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Avaler les sifflets

Les pros de l'indignation et le gouvernement disputent aux siffleurs de France-Tunisie la palme de la bêtise.
Auteur : Jamel Attal le 16 Oct 2008

 

Était-ce couru d'avance? Les réactions aux sifflets n'étaient-elles pas aussi prévisibles que les sifflets eux-mêmes, auxquels on a unanimement tendu la perche et les micros? Pas si sûr, si l'on se rappelle que ceux de France-Maroc (lire "Le coup des sifflets") avait été très discrètement commentés en comparaison de ceux de France-Algérie (lire "Drame mineur sous les projecteurs") ou de Bastia-Lorient (lire "La république et les sifflets"). Déjà, la saison passée, l'affaire Ouaddou puis celle de la "banderole anti-Ch'tis" avaient souligné cette versatilité des réactions: ces deux événements avaient été médiatisés avec une disproportion et un pathos qui masquaient l'existence d'innombrables précédents n'ayant pas suscité l'ombre d'une réaction (1).

Alors, qu'est-ce qui explique qu'un événement provoque l'emballement de la machine, et pas un autre très semblable? La question comporte une partie de la réponse: l'élément déclencheur n'est finalement qu'un prétexte, et ce qu'il déclenche en dit infiniment plus long sur l'état pitoyable de notre démocratie médiatique.


sifflets_laporte_hamel.jpg"Délocaliser" le problème
Que nous y soyons préparés ou pas, le football nous surprend une nouvelle fois avec son incroyable faculté à se prêter à des délires collectifs et à une instrumentalisation politique éhontée, entraînant la quasi-totalité des acteurs dans une stupidité qui repousse ses propres bornes. Car foin de périphrases et d'euphémismes: c'est bien une bêtise sans fond, une bêtise institutionnelle que notre époque récompense chez ceux qui ont le pouvoir et la parole.

On peine même à dégager une hiérarchie dans le brouet des réactions à l'affaire. On peut certes saluer Frédéric Lefèbvre, porte-parole de l'UMP, qui en profite pour réclamer... l'arbitrage vidéo, ou rester coi devant la déclaration très France des années 50 de Jean-Claude Hamel (à regarder ici).
Mais la palme revient légitimement à ceux qui nous gouvernent. D'un côté Bernard Laporte, qui a souhaité "délocaliser" le problème en organisant les matches à risque "chez eux, ou alors en province". De l'autre, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, qui prône plus radicalement, à l'Assemblée, la suppression des matches amicaux "avec les pays responsables, avec les pays concernés".


Interruption volontaire
Mais le cœur de l'action gouvernementale a résidé dans une "mesure phare" (qui tient probablement son nom de sa capacité à aveugler le chaland), suggérée le matin par le Premier ministre et annoncée par le président de la République quelques heures plus tard. Qu'on se le dise: à l'avenir en pareil cas, les matches seront annulés. Une décision encore plus inadaptée et inapplicable que les précédentes, dont les conséquences peuvent être parfaitement désastreuses s'il s'agit d'évacuer des dizaines de milliers de personnes dans un stade – sans parler des imbroglios sportifs ou des effets pervers qu'elle susciterait inévitablement (2).

Aux inquiétudes de Jean-Pierre Escalettes ("On ne peut pas prendre cette décision comme ça, sans avoir des garanties sécuritaires. Moi, je balance pas 50.000 personnes dans les rues comme ça, sans que les choses aient été prévues à l'avance"), Nicolas Sarkozy a répondu: "L'État assumera". Cela signifie-t-il que la force publique assumerait des émeutes dans lesquelles elle pourrait difficilement nier avoir une grande part de responsabilité?
Cerise sur le gâteau: les membres du gouvernement seront sommés de quitter l'enceinte aux premiers sifflets souillant Rouget de Lisle... On ne saurait mieux assurer aux siffleurs une pleine et entière reconnaissance.


sifflets_hymne.jpg


Occuper le terrain
Loin d'ignorer ces sifflets, on pouvait justement s'y intéresser d'un point de vue politique, en se souvenant que le gouvernement Raffarin et son remuant ministre de l'Intérieur, obéissant bien avant Rachida Dati à la règle "un fait-divers = une loi", avait fait voter un texte contre les outrages aux symboles nationaux – outrages qui devaient cesser dans la France d'après. Une loi dont on a pu, une nouvelle fois, vérifier le caractère disproportionné (de tels faits restant rares) et l'impossibilité pratique de l'appliquer. Les membres du gouvernement qui se sont agités ce mercredi ont donc grossi un délit qu'ils ont créé mais qu'ils s'avèrent incapables de réprimer.

Peu importe – du moins aussi longtemps que les citoyens avaleront et régurgiteront ces grosses ficelles –, les mesures de ce genre suivent leur logique démagogique jusqu'au bout: il s'agit d'occuper le terrain médiatique et non de résoudre des problèmes qui pourront encore servir, plus tard, aux mêmes numéros de cirque (lire "Sarkozy bloqué au même stade") (3).


Une connerie à faire
Les sifflets sont en définitives encore plus regrettables pour les réactions qu'ils suscitent que pour la pensée simpliste qui les déclenche – pensée témoignant d'un rétrécissement de la conscience politique à des formes inarticulées. Inutile, d'ailleurs, de sociologiser à l'envers en cherchant des excuses ou un sens à cette manifestation ("l'expression d'un malaise"), les problèmes dont elle témoigne si mal sont ailleurs, bien plus complexes que les sempiternels lieux communs sur "l'intégration".

Sans nier la responsabilité individuelle de ces néo-délinquants qui menacent si gravement l'ordre public (4), il faudrait commencer par se demander pourquoi siffler la Marseillaise est devenu une connerie à faire, dans des conditions idéales pour que ce "geste" obtienne un écho démesuré. Le problème devient tout de suite plus complexe et intéressant, comme l'illustre l'interview du sociologue Williams Nuytens sur lemonde.fr.


Faire diversion
Le processus consiste à accorder à une imbécillité minuscule (en comparaison par exemple de celle, incommensurable, des inventeurs des crédits à subprimes), l'honneur d'une parade grotesque menée par les élus, éditorialistes et autres philosophes jetables qui se livrent à la curée sans avoir mené la moindre enquête ni amorcé la moindre analyse. Comme si l'on réagissait désormais aux faits sociaux comme aux erreurs d'arbitrage: avec la même capacité de recul.

Cette explosivité médiatique des micro-événements du football indique la place démesurée accordée à ce sport dans la hiérarchie de l'information et des priorités de nos responsables politiques, mais aussi sa remarquable capacité à faire diversion. L'arrivée d'une crise économique grave dont les origines remettent profondément en cause l'idéologie dominante depuis trente ans, fait écho, à la petite échelle du ballon rond, à la crise de gouvernance que traversent les instances du football professionnel. Autant dire que les intéressés trouvent leur intérêt dans cette belle occasion de détourner l'attention.


(1) On peut aussi souligner que les sifflets qui ont pu être émis contre la Marseillaise en Italie ou en Israël n'ont pas suscité d'indignation particulière.
(2) En soirée, Roselyne Bachelot, a réduit la portée de l'annonce en précisant que l'arrêt des matches relèverait de la décision de la Fédération et ne concernerait que les matches amicaux.
(3) N'oublions pas de saluer la traditionnelle lâcheté idéologique du PS et de ses représentants, qui ont avalisé les mesures annoncées sans oser souligner leur absurdité ni leur façon de frapper à côté du problème.
(4) Notons que rares sont ceux qui cherchent à connaître le point de vue des principaux intéressés, qui n'existent plus que sous la forme d'un stéréotype de coupable dont on prétend connaître les mobiles. Les Tunisiens ou Franco-tunisiens qui n'ont pas sifflé ou ont désapprouvé les sifflets du Stade de France n'ont pas voix au chapitre, la question de la proportion des siffleurs et des non-siffleurs n'est même pas posée.

Réactions

  • Troglodyt le 16/10/2008 à 12h38
    Edji, comme je l'ai déjà dit, je connais trop bien la prison pour vouloir l'éviter à tous ceux à qui elle n'est pas strictement nécessaire.

    Mais dans les réactions de tout le monde, ce qui me sidère est qu'on ne parle que des réactions (excessives et tout et tout, je suis d'accord, je l'ai dit), sans que personne, pas même la Rédac (avec l'article de laquelle je suis globalement d'accord, si ce n'est cet oubli), ne dise que siffler l'hymne est scandaleux.
    Quels que soient les motivations, l'absence de motivation, les auteurs, le lieu.

    La République, c'est nécessairement quelque chose de déconnecté de la réalité, parce que ça dépasse la réalité. C'est un idéal, qui ne tient qu'à ses symboles.

    L'Etat français (pas Vichy, hein) n'a pas toujours (voire a rarement) été fidèle à cet idéal, mais cette idéal doit être une main courante de laquelle il ne faut pas trop s'éloigner lorsque vous et moi construisons chaque jour l'histoire de la France.

    L'inimitié générale, voire lé dégoût, envers les pouvoirs publics en place - sentiment que je partage grandement -, ne doit pas suffir à légitimer des atteintes manifestes à la République.
    Car la République, c'est vous, ce n'est pas Sarkozy. Il n'y a aucun lien, si ce n'est la place relative et momentanée de Sarkozy au pouvoir.
    Confusion regrettable, et qui empêche le débat.

    Comme vous je suis tous les jours confronté à la réalité, et je sais bien que les symboles ne nourrissent ni ne logent personne. Moins en encore que ces horribles politicards - tous confondus.
    Mais mince, et peu m'importe que vous puissiez trouvé ce sentiment irrationnel, j'ai un idéal de la France - qui n'est pas celle dans laquelle je vis aujourd'hui - qui m'impose une certaine position vis-à-vis de la République et de ces symboles.
    C'est une "religion" qui a fait des morts, mais moins que les autres (les "vraies" religions), et souvent pour la bonne cause.

    Maintenant, réduisez moi à un fanatique, un chevènementiste, voire à tout autre qualificatif extrémiste qui vous brûlent les lèvres.
    Nous ne sommes pas d'accord et ce n'est pas grave. Je trouve juste cela un peu triste.

    Juste pour en terminer, je trouve ma position moins totalitaire que la relecture que certains font de mon message, personne ne lisant que ce que je défend, ce n'est pas la réaction des politiques, mais le fait que beaucoup d'entre vous ne condamnent pas ces sifflets.
    Symptomatiquement, la réponse de Loul, qui me cite en supprimant la partie de mon message où je dis que justement, toutefois, mieux vaut peut-etre laisser la Marseillaise se faire siffler (tout en le regrettant fermement) que d'offrir l'occasion d'un nouvel affrontement police/supporter, qui n'a pas besoin de cela pour avoir lieu.

  • Monsieur Jo le 16/10/2008 à 12h40
    je peux comprendre Edji.

    Moi, le coté pseudo frondeur ne m'a pas fait rire. Il m'a navré.
    C'etait lache et stupide.

    Quand à anticiper les réactions qui ont suivi, je dois avouer que je n'ai pas assez d'imagination pour prévoir la crasse imbécillité des propositions faites.
    Je ne sais plus qui a dit que même au café du commerce, le dernier des poivrots n'aurait pas osé.
    La qualité de nos gouvernants est affligeante, mais sans doute avons nous ce que nous méritons.

    Enfin, un dernier regret. Il est pour ceux qui sont allé au stade pour faire la fête. Parce que c'est rudement sympa un stade qui communie au dela de l'opposition sportive.

  • Monsieur Jo le 16/10/2008 à 12h42
    Je précise juste que je suis d'accord avec chaque mot de Troglodyt.

    Viens mon Troglo! On va se... siffler une bière tous les deux.

  • Facile à shooter le 16/10/2008 à 12h47
    Ah, je suis content que quelqu'un partage mon avis sur le fait que jouer ce genre de matchs en province pourrait être une idée à creuser...

    L'argument de Laporte est que son expérience de la même situation dans le rugby montre qu'un déplacement de l'équipe nationale dans une ville qui n'a pas l'habitude de la recevoir créé une atmosphère de fête considérablement plus élevé qu'à Saint Denis, où un match de l'équipe de France est relativement banal. Je ne vois pas en quoi c'est idiot de dire/penser ça.

    Après, ça déplace le problème plus que cela ne le résoud. Mais est-ce que c'est le football qui doit prendre en charge des problématiques aussi importantes que les symboles de la République, le sentiment d'intégration (ou non) ou la représentation de la classe politique dans les couches populaires ? Non, je ne crois pas.

  • thibs le 16/10/2008 à 12h47
    Tout pareil que Jo sur Troglo. Les réponses qu'on te donne ne semblent pas à la hauteur de tes posts.

  • Edji le 16/10/2008 à 12h48
    Troglodyt, je t'ai bien lu, et crois avoir bien compris ta position, notamment le fait que tu aies condamné tout autant que nous les réactions politiques pitresques.
    Mais effectivement, je suis en désaccord avec toi sur la portée de ces sifflets et leur caractère prétendûment scandaleux.
    Quant au qualificatif de chevénementiste, je l'avais assorti d'un *smiley*, sincèrement désolé s'il t'a choqué, mais le fait de voir la République en danger m'a furieusement fait penser au discours habituel de l'homme politique en question...

  • Diablesse Rouge le 16/10/2008 à 12h48
    J'ai une question (peut-être idiote ou naïve). Dans vos réactions, vous parlez, nombreux, de la République. La France c'est systématiquement la République? Je sais que c'est votre régime politique mais les deux sont-ils indissociables? Pour faire un nouveau parallèle avec le plat pays d'à coty, on a aussi vécu un match "à sifflets". Match amical, Belgique-Maroc. La communauté marocaine est la plus importante communauté d'immigrés en Belgique, ayant dépassé en nombre, il y a un an ou deux, la communauté italienne. Quand on a sifflé la Brabançonne, ça m'a foutu les boules, mais je n'ai pas ressenti ça comme une atteinte à la Monarchie, mais plutôt au pays en tant que tel, avec ses gens, sa richesse, sa culture, son histoire, etc. Est-il totalement inconcevable pour un Français de dissocier France et République?

  • Jean-Noël Perrin le 16/10/2008 à 12h59
    Concernant la délocalisation possible des matchs de l'Équipe de France en province, je suis relativement sceptique quant à l'efficacité de la chose.

    J'ai le souvenir d'un France-Maroc disputé au Vélodrome en mars 99 où le public était en très grande majorité originaire d'Afrique du Nord et où les Bleus avaient été relativement chahutés pendant le match. La Marseillaise n'avait pas été sifflée, mais à l'époque c'était peut-être moins à la mode qu'aujourd'hui vu qu'il n'y avait pas eu les précédents France-Algérie, France-Maroc et Lorient-Bastia (ceci n'est bien sûr qu'une hypothèse).

    Autre souvenir qui ne concerne pas directement l'Équipe de France, celui d'un Brésil-Algérie à La Mosson l'été 2007. Le stade n'était pas plein et l'ambiance plutôt chaleureuse, mais le public était très largement en faveur des Algériens. Je ne sais pas ce qu'aurait donné un France-Algérie à la place, mais pas certain que les Bleus auraient été encouragés...

    Enfin concernant le caractère plus festif car plus rare d'un match en province qu'à Paris, les deux derniers matchs disputés en dehors de Saint-Denis, à savoir France-Équateur à Grenoble et France-Paraguay à Toulouse avaient eu lieu dans une ambiance plutôt terne et assez peu éloignée de ce à quoi on est habitué au SdF. Pas sûr que ce soit donc une solution miracle...

  • Troglodyt le 16/10/2008 à 13h02
    Diablesse

    je n'ai pas ressenti ça comme une atteinte à la Monarchie, mais plutôt au pays en tant que tel, avec ses gens, sa richesse, sa culture, son histoire, etc. Est-il totalement inconcevable pour un Français de dissocier France et République?
    -------
    Les gens, la richesse du pays, sa culture, son histoire, tout cela, c'est ce qu'on peut appeler la Nation.
    La République, c'est la forme organisée de la Nation, selon son idéal (voulu ou imposé) instantané (à une autre époque, ça a été l'Empire, ou la monarchie).
    Quand je dis "République", je pense "France", évidemment. Le mot "République" est venu sur le tapis parce que l'hymne est qualifié de "symbole républicain".
    D'où mes expressions, mais on écrit des thèses à ce sujet, "la République, c'est ses symboles et le peuple qui la fait vivre".

    Pas de problème, Edji, pour le terme de chevènementiste, ni pour celui qui a fait référence à une religion. C'était juste pour noter qu'à être seul j'ai vraiment l'impression de passer pour ce que certains appelleraient, avec toute la connotation négative qu'ils pourraient y mettre, un nationaliste de base. Alors que n'ai vraiment pas le sentiment que mon point de vue soit extrème(-iste).

  • suppdebastille le 16/10/2008 à 13h03
    "Diablesse Rouge
    jeudi 16 octobre 2008 - 12h48
    . Est-il totalement inconcevable pour un Français de dissocier France et République? "

    En fait aujourd'hui en France quasiment tout le monde se dit pro-république y compris les droites les plus dures.
    Forcément on y met un peu ce que l'on veut dans notre République selon nos positions.

La revue des Cahiers du football