Spirale du truc inutile
Le football ressemble parfois au Concours Lépine, avec sa floraison de gadgets tous plus révolutionnaires... et superflus que les autres. La cuvée 2006/2007 semble, à cet égard, assez exceptionnelle.
le 26 Juin 2007
La Spirale du truc inutile symbolise une fuite en avant désespérée. Dans son besoin irrépressible de vendre toujours plus d’images, de voir toujours plus de spectacle, et de surtout ne jamais laisser l’attention du spectateur se diriger vers une autre passion, instances, journalistes, et dirigeants rivalisent d’une ingéniosité parfois pathétique pour inventer de nouveaux "trucs", censés magnifier l’expérience footballistique, résoudre des problèmes qui n’en sont pas ou parfois simplement symboliser d’ultimes tentatives de sauver des monuments en péril. Dans la longue histoire des trucs inutiles, d’anciens lauréats auraient pu être, en vrac, le quatrième arbitre et son panneau électronique, l’homme de terrain, l’interview à la mi-temps, Gilles Verdez, les statistiques de kilomètres parcourus par les joueurs ou l’édito de France Football.
Cette Spirale est donc celle d’une histoire alternative du ballon rond, consignant patiemment toutes ces petites initiatives qui font reculer le football en occupant les cerveaux ramollis de ceux qui le font vivre.
Vous pouvez d'ores et déjà voter pour les Spirales des Cahiers 2006-2007, ou attendre que tous les lauréats vous aient été présentés sur nos pages. Autre solution: le sondage grandeur nature sur eurosport.fr. Notez que les lauréats seront exclusivement désignés par le scrutin en ligne des Cahiers du foot...
Le Classement de l'offensive
Promu à grand renforts de superlatifs par Frédéric Thiriez, qui se prévalait de la légitimité du rapport Hidalgo, destiné à sauver la Ligue 1 de son déficit chronique de spectacle, le Classement de l'offensive est devenu un bidule de plus. Pire, il n'a servi qu'à récompenser l'équipe déjà la plus forte... au classement normal. Et donc à enrichir un Olympique lyonnais qui n'en avait pas franchement besoin, mais qui va toucher les 2,5 millions d'euros destinés au vainqueur. Il faut dire que ne distinguant pas un 0-0 d'un 3-3, ou bien sanctionnant l'équipe qui serait partie courageusement à l'abordage avant de perdre 2-0 sur des contres, son barème même était douteux. Il aurait été plus simple et plus justifié de récompenser les meilleurs attaques, ce qui aurait permis à Sedan, par exemple, de figurer à la sixième place. "Un seul but: des buts!": le slogan officiel n'a pas empêché, après un démarrage trompeur, la moyenne de buts par match baisser inexorablement au fil des journées. Ce n'est pas ce genre de gadget qui allait inculquer aux équipes, comme par magie, une véritable culture offensive...
Atout : en plus d'être inutile, ce classement est bête.
Faiblesse : en réalité, c'est Frédéric Thiriez le truc inutile.
La Superloupe de Canal+
En août 2005, le diffuseur du championnat avait annoncé une batterie de nouveautés technologiques qui allaient lui redonner son lustre d'entreprise novatrice, capable de révolutionner de nouveau les retransmissions de matches avec des dispositifs comme le "Jumbotron" mesurant les distances ou la machine permettant d'assurer la traçabilité des vingt-deux joueurs... Près de deux ans plus tard, qu'en reste-t-il? Pas grand chose, s'il ne s'agit que de cette "Superloupe" à 300 images secondes... Vantée par des commentateurs transformés en camelots de boulevard, l'appareil a surtout permis aux sadiques de se délecter des images super-ralenties de la cheville de Yepes se brisant sous l'impact avec Djibril Cissé lors de OM-PSG. Par la suite, les incrustations signalant l'utilisation de cette superlorgnette ont mystérieusement disparu des écrans.
Atout : saurait-on mieux résumer la nullité croissante du service football de Canal?
Faiblesse : l'Hyperloupe à 400 images par secondes sera mieux placée pour l'emporter, l'an prochain.
Les têtes de série en de la Coupe de la Ligue
Instauré pour protéger les deux clubs français directement qualifiés en Ligue des champions, ce système a surtout démontré sa profonde injustice: sortis au premier tour et en huitième de finale de la C1, Bordeaux et Lyon, les deux cadors hexagonaux, ont en revanche assuré leur place en finale de la compétition domestique. Une façon assez déplorable d'assurer la "qualité" de l'affiche pour une compétition sans aucune légitimité.
Atout : les têtes de série ont accouché de la pire finale depuis la création de l’épreuve.
Faiblesse : les deux clubs protégés ont brillamment prouvé l’utilité de ce système.
La consultation pour le trophée de la L1
S’il est un pensum auquel les amateurs de foot n’ont pas coupé cette saison, c’est l’appel au vote pour baptiser le trophée remis aux champions de L1 (donc aux Lyonnais pour les trois prochaines décennies). L’insoutenable suspense résida ainsi dans le nom de la nouvelle breloque trouée du championnat, compétition orchestrée à grands coups de questions SMS par la Ligue, comme dans la Nouvelle Star. Car la LFP se soucie surtout de l’avis des spectateurs pour des questions strictement futiles. Elle avait déjà imposé un trophée en lamelles pour sa Coupe de district, elle a donc remis le couvert avec une sculpture en papier alu, remise au champion à l’issue d’une cérémonie d’autant plus artificielle qu’elle ne clôt pas une finale haletante mais un championnat interminable. C’est "Hexagoal" qui l’a emporté, rapport à sa forme vaguement hexagonale et au surnom de Trezeguet, sans doute. Et avec la meilleure volonté du monde, on s’en tape.
Atout : si la Ligue de rugby avait demandé aux téléspectateurs de voter, le Bouclier de Brennus se nommerait la Planche à Pain.
Faiblesse : dans trois ans, tout le monde appellera ce trophée Trou de Balle, comme les Cahiers.
Le double changement d'entraîneur du FC Nantes
Il y a bien quelques présidents qui ont appris avec l’expérience que changer d’entraîneur en cours d'exercice s’avérait rarement payant au moment de faire les comptes. Les dirigeants du FC Nantes – qui ont réussi un sans-faute ces dernières saisons – ne pouvaient décemment pas, de leur côté, laisser le club descendre en L2 sans un dernier coup, une décision inédite qui les ferait rentrer dans l’histoire. En virant deux entraîneurs coup sur coup, sans obtenir la moindre amélioration sur le plan sportif, la direction du FC Nantes a fait preuve d’un acharnement thérapeutique peu commun dans le monde du foot.
Atout : Suaudeau, Budzinski et Denoueix refusent de travailler avec la direction du FC Nantes.
Faiblesse : il n’y avait peut-être pas d’autre moyen de faire renaître le FC Nantes qu’en le faisant descendre en L2.