Point d'exclamation
Vous en avez marre de la bruyante nullité des commentateurs français? Émigrez en Allemagne, même si vous ne comprenez rien à la langue!
Auteur : Chronique germaine, épisode 2
le 21 Juin 2006
Voyager en Allemagne pendant la Coupe du monde présente de nombreux avantages, outre ceux qui étaient attendus (consommation de bière de qualité à des prix dérisoires, organisation rigoureuse de l'accueil, découverte de stades exceptionnels, etc). Par exemple, si l'on renonce à trouver la presse française, on s'épargne le chœur des pleureuses et la fosse des déclinologues qui ne manquent certainement pas, entre le deuxième et le troisième match des Bleus, de jouer de la scie. Mais il y a aussi des plaisirs locaux à apprécier.
Une boîte de sourdine
On découvre ainsi, à l'occasion des retransmissions dans les bars ou sur les places publiques, une tout autre façon de commenter les rencontres. Car en Allemagne, point de doublette ou même de triplettes de commentateurs. L'homme au micro exerce seul durant le match, et les consultants sont relégués en plateau, pour les émissions d'après match. Cette option s'accompagne de pratiques quasiment inimaginables pour nous autres Français. Le commentateur ne se sent pas obligé de meubler chaque seconde de la retransmission. Ni d'égrener les noms de chaque joueur qui touche le ballon. Ni de donner une simili-analyse sur le jeu toutes les deux minutes.
Tout cela est résumé par un phénomène incroyable: de longues plages de silence émaillent la rencontre – de longues et belles plages sur lesquelles le téléspectateur peut s'allonger pour apprécier le jeu qui se déroule et l'ambiance qui le salue…
De surcroît, contrairement au cliché franchouillard qui représente la langue allemande sous une forme généralement éructée, le commentateur nous épargne aussi ses braillements à la moindre action dangereuse, qu'il accompagne plutôt avec une légère montée de tension – l'éventuel but ne l'obligeant pas non plus à basculer dans le hurlement. L'enthousiasme est-il moindre pour autant? Évidemment, non. Mais c'est le téléspectateur qui décide de son niveau d'excitation, sans qu'on lui en impose la mesure en nombre de décibels...
Des experts non décoratifs
Autre phénomène singulier pour nous autres : l'analyse des matches lors des émissions magazines, qui pullulent actuellement sur les principales chaînes, ne s'organise pas autour d'une brochette d'invités plus ou moins légitimes qui vont produire une joyeuse cacophonie sur le mode déblatératif. En revanche, un ou deux experts – la plupart anciens joueurs –, sont interrogés par un(e) journaliste qui lui permet de développer son point de vue. Sur les plateaux des émissions de football, donc, point de chanteur en promo ou d'acteur soi-disant fan de ballon pour nous gratifier de ses analyses folkloriques, pas de Miss Rhénanie-Palatinat pour nous livrer ses dispensables impressions, mais des intervenants qui ont le loisir de développer calmement leur point de vue.
De la science-fiction pour un paysage audiovisuel français où les borgnes sont rois (et les sourds bienheureux), où l'on se contente de bien peu faute d'avoir jamais vu mieux et où la qualité de l'expertise sur le football est confondue avec le degré d'assurance avec lequel chacun est capable d'asséner son opinion comme une vérité générale.