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Psychanalyse du petit pont

Pour sa première en Ligue des champions avec le PSG, Marquinhos retiendra le violent petit pont dont il fut victime. Mais au fond, ça change quoi si le ballon passe entre les jambes plutôt qu’à côté? Pourquoi est-ce la honte?

Auteur : Gilles Juan le 23 Sept 2013

 


Se voir mettre un petit pont est une des choses les plus vexantes qui puissent arriver à un footballeur. La question paraitra élémentaire, mais… En quoi est-ce humiliant en soi? On a envie de dire: "Pff, ben parce que". Mais comme tout ce qui est évident, il est très difficile de montrer pourquoi c’est vrai.
 

Incontestablement, le petit pont est un outrage singulier, ce n’est pas comme se faire dribbler normalement. On peut être certain qu’un petit pont ne passera jamais inaperçu. Ça ne dure qu’un instant, mais il est remarquable. Pour le public, et surtout pour la victime. Comme si l’instant du petit pont était un instant plus long que tous les autres. Un instant souligné. Un instant dilaté. Le moment du petit pont, c’est comme si quelqu’un avait mis pause, et qu’on avait alors le temps, bref mais consistant, de prendre un recul consacré à rien d’autre qu’à gamberger et se trouver nul. Le temps d’écouter et de distinguer chacun des "Olé!" s’élever irrémédiablement des tribunes.
 

Le défenseur se sent comme blessé. Privé de quelque chose. Comme si on lui avait mis une amende. Oui, un petit pont c’est comme se faire flasher sur l’autoroute. Un moment du temps a été fixé, celui où le radar était là quand on était tout content d’aller sur la route des vacances, à 160 au lieu de 130 avec son GPS indicateur de radars. On ne voulait pas que ça arrive, on savait que c’était possible, mais on n’y pensait pas réellement, et puis c’est arrivé: putain de radar mobile. On est écœuré. C’est ça, prendre un petit pont: se faire flasher par un radar mobile et avoir l’air con sur la photo. Sauf que ça se passe sur un terrain, entre les jambes. Mais si le flash nous ampute de points et d’euros, de quoi nous prive réellement le petit pont? Il ne se passe pas rien, puisqu’on ressent quelque chose. Mais quoi?
 

 



 


Entre tes reins

On peut remarquer qu’il est aussi grisant de mettre un petit pont qu’il est honteux d’en être la victime. La honte et le remords de Marquinhos ont été proportionnels au plaisir du jeune Vladimir Weiss. Ce postulat de réciprocité formulé, associé au concept de plaisir apparu bien naturellement, indique d’emblée la piste sexuelle, et de fait, il semble y avoir quelque rapport avec la position du Kâma-Sûtra qui s’appelle "petit pont".
 

Entre les jambes… En mettant un petit pont, je fais évidemment quelque chose de l’ordre d’une pénétration. Plus raisonnablement, on pourrait peut-être comparer le plaisir de mettre un petit pont à l’excitation provoquée par le fait de dégrafer un soutien-gorge, par exemple. Pourtant, ne soyons pas aveuglé par l’évidence trop pratique de ces métaphores, qui ne signaleraient peut-être qu’une seule chose si nous y adhérions: notre misogynie. Alors qu’au foot, celui entre les jambes de qui le ballon passe est incontestablement rabaissé, manifestement une victime, il serait odieux de laisser entendre, de quelque manière que ce soit, que l’être humain qui écarte les cuisses soit pour cette raison dans une position d’infériorité. Je vous vois venir. Mais la piste du viol est aussi à écarter tout de suite: si celui qui écarte les jambes n’a pas consenti à ce que le ballon s’y glisse, l’auteur du petit pont n’a en revanche rien d’un agresseur. Le petit pont n’est un rien un acte coupable.
 


Une belle courbe

En quoi cet espace pénétré, entre les jambes, recèle-t-il alors, au foot, un caractère solennel, voire sacré? Certes, les deux jambes écartées et posées au sol forment un triangle isocèle dont la base est la pelouse, et à partir de là, les trois bissectrices du triangle sont concourantes en un point qu’on pourra appeler G, et le ballon, passant par G lors du petit pont, rentre donc pile dans la forme du cercle inscrit du triangle (l’unique cercle tangent aux trois côtés du triangle). Et tout de suite, la tentation d’une analogie avec le nombre d’or (chiffre de la beauté, modèle intelligible fixé dans la formule d’une proportion divine) est grande – mais rien qui ne fasse émerger la moindre honte là-dedans.
 

Cela dit, la piste esthétique n’est pas débile. Un petit pont, c’est beau. Le ballon passe entre les jambes tandis que l’attaquant contourne le défenseur et le récupère derrière: cela forme un ensemble gracieux, équilibré, presque stylisé, à la fois bien proportionné et dynamique. Les joueurs sont très mobiles et ils ont chacun un but (l’un doit prendre le ballon, à l’autre qui doit dribbler), et dans un contexte aussi perturbé, il va donc arriver que celui qui doit attraper le ballon en vienne finalement à écarter les jambes (parce qu’il faut bien essayer de tendre la jambe pour attraper le ballon, ou, au minimum, se déplacer), et il va arriver que celui qui a le ballon saisisse l’instant décisif et en un éclair prenne le temps de faire passer le ballon dans l’espace formé, dans un équilibre effectivement érotique d’audace, de vivacité et de maîtrise de soi [1]. Mais qui fait mal à l’un des chorégraphes de cet harmonieux mouvement.
 


Comme un symbole

Peut-être est-ce la honte d’avoir contribué à une chose aussi belle, parce que le défenseur n’a pas "contribué" à la beauté: elle s’est faite à ses dépends. C’est alors comme une chute: drôle, sauf pour celui qui tombe. Mettre un petit pont serait comparable au fait de dire: "Ah ah! Regardez-moi ce pantin!" Le regard des autres met tout de suite mal à l’aise, le défenseur a envie de se cacher, il a été affiché.
 

Le public est même accusateur. Et après tout, comment ne le serait-il pas? Le défenseur doit empêcher de passer celui qui veut passer, et qu’est-ce qu’un petit pont? Le petit pont est, pour le défenseur, le point culminant de l’échec, parce que l’attaquant ne peut pas davantage passer un défenseur qu’en passant… à travers lui. C’est l’optimum de l’échec, que le coup du sombrero tend à atteindre aussi pour le même motif: les outils pour prendre le ballon, le corps en général et les jambes en particulier, n’ont pas même été capables de garder ce qu’elles avaient de plus privé: l’espace de leur propre volume. C’est quand même le comble. L’attaquant avait tout le terrain autour du défenseur pour franchir l’obstacle, mais on le laisse s’introduire par la porte d’entrée, il se permet de pénétrer la chasse gardée. C’est de cela qu’on prive le défenseur: l’usage de ses propres jambes. Le petit pont se rit des membres du défenseur pour faire une jolie figure.
 

Pour résumer, le petit pont est une virtuose et moqueuse castration symbolique. Le réflexe de l’obstruction est une version footballistique de la feuille de figuier dont se couvre Adam et Eve lorsqu’ils prennent conscience qu’ils sont tout nus. Lorsqu’il est trop tard pour l’obstruction et que tout sang-froid a été perdu, le gros tacle par derrière est un légitime et pulsionnel sursaut de l’orgueil.
 


Épilogue

Le défenseur doit attraper le ballon, tout en appréhendant le petit pont. S’il se jette sans réfléchir, il va le prendre. Mais s’il n’y va pas franco, il va se faire dribbler. Il est alors obligé de se toujours découvrir un peu. Un grand défenseur doit donc être téméraire, au point de risquer l’humiliation. Par respect pour cela, interdiction formelle d’en rajouter après avoir mis un petit pont. La blessure est suffisamment vexante. Tout chambrage est une faute de goût inqualifiable.
 


[1] Bien sûr, on ne parle de "petit pont" que dans le cas où celui qui fait passer le ballon entre les jambes le récupère derrière. Sinon c’est nul. Sinon c’est comme commander un mi-cuit, et se voir servir un moelleux trop cuit.

 

Réactions

  • Gone with the Greens le 03/10/2013 à 15h43
    J'arrive après la bataille, mais verrons nous un jour une psychanalyse du grand pont?

La revue des Cahiers du football