Une industrie cannibale "Aucun rapport des médecins ne dira jamais que Foé a succombé à une attaque de football professionnel, parce que cette fatale affection ne figure dans aucun vade-mecum médical. Mais la vérité, c'est que le plus beau et le plus populaire des sports, joie des jambes qui le pratiquent et des yeux qui le regardent, fonctionne comme une machine à hacher de la viande humaine". Ces mots sont extraits d'un article d'Eduardo Galeano, écrivain et journaliste uruguayen, dans le dernier numéro du Monde Diplomatique (août). Ce texte jette un regard sans concession mais pas sans poésie sur ce que devient le football, ce jeu qui, "devenu un travail, soumis aux lois de la rentabilité, cesse d'être ludique". Vous pouvez retrouver un autre article de Galeano dans les archives en ligne du Monde Diplo, consacré au dopage: Le sport chimique. Il est l'auteur de Football, ombre et lumière (éditions Climats 1998) dont une sélection de textes est accessible chez nos amis de Contrapie. Le jeu le plus con Le football génère une grande quantité d'attrape gogos, et l'on était en droit de penser que la question de TF1, introduite avec tant de science par Thierry Roland lors des retransmissions, en représentait le standard avec ses questions juste assez faciles pour que des dizaines de milliers de naïfs augmentent allègrement le CA de la chaîne avec des appels surtaxés. L'industrie du SMS est cependant capable d'aller plus loin, sans solliciter le moins du monde son inventivité, comme en témoigne ce spot diffusé notamment sur Eurosport qui invite le téléspectateur à gagner des cadeaux grâce à son immense culture footballistique. Reality Roland Thierry Roland a échappé à la mort à la suite d'une rupture d'anévrisme survenue peu de temps avant la finale de la Coupe des confédérations. Il devrait faire son retour sur TF1 en tant que commentateur, mais aussi dans une émission qui sera consacrée à son sauvetage et pour laquelle il aurait réservé l'exclusivité de son témoignage à son employeur — ce qui d'après France Football (05/07) expliquerait son silence actuel. Rien ne se perd sur TF1… L'Équipe entretient nos complexes Le 30 juillet dernier, la rédaction de L'Équipe s'est livrée à une enquête intéressante quoiqu'un peu sommaire sur la perception du football français par nos voisins des "grands" championnats, en interrogeant des joueurs (sous la forme d'un quiz) et des journalistes (en leur demandant leur traitement de la L1 et leur estimation de sa valeur). À ne lire que les commentaires de cette page intitulée "D'un œil distrait", on comprend que "notre championnat peine à déclencher l'enthousiasme et bénéficie d'une estime toute diplomatique". Pourtant, côté quiz joueurs, si l'on ne s'arrête pas au constat que "seuls deux d'entre eux obtiennent un sans faute" (sur sept), on s'aperçoit que leur note globale est de 15,5 sur 20. Quant à l'avis des journalistes étrangers sur le niveau du championnat français, il s'avère que 5 sur 8 le mettent à égalité avec le championnat d'Allemagne, soit au-dessus de l'opinion commune en France même. Le journaliste du magazine allemand Kicker affirme d'ailleurs qu'il trouve "la L1 plus forte, tactiquement et sur le plan de la vitesse, que la Bundesliga". Le chef des sports du Daily Mail la place devant la Bundesliga et Alessandro Vocalelli (directeur-adjoint de la rédaction du Corriere dello sport) au deuxième rang à égalité avec l'Angleterre. La note moyenne est proche de 7 sur 10… Bref, si c'est l'évidence même que la Ligue 1 suscite une curiosité limitée hors de nos frontières, les personnes interrogées ne dressent absolument pas un tableau aussi négatif que ce que "l'habillage" de L'Équipe le suggère. Dommage que la rédaction n'ait pas souligné les côtés positifs de sa mini-enquête, obéissant à cette tendance que nous avions déjà analysée il y a quelques mois (Sonde système), consistant à faire dire un peu ce qu'on veut à un "sondage", et en l'espèce à céder aux sempiternels complexes franco-français. La question se pose en effet : Qui sous-estime le plus le football français, les étrangers ou les Français? Les dangers de l'humour dans le football Afin de ne pas donner une fois de plus l'impression de dénigrer gratuitement notre quotidien sportif préféré (en fait, nous regrettons qu'il n'y en ait pas un autre pour le préférer encore plus), saluons ici L'Équipe magazine qui dans ses pages "La Semaine", comprenant l'excellente chronique de Rémy Fière (1), se laisse aller à des exercices franchement drôles, à l'image de "Comment parler comme un pro" (Stéphane Kohler) ou de "Foot, les grands moments de la saison 2003/2004" paru fin juillet (Julien Marival), parodie qui se livrait à quelques prédictions ironiques (du genre "Mai 2004: Christophe Bouchet réclame l'attribution à l'OM du titre 1999"). Là où nous sommes encore plus solidaires, c'est que le magazine a reçu quelques courriers de supporters outragés (voir le numéro du 2 août avec deux échantillons, l'un marseillais, l'autre parisien), étalant leur manque total de sens de l'humour dès lors que l'on touche à leur club préféré, sur un ton qui nous a rappelé les missives que nous recevons nous-mêmes très régulièrement… (1) Nous ne sommes pas tout à fait objectifs, puisque Rémy Fière avait cité notre fameuse étude sur Thierry Roland (L'aspiration par le vide). Mon nom est personne Sur la page "sports" du site du Monde, une drôle de façon de présenter l'OL… La mauvaise presse du Real Le vent tourne-t-il pour le Real, et l'exaspération est-elle en train de prendre le dessus sur l'adulation? Toujours est-il que la tournée du club madrilène en Asie (voir la Gazette 95) a suscité des commentaires acides dans la presse française — TF1 et Canal+ faisant preuve de leur habituelle bienveillance en la matière. Tout le monde insiste sur le caractère purement lucratif de l'expédition, et le statut de Beckham apparaît clairement comme celui d'un pur objet de promotion. Parmi beaucoup d'autres, cet article de Libération rend compte de l'accueil mitigé du Real en Chine: Un Real Madrid aigre-doux pour les Chinois. Les Marseillais sont à nouveau fadas Alors que la saison passée, la révolution bouchéto-perriniste avait suscité un mélange de perplexité et d'attentisme, Marseille est désormais prêt à s'enthousiasmer sans réserve, à la faveur d'un début de championnat particulièrement réussi. On en prendra pour preuve ce début d'un article de Thierry Muratelle dans La Provence (10/08), dont on appréciera plus le lyrisme que les références religieuses: "Les visages étaient éclairés par le bonheur des retrouvailles. Sur le chemin du Vélodrome, les enfants chantaient, sautaient, les boulevards étaient drapés de chaleur et de blanc, ouverts vers la communion d’un premier vendredi que d’aucuns espéraient Saint. Dans leur paroisse, les Olympiens ont eu le mérite de prolonger cet élan de fête, d’apporter une continuité victorieuse même si, pour l’enchantement, il sera nécessaire d’attendre d’autres kermesses". 24 heures au Mans Loin du Real et même de la cité phocéenne, signalons que Libération a rapporté du Mans un intéressant article sur la montée du MUC en L1, dans une ville où le basket et la course automobile jouent traditionnellement les premiers rôles: Au Mans, le défit du foot. Missel Enfin, terminons cette Revue avec la parution de l'indispensable guide la saison de France Football, dont la rédaction des Cahiers usera la jolie couverture tout au long des mois à venir. Seul inconvénient : il faut rectifier manuellement les effectifs des équipes avec les transferts réalisés jusqu'à la clôture du marché…