Purgatoire
Coup d'éponge plutôt que coup de torchon?
Le Comité national olympique et sportif français, par la voix de sa Commission de conciliation, recommande donc de restituer les trois points du match au TFC, comme le stipulent assez clairement les règlements de la Ligue, et surtout de ne pas en retirer à l'ASSE, au motif que le club ne saurait être le seul sanctionné (le conciliateur évoque la "discrimination de traitement faussant le déroulement de la compétition"). Monaco et Metz apparaissent en effet blanchis, alors que Contreras et Mondragon ont été condamnés par la justice pénale (deux ans d'interdiction de territoire et de lourdes amendes —verdict suspendu par l'appel de Mondragon). On voit que l'instance olympique ne propose pas un règlement définitif et équitable, dont il constate qu'il est devenu impossible à force d'atermoiements et de traitements disciminatoires.
L'impression est qu'après filtrage par quatre commissions, il ne reste finalement plus grand chose des sanctions, et qu'on en arrive à presque relaxer le bouc émissaire, parce qu'il fait figure de bouc émissaire justement. Incapable de présenter une politique disciplinaire cohérente, incapable de s'auto-administrer, le football français se dirige vers un règlement du problème qui ne satisfait personne et laisse une impression lamentable.
Il reste à savoir si les deux clubs et la fédération vont accepter l'avis consultatif du CNOSF, ce qui est le cas en général quand il se prononce. Mais l'aval de la FFF ne sera pas sans conséquences sur la suite des procédures. La Ligue a de son côté annoncé qu'elle homologuerait le classement final du championnat après la dernière journée, quel que soit l'avancement des recours. Autant dire que cela sera un peu le jackpot. Mais la LNF cherche surtout à dissuader les clubs de sortir leurs 4-4-2 avec deux avocats en pointe, et voudrait que seuls les matches pour lesquels des réserves ont été déposées fassent l'objet de procédures (ASSE-TFC et Metz-Rennes — Rennes passe aujourd'hui devant la Commission fédérale d'appel).
Tapis vert et Tapie vert
Les glissements de terrain à l'arrière du classement feraient que Metz (34 points) et l'OM (33) resteraient sous la menace de Saint-Étienne (32). Le TFC repasserait devant Strasbourg, ce qui n'est pas d'une grande utilité, mais avec 28 points, il pourrait encore espérer. Ce sont surtout les Marseillais qui trouveraient amère cette décision qui rapproche leurs poursuivants. Tapie affûte déjà ses arguments sur le complot anti-marseillais et anti-lui, composante incontournable de sa politique d'antan ("Je viens d'arriver et l'on donne déjà des points aux clubs qui sont derrière"). En cette période où le présent entre en collision avec le passé, on se rappellera cette saison 94/95 au terme de laquelle l'ASSE n'avait dû son maintien qu'à l'interdiction faite à l'OM, champion de D2, de remonter en première division. La promotion de l'un et la relégation de l'autre n'avaient été retardées que d'une saison, mais l'ironie de l'histoire veut que les deux plus grands clubs français se croisent fréquemment sur le terrain des affaires (ne reparlons pas de l'épisode de la "canette Papin")…
Le club phocéen n'entend pas laisser les choses en l'état, et réclame déjà à la Ligue l'obtention des trois points du Saint-Étienne-OM du 4 août (3-0), ce qui reviendrait à remettre en cause l'homologation des résultats du championnat avant le 12 novembre (date à partir de laquelle ils n'ont plus été entérinés). Si cet autre verrou sautait, le chaos ne serait plus loin, d'autres s'engouffrant vraisemblablement dans la brèche, et le cauchemar d'un championnat joué sur tapis vert ferait son retour.
En définitive, il n'y avait qu'une solution pour ne pas se retrouver dans cette situation inextricable: ne pas tricher. On a d'ailleurs le sentiment très net d'une responsabilité collective de l'élite, qui n'efface évidemment pas les responsabilités particulières, comme celles des dirigeants stéphanois (que les instructions en cours devraient éclaircir un peu —mais probablement trop tard), et qui pointe clairement ses graves manquements. Les fraudes sur la nationalité des joueurs semblaient un secret de polichinelle, une pratique presque banale. Les petits arrangements (comme celui du derby Saint-Étienne-Lyon), le déclenchement presque accidentel de l'affaire (si Toulouse n'avait pas perdu à Geoffroy Guichard, en serions-nous là, puisque la réclamation n'a été portée qu'après le match?*), la mansuétude à l'égard de Monaco, Metz et Nice tendent à démontrer qu'en matière d'éthique et de justice sportive, on s'arrange en cuisine.
DERNIERE MINUTE
Le Conseil fédéral de la Fédération a décidé à une large majorité de ne pas suivre l'avis de la Commission de conciliation du CNOSF et maintient donc les sanctions édictées auparavant par le conseil fédéral d'appel (sept points retirés à l'ASSE, sans obtention de la victoire pour le TFC). "Le Conseil fédéral a jugé la proposition de conciliation du CNOSF contraire à la morale sportive", selon Claude Simonet (AFP) qui n'a pas l'air de réaliser que la morale sportive est de toute façon bien compromise dans cette affaire. Toulouse a déjà manifesté son intention de poursuivre ses démarches auprès du tribunal administratif. Quant à Saint-Étienne, les instances du football semblent persuadées de la culpabilité de ses dirigeants, sans que l'on arrive à savoir sur quels éléments se fonde cette conviction (les enquêtes judiciaires le diront peut-être). Les supputations peuvent suivre leur cours…
* Ce qu'a reproché le conciliateur du CNOSF.