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Sud-Soudan : du football et des armes

Dans un pays vieux de quelques mois où l\'arbitre peut dégainer autre chose que des cartons, le football ne rassemble pas toujours...

Auteur : Vapi le 23 Nov 2011

 

Les 4x4 tardent à venir, alors que la température commence à retrouver un niveau acceptable. Le coup d'envoi était prévu à 16h30, mais Chelsea-Arsenal offre un final haletant qu'aucun de nos coéquipiers ne semble prêt à manquer. Nous ne sommes que deux à avoir commis l’erreur d’arriver à l'heure. Le terrain est bosselé et dépourvu d'herbe, mais aucun autre n'est disponible. Impossible de jouer sur notre terrain d'entraînement. Situé au sein des immenses locaux des Nations Unies, l'entrée y est trop scrupuleusement limitée pour y organiser un match. La sécurité s’y est récemment renforcée du fait à la fois du climat très instable du pays, où les rebellions se multiplient et où le Nord du territoire est victime des bombardements soudanais, et de la vague d'insécurité qui frappe la capitale depuis peu.
Le responsable de l'équipe locale, une connaissance, nous autorise à utiliser son terrain, et il viendra même pour arbitrer. Son équipe à lui n’est pas disponible, nous jouons donc contre une autre équipe de quartier, que nous ne connaissons pas encore.

 


Photo UNMIS / Fred Noy

 


Turnover chez les expatriés
Les deux équipes arrivent enfin, au complet, le match peut commencer. Notre domination est manifeste, et notre collectif commence à ressembler à quelque chose. Il faut dire qu'il est plus ancien que le pays dans lequel nous jouons, et que nous disposons en plus d'excellents éléments. Notre paire d’immenses défenseurs anglais ne laisse passer aucun ballon aérien, nos ailiers sud-soudanais sont techniques et rapides, et notre meneur de jeu canadien attire et redistribue tous les ballons avec puissance et précision. Le reste de l'équipe essaie de soutenir la comparaison avec plus ou moins de facilité. Les Britanniques, dont l'agence de coopération est omniprésente dans ce pays à forte valeur stratégique pour eux, les Libanais, dont la diaspora réagit extrêmement vite aux opportunités commerciales de ce pays nouveau, et les sud-Soudanais, qui vivent ici tout simplement, forment le plus gros de notre effectif.
Créée via un forum internet, la représentation d'expatriés est forcément conséquente. Ce qui cause quelques problèmes: les expatriés bougent beaucoup, et restent rarement plus d'un an ou deux dans le pays, tant les ONG s'évertuent à les renvoyer chez eux au plus vite après une mission dans un contexte considéré (parfois à tort) comme éprouvant et difficile. Nous devons donc sans cesse pallier de nouvelles absences.

 


Arbitrage à la maison
Les occasions en notre faveur se multiplient pendant les quinze premières minutes, nos adversaires commencent à commettre un certain nombre de fautes. Déjà trois sifflées par l'arbitre, toutes incontestables. Notre meneur de jeu perfore la défense balle au pied, dans l'axe. Un tacle viril et incorrect l’arrête, une faute de plus est sifflée, à l'entrée de la surface. Alors que l'arbitre tente de faire reculer le mur, on lui reproche, pour des raisons obscures, de nous favoriser. L'accrochage se fait en langue locale, que les moins sud-soudanais d'entre nous ne maîtrisent pas. Difficile dans ce pays de se décider à apprendre une langue plutôt qu'une autre: elles seront différentes dans chaque région de ce nouvel État.
Le débat s'envenime. Insulté, l'arbitre refuse de voir l'équipe adverse continuer à jouer sur "son" terrain, et les somme de partir. Face à l’intensification des insultes, il prend sa première réelle décision contestable, et voit pour l’occasion les choses en grand: il dégaine son pistolet, qu'il avait manifestement gardé avec lui tout le long de la rencontre, et qu'il braque sur le capitaine de l'équipe adverse. Quelle nécessité pour lui de s'armer pour arbitrer un match de foot? Une des nombreuses questions auxquelles un an de séjour au Sud-Soudan ne permet pas encore de répondre.

 


Photo : UNMIS / Paul Banks

 


Stocks d'armes et guerre du bétail

Car une arme ne servira certainement pas ici à pacifier la situation. Nous voyant instinctivement reculer, les locaux se moqueront gentiment. "Vous savez, une arme, ici, ça ne fait vraiment peur à personne". On peut comprendre. Si le conflit opposant le SPLA (Sudan People’s Liberation Army) au gouvernement de Khartoum s'est terminé en 2005 et a récemment abouti à l'indépendance du Sud-Soudan, le désarmement qui devait lui succéder n'a pas vraiment eu lieu. Pour plusieurs raisons. Un manque de volonté évident en premier lieu. Nombre de factions rebelles sont encore en activité dans le pays, les tensions ethniques restent vivent, et les conflits qui en résultent sanglants. Il y a quelques mois de cela, une offensive dans l'État du Jongleï, menée par des civils Murles [1], a fait 700 morts. Le mobile? Dans les grandes lignes, voler du bétail pour avoir une chance d'acheter, un jour, une épouse [2].
Dans de telles conditions, personne n'est réellement prêt à se désarmer, au risque de se voir dépourvu lors de la prochaine offensive. S'ajoute également le risque, réel, que le stock d'armes ainsi récolté soit capturé par une faction ou tribu ennemie, événement plus fréquent qu'on pourrait ne le penser. Enfin, ce manque de volonté se double d'une relative incompétence des agences responsables des programmes de désarmement et de réintégration.

 


La mère de l'arbitre, seule victime
En 2008, un programme conséquent de ce type a du être stoppé avant son lancement. La grande majorité du budget avait été avalé en salaires à destination des fonctionnaires des Nations Unies, avant même que le projet n'ait commencé sur le terrain. Ces projets restent difficiles à mettre en œuvre, les perspectives de réintégration étant, de fait, très maigres.
Ni le pistolet, ni l'arrivée deux minutes plus tard de soldats armés ne permettront de calmer les échanges. La suite me permettra d'en apprendre un peu plus sur la profession de la mère de l'arbitre, que j'imaginais plus pieuse, et sur les rapports fréquents et familiers que semble entretenir avec elle le capitaine adverse. Les armes ne serviront heureusement à rien d'autre qu'à intimider, mais le match ne reprendra pas.


Nous irons finir notre entraînement au sein de notre compound ultra sécurisé, lieu de vie privilégié de la population expatriée, coupée du reste de la ville et du pays qu’elle prétend aider. En ayant au moins la satisfaction de se dire que de toute façon, c'est évident, nous l'aurions gagné, ce match...

 


[1] Ethnie pastoraliste vivant à l’Est du pays, non représentée dans les institutions gouvernementales.
[2] Ce n'est pas la première offensive de ce genre, dans cette région où Murles et Dinkas se rendent coup pour coup. Dans les ethnies très respectueuses de cette tradition (Dinka, Nuer, Murle...), la dot atteint souvent cinquante ou soixante-dix têtes de bétail pour une femme. Cette valeur marchande ne lui permet malheureusement que rarement d’avoir un statut supérieur au bétail en question.

 

Lire aussi "Le Sud Soudan vu du ballon".

Réactions

  • LYon Indomptable le 23/11/2011 à 17h49
    De la belle ouvrage. Chapeau l'auteur.
    Au Cameroun, je fais la ccoordination animation d'une équipe cosmopolite, composée aussi bien de locaux, sénégalais, malien, ivoirien, péruvien, brésilien, libanais, roumain, belge, français, coréen, USA et Canada. Et un stéphanois. On n'a pas pu y couper...

    Je retrouve le climat de Groupe comsopolite qui transparait dans ton très bon texte.
    Le terrain, l'environnement, le climat, le turnover des expat' dans ton effectif, les adversaires locaux attendus car finisssant de regarder le match de qualif' des Lions Indomptables le samedi après-m' et qui arrivent sourire aux lèvres et détendus comme tout malgré un retard de 60'-90'. L'arbitre soupçonné de favoriser "les blancs" (Blanc étant ici sans agressivité le terme générique désignant ceux qui viennet au foot en voiture climatisée). On s'y retrouve.
    Le terrain bosselé et dénudé, idem.

    Notre contexte local nous épargne le pistolet et les agences internationales tentaculaires et omniprésentes. Mais ayant visité et joué à Ndjaména et Bangui, je vois ce que c'est, pustolet compris mais sans en avoir été témoin direct.

    En revanche, la maman de ton arbitre doit travailler pour une multinationale bien établie en Afrique. Les mères de nos arbitres semblent faire le même métier ici ...

    A la fin de tout ça, ce qu'il reste, c'est la force de ce truc qu'est le Ballon qui permet de rencontrer des gars dans un contexte où tout le monde redescend sur terre, du patron de World Company, au général d'armée locale et son chauffeur, du commerçant Libanais au Transporteur de bois tropicaux roumain, sans oublier le fils de la fameuse Maman qui travaille dans une multinationale florissante.

    La gonfle, c'est vraiment Top pour ça.

  • le cocorrézo-cocolombien le 23/11/2011 à 20h22
    Super article Vapi, merci, j´avais déjà beaucoup aimé le premier article.

    Mon expérience footballistique africaine fut pendant période Camerounaise, je n´avais pas jouer contre des équipes d´expats (question de quartiers je pense) mais le ballon rond, les parties de 2-0 , avait cette magie de faire jouer sur le meme terrain le capitaine de l´équipe du Cameroun vainqueur de l´Argentine 90 (Tataw Stephen), un ancien du Dynamo Minsk, un pro des Emirats en vacances, le présentateur vedette du foot local devenu par la suite ministre des sports, l´ex patron de la Camair, un macon, des gars du quartier, un libanais qui parlait avec l´accent camerounais, d´autres gars du quartier et ma pomme, franca

    is qui s´était fait invité en faisant son footing. Pas d´armes pour l´arbitre, souvent pas d´arbitres (pour le coup c´était le présentateur ou le patron de la Camair qui décidaient, on fait dans le mélange social mais quand meme). Tout le monde avait des surnoms, du classique Ronaldihho aux originaux Zambrotta, Olembé et Carlos Mozer (trois points de suture à l´arcade merci Carlos).

    6 mois de matchs à l´aube deux fois par semaine mais surement les meilleurs souvenirs footballistiques de ma carrière avec ma bicyclette en poussin contre Lubersac. Merci d´avoir fait remonter tout ca Vapi.

  • François-Youssouf Hadji-Lazaro le 24/11/2011 à 13h21
    Et ben la voilà la solution pour faire diminuer les protestations contre l'arbitrage: l'opération "un arbitre, un gun".
    Dans l'ordre, l'arbitre peut utiliser le carton jaune pour commencer à faire part de sa désapprobation au sujet des gesticulations et autres beuglements répétés, puis sortir son gun pour bien marquer le fait que ça commence à l'agacer sérieusement et enfin, en dernier recours seulement, utiliser le bon vieux carton rouge pour signifier aux joueurs que bon, quelque que sa la profession de sa génitrice, maintenant ça suffit.

  • François-Youssouf Hadji-Lazaro le 24/11/2011 à 13h22
    quelle que soit la profession...

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