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Sexisme : quand le football fait genre

Bibliothèque - Le livre de Sally Freedman Get Your Tits out for the Lads décrit le parcours d'une femme dans un univers du football qui peine à se départir de son sexisme culturel. 

Auteur : Kevin Quigagne le 22 Nov 2023

 

En 2015, Sally Freedman, une Britannique diplômée (licence de psychologie et master en commerce, spécialité gestion du sport), et férue de football, décroche son poste rêvé : responsable du protocole à la Coupe d'Asie des nations 2015, disputée en Australie.

En parallèle, elle entraîne des U16 garçons. D'emblée, elle se heurte au virilisme du milieu et se prend des obscénités. Elle enchaîne par un poste de "Head of fan engagement" au Melbourne City FC, puis par divers rôles de responsabilité. En 2018, elle est engagée par l'UEFA comme chargée de communication.

Le titre ("Montre tes nichons aux mecs") est un chant grivois populaire outre-Manche, beuglé pendant l'Euro 2004 au visage de Freedman (et à d'autres, de multiples fois) dans un bar lisboète bourré de supporters anglais, qui donne le ton des anecdotes sous-tendant du récit. Celui-ci ressemble à un parcours de la combattante face au sexisme, à la misogynie et à une certaine progressophobie inhérentes à l'environnement du ballon rond.

 

photo Fair Play Publishing / Sebastian Moret
photo Fair Play Publishing / Sebastian Moret

 

Discours de façade

En juillet 2022, lasse de buter sur les préjugés et le machisme ambiant, et révoltée par l'inertie complice de ses supérieurs, elle démissionne. Avec une grande humilité, qui détonne dans ce microcosme à l'autocongratulation facile, elle résume son action par "un cinglant échec à inspirer un quelconque changement".

Des progrès indéniables ont été réalisés, et non des moindres, mais Freedman rappelle d'où on partait : de très loin. En 2004, outre les énormes difficultés des féminines à pratiquer le football en club ou à l'école, Sepp Blatter conseillait aux joueuses "de porter des tenues plus féminines, et des shorts plus moulants", car "une femme, c'est joli". Le Suisse ajoutera en substance que ses suggestions attireraient les sponsors.

Les mentalités ont bien sûr évolué [1], mais au-delà des beaux discours de circonstance de l'UEFA sur l'inclusion et ses campagnes sur la diversité et l'égalité des genres, les sphères dirigeantes s'arc-boutent sur un corporatisme passéiste. Bienvenue chez les dinosaures.

Freedman aligne les exemples. Le pantalon de l'uniforme féminin UEFA pour l'Euro 2020 est transparent (une alternative jean est proposée, mais un dirigeant haut placé insiste pour "vérifier la transparence" des tenues). En 2022, pour animer la fête de Noël de l'UEFA, on fait défiler sur échasses des femmes à moitié nues.

La campagne publicitaire d'une compétition asiatique se décline en affiches de femmes portant minijupes et hauts très courts. En préparation à l'Euro 2024, un ponte de l'UEFA déclare en meeting, que parmi les attributs indispensables "pour faire une grosse fête", il faudra absolument "des femmes et de l'alcool"... Personne ne semble s'étonner de rien, la sexualisation est endémique et l'omerta la règle.

Préservation de l'espèce

Lorsque Freedman démarre dans le métier, il y a seulement huit ans, les obstacles sont légion. Autour des terrains, dans les instances ou les médias, elle rencontre tous les stéréotypes éculés du genre et essuie quantité de commentaires sexistes. Au cours de ses recherches rédactionnelles, elle a compilé des centaines d'exemples multisports de sexisme "ordinaire", voire bien pire, et dresse un bilan accablant de la situation.

Elle note quelques succès encourageants, mais à l'écho confidentiel et rarement le fait des instances (par exemple l'initiative "Her Game Too", lancée par des supportrices - voir cette interview de So Foot). L'environnement est hypermasculin et entend bien tout faire pour le rester. Par souci de préservation de l'espèce, on fait bloc. À l'UEFA, si les femmes représentent 53% des effectifs, elles sont quasiment absentes du sommet de la hiérarchie (deux sur 32).

Une féminisation des postes décisionnels constituerait un bond en avant, même si Freedman estime que la notion de masculinité hégémonique, et ses corollaires tels que la réification du corps féminin, sont si profondément enracinés dans le football et la société [2] qu'il faudrait surtout s'attaquer aux causes du mal, systémique.

Il faut sensibiliser et travailler sur les valeurs véhiculées dès l'enfance et augmenter fortement la pratique et la visibilité du football féminin, ainsi que la représentation des femmes dans le football en général.

On pardonnera volontiers au livre ses quelques embardées hors sujet, tant le témoignage captive. Et ce n'est pas la récente et "riche" actualité, celle ayant par exemple agité le sommet du football français ou la dernière Coupe du monde féminine, qui viendra tempérer le propos, même si l'on peut espérer que les répercussions fassent (enfin) amorcer un tournant.

Faire scrupuleusement respecter la législation en vigueur sur ces sujets et appliquer de vraies sanctions doivent devenir des objectifs communs et permanents. À travers ce livre, c'est aussi la question de l'attitude du monde du football face à la différence qui est posée.

 

Get Your Tits out for the Lads, Sally Freedman, Fair Play Publishing, 2023.

 

[1] Quoique juste avant l'affaire Rubiales, le successeur de Sepp Blatter, Gianni Infantino, exhortait en tout paternalisme les femmes à "choisir les bons combats (...) pour nous convaincre, nous les hommes, de ce que nous devons faire. (...) Poussez juste les portes, elles sont ouvertes".

[2] Pour preuve, la popularité de personnages comme Andrew Tate ou Jordan Peterson, le chantre planétaire du patriarcat décomplexé, voir ici ou ici.

 

Réactions

  • lunatic XV le 22/11/2023 à 14h40
    Merci MV pour cet article et l'éclairage donné à ce livre. Que ce soit sur le traitement des femmes, l'homophobie ou le racisme, il y a du boulot... et effectivement pas que dans le milieu du foot !

  • Mangeur Vasqué le 22/11/2023 à 22h40
    La société accuse un bon temps de retard aussi, heureusement que le ridicule ne tue pas. Par exemple, en août 2022, en Écosse, pour promouvoir l’accès gratuit aux tampons et serviettes périodiques (premier pays au monde à offrir cette gratuité), on choisit… un homme ! (c'est dans le livre de Sally Freedman)

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La revue des Cahiers du football