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Peut-on parler de football sans en regarder ?

Dans beaucoup de domaines, ceux qui s’expriment le plus souvent et le plus fort ne sont pas ceux qui connaissent le mieux leur sujet. Évidemment, notre sport préféré n’échappe pas à la règle.

Auteur : Christophe Kuchly le 7 Nov 2013

 


En démocratie, tout le monde peut donner son avis, et c'est heureux. Que le sujet soit futile, comme peut l’être un match de football, ou bien beaucoup plus sérieux. S’il expose l’émetteur, le discours implique aussi le canal. Ces micros qui se tendent pour donner un écho à des propos pas toujours très pertinents. Et prouvent l’incapacité des personnalités médiatiques, puisque ce sont bien elles qui se retrouveront en position de partager leur sentiment, à se modérer, à avoir l’exigence intellectuelle de se rendre compte qu’elles n’y connaissent pas grand-chose et s’apprêtent à exposer leurs lacunes.
 


Célébrités et inanités

Cette première définition renvoie bien entendu à tous ces moments où l’actualité footballistique sort de son cadre traditionnel et fait l’actualité. Dès qu’il échappe à ce qu’il reste – un jeu – le sport court le risque d’une appropriation par des personnes dont c’est habituellement le dernier des soucis. Hommes politiques, de télévision, philosophes (de télévision pour beaucoup), tous viennent donner leur avis. Qui ne doit pas nécessairement être disqualifié de facto, puisque rien n’empêche une personne extérieure au milieu sportif d’avoir un regard avisé, mais qui se révèle malheureusement souvent vide.
 

Ainsi est le quotidien du football en France depuis la fin du siècle dernier: en dehors des émissions spécialisées, il n’est abordé que sous un prisme totalement déconnecté du jeu. Ce qui ne nécessite donc pas d’en regarder pour en parler. Valeurs morales, réalités économiques, reflet social, tous les thèmes y passent. S’il n’y a pas besoin de connaître le schéma tactique de Valenciennes pour analyser la part des salaires dans le bilan comptable d’un club par exemple, se couper du terrain c’est se couper du sujet dont on parle. Et si la passion est parfois aveuglante, l’indifférence, voire le mépris, le sont tout autant.
 

 



 


Les experts: police footballistique

Le rituel est bien connu: en situation de crise, on fait parler un peu n’importe qui. S’il s’agit d’aspects moraux, chacun appréciera la prise de position selon sa propre vision des choses, s’il s’agit du terrain, le fan bien informé ne tardera pas à démasquer les incompétents. Tout devient plus flou quand il s’agit de sportifs et d’experts autolégitimés. Ces trendsetters de l’avis, qui proposent leur ligne de pensée à grande échelle mais n’ont plus rien à justifier une fois leur position établie, sont forcés de parler de tout et n’importe quoi. Et c’est ce n’importe quoi qui gêne.
 

Citer des noms est inutile. Mais qu’ils soient journalistes de formation ou consultants légitimés par leur passé sportif, tous ces acteurs du milieu footballistico-médiatique s’expriment aussi sur des sujets où ils n’ont aucune compétence. Exemple le plus évident où tout le monde se heurte à ses limites sans oser le reconnaître: l’identité des joueurs sélectionnés en équipe de France. Il est matériellement impossible d’avoir vu suffisamment évoluer tous les élus et recalés de justesse pour avoir un avis complètement pertinent. Morgan Schneiderlin par exemple, présenté comme l’un des meilleurs à son poste en Europe, reste ainsi un mystère pour la plupart de ces commentateurs. Qui se doivent malgré tout de juger la légitimité de la présence d’autres joueurs à sa place sans avoir aucune carte en main, si ce n’est la vue de quelques vidéos, ou la consultation d’articles et de statistiques (au mieux).
 


On ne peut pas tout (sa)voir

Quelle légitimité accorder alors à toutes les analyses qui sont faites en télévision, radio et parfois presse écrite? Chaque journée d’un championnat à vingt clubs représente à elle seule quinze heures de football. Même quand on dédie sa vie à ce sport, c’est beaucoup trop pour tout voir. En considérant arbitrairement la valeur de cinq heures de visionnage de Ligue 1 par semaine, ce qui est déjà beaucoup, il faudrait donc attendre trois journées minimum pour avoir une première vue générale de tous les clubs. Si l’on ajoute les doublons (regarder chaque semaine Paris, Marseille ou Monaco) et d’éventuelles réticentes à se coltiner les équipes moins flamboyantes, le chiffre grimpe encore. Et l'on parle là d’un seul visionnage, le match en question pouvant être exceptionnellement bon ou mauvais de la part d’une équipe et ainsi fausser une perception qui aura pourtant tendance à rester ancrée.
 

Ce calcul, qui a surtout valeur de mise en perspective, permet un constat simple: les avis de X et Y ne sont en fait pas toujours les leurs. Ils sont aussi la reprise de ceux des autres, de l’extrapolation à partir de résumés… jusqu’à de l’invention, de l’improvisation totale qui se basera sur des lieux communs (statistiques, standing du club) ou le sens du vent. Freud aurait pu en faire une blessure narcissique s’il était né plus tard, on ne peut pas se forger soi-même une opinion précise de tous les paramètres d’un championnat national, a fortiori des autres, mais on ne peut pas le dire. D’où la reprise de ces clichés et lieux communs.
 


Place des clichés

Comment expliquer que l’expression "victoire à l’italienne" soit encore utilisée, en dehors de son aspect historique vaguement rétro pas, toujours bienveillant envers ce voisin et rival historique? Que les gardiens anglais soient toujours mentionnés dès qu’il y a une bourde? Que tous les Brésiliens qui font trois dribbles soient qualifiés de pépites ? Et on ne parle pas des Africains et leur physique et autres généralisations qui tendent à associer un qualificatif selon la provenance, sans plus de raisons que cela.
 

Le manque de connaissance du football dans son entièreté, qui peut évidemment se comprendre, n’est pas pondéré par celui d’experts d’un thème précis. Si les commentateurs de Canal+ ou beIN Sport ont généralement leur championnat attitré, ce sont bien les éditorialistes médiatiques qui donnent leur avis à grande échelle dans les talks et influencent les discussions du lendemain à la machine à café. Discussions auxquelles prennent plus souvent part des suiveurs lointains, qui donneraient sans doute leur avis de manière aussi simpliste que les chanteurs ou acteurs si jamais ils accédaient à la célébrité, que des vrais mordus de ballon. Lesquels pourraient passer des heures, en vain, à expliquer que non, les arbitres français ne sont pas les plus nuls, que les clubs qui achètent des talents de dix-sept ans ne sont pas formateurs et que Busquets ne simule pas chaque week-end. Des idées ancrées par la répétition, l’absence d'observation sérieuse ou la puissance de certaines images.
 


Méthode du discours

Le football est de plus en plus diffusé et commenté. On voit ainsi émerger des passionnés, parfois très jeunes, qui accumulent une énorme connaissance du football actuel. Ils ne sont pas une bouée de sauvetage dans un océan de médiocrité, le journalisme écrit anglo-saxon démontrant chaque jour sa richesse, mais les exemples de ce fossé qui se creuse à mesure que les retransmissions se multiplient. Même si on peut désormais tout voir, une bonne partie des convictions du public ne repose sur rien, si ce n’est la confiance accordée aux "experts" supposés savoir mieux qu’eux.
 

Alors, peut-on parler de football sans en regarder? Tout le monde le fait, à différentes échelles. Et puisque cela semble incontournable, sauf à passer quotidiennement quinze heures à regarder un championnat spécifique, on peut toujours avoir quelque méthode. Trouver des sources sûres, si possible locales, pour s’informer sur un club précis et mettre en perspective avec ses propres observations. Mais, et c’est là le plus important, il faut garder la modestie de son avis. Il est utopique d’imaginer les vedettes médiatiques pondérer leurs sentences de "je pense" et de "il semblerait". Mais que cela soit appliqué par les fans lointains, ceux qu’on aime bien jusqu’à ce qu’ils drapent leur méconnaissance d’un manteau de suffisance, serait une belle avancée. Il ne viendrait en effet à personne l’idée de commenter un film à partir des critiques…

 

Réactions

  • mr.suaudeau le 08/11/2013 à 13h15
    Radek Bejbl
    07/11/2013 à 14h06

    "Quand je vois certaines productions, notamment une théorisation tactique de l'Athletic de Bilbao de 16 pages qui traîne dans mes favoris"

    Comme j'ai peur que tu te retrouves assailli de demandes et que je viens de le trouver et que bien entendu, ça porte sur l'Athletic version Bielsa :

    lien

    ------------

    "j'essaie d'imaginer un mec très calé (un coach par ex mais pas nécessairement) qui regarderait 100% des matches d'une équipe. A terme, je pense qu'il pourrait plus ou moins tout deviner des consignes. Les assistants vidéo des clubs doivent être particulièrement bons pour ça."

    Dans sa fameuse interview à So Foot (qui commence à dater mais je doute que le bonhomme ait changé ses habitudes), Suaudeau disait procéder ainsi : en début de saison il choisissait 2 ou 3 équipes en Europe et regardait tous ses matches. Bon, vu que maintenant c'est pour son plaisir, il se fait pas chier avec West Ham ou Evian TG mais l'idée est là : l'envie (et pour lui le besoin) de tout savoir et la mise en oeuvre du meilleur moyen possible pour y arriver.

  • Belmondo Bizarro le 08/11/2013 à 14h28
    Radek Bejbl
    07/11/2013 à 13h31
    ---

    Je ne t'accusais pas de faire de la philosophie de comptoir, au contraire je trouve que l'article parle plutôt intelligemment du problème (c'est aussi ce qui fait la qualité des articles des Dé-managers au passage). Je soulignais simplement qu'au fond, tu t'attaques à un problème philosophique qui n'a abouti qu'à une aporie depuis toujours, et je pense que tu t'en es rendu comte toi-même au moment de conclure.

  • plumitif le 08/11/2013 à 18h18
    Radek Bejbl
    07/11/2013 à 18h14
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    La discussion est un peu biaisée dans la mesure où le panel d'intervenants, journalistes ou pas, qui est questionné aux Cahiers va rarement aux matches.
    Ce qui donne par exemple le truc baroque au CFC qui consiste à ce que ce soit ceux qui sont sur le plateau qui glosent et font l'analyse, ceux qui sont au match étant juste pris à témoin.
    Donc effectivement si le panel c'est Ménès et Riolo et c'est quand même souvent le cas ici, et ben oui, entre les forumistes et eux, la différence c'est que eux sont connus vu leur hauteur d'analyse.

La revue des Cahiers du football