat, si ce n'est éventuellement en termes d'image, et ils ont quelques difficultés à se rendre compte que les premiers bénéficiaires de la communication en ligne devraient être les internautes eux-mêmes, qui se voient offrir des moyens directs et diversifiés d'accéder à l'information. Pour un club, un site officiel peut être un outil de promotion, pas encore un "centre de profit".
Les dirigeants français, en reprenant possession de la Ligue, pensaient pouvoir extraire les droits Internet du paquet des droits de télévision, et surtout monnayer cette nouvelle manne. Mais en l'état actuel des choses, considérant que le marché publicitaire est encore beaucoup trop restreint, les éventuels revenus de ces nouveaux marchés restent hypothétiques pour longtemps encore, et les investisseurs ne vont plus se bousculer au portillon (le "modèle gratuit" sur le web bat sérieusement de l'aile). Tant que les technologies ne permettent pas la diffusion massive d'images vidéo, les web-dollars du Club Europe restent très virtuels.
Des doutes similaires touchent les sites de joueurs, que quelques grandes entreprises s'étaient disputées. Aujourd'hui, CanalNumedia (filiale de Canal-Vivendi et du groupe J.-C. Darmon) abandonne son écurie de champions du monde à Athlete Line pour ne conserver que celui de Zidane et tenter de développer sa plate-forme de sites de clubs. Il faut dire que les sites de joueurs, outre qu'ils tendent vers un culte assez individualiste, ne peuvent être de constants centres d'attraction. Seule la possibilité offerte aux footballeurs de gérer eux-mêmes leur communication (Anelka en donne un bon exemple) a sensiblement modifié le paysage et présente quelque intérêt.
Les instances devraient avoir le même souci d'améliorer l'information des amateurs de football, mais leurs efforts restent très symboliques. Le meilleur exemple, souvent cité ici, est celui du site de LNF, qui ne donne toujours pas la composition des différentes Commissions et services de Ligue, ni l'intégralité de ses règlements. Après le "droit à l'information", il serait judicieux de parler d'un "devoir d'information", qui devrait concerner n'importe quelle entreprise ou organisme, sous forme d'une obligation à livrer au public toutes les informations sur ses structures et son activité. On en est très loin, ce qui traduit l'habituel mépris dans lequel sont tenus les amateurs de foot, réduits à l'état de consommateurs (de télé, d'abonnements, de publicité, de produits dérivés, de "spectacle"…).
Enfin, l'arrivée massive de sites sportifs n'a malheureusement pas révolutionné grand chose dans le monde du journalisme spécialisé. L'offre s'est apparemment multipliée, mais le contenu est restée désespérément uniforme, et l'on retrouve en ligne les mêmes informations et le même traitement que dans les médias traditionnels, sur des sites qui semblent clonés les uns sur les autres. En bonne logique libérale, la concurrence n'est qu'économique et n'implique aucune distinction des contenus: tout le monde fait la même chose au même moment. Pire, il faut bien reconnaître que le niveau a baissé par rapport à une presse écrite pourtant ni très brillante ni originale: style approximatif, tendance à accréditer les rumeurs, absence de sens critique, investigations nulles etc… Jusqu'à l'interactivité qui reste largement symbolique, doublée d'un "égoïsme" très éloigné des principes initiaux du web: allez chercher des liens vers les concurrents sur tel ou tel site…
Seul Yahoo! Football remplit toujours son rôle de carrefour, et met véritablement à disposition une information riche et diversifiée (merci aux dépêches d'agence, dont la qualité fait contraste avec celles des sites spécialisés), laissant une large autonomie à l'internaute. Pour le reste, le marché semblé déjà saturé, et les premiers renoncements pourraient se produire bientôt si les grands groupes qui ont investi se prennent à douter de la rentabilité du secteur.
En attendant une éventuelle nouvelle génération (autour de la Web TV?), l'avenir semble bien plat.