Peut-on être un bon entraîneur au PSG ?
Le PSG n'en finit pas de payer l'addition de ses talents, et reste plus un équipage qu'une équipe. Quel entraîneur pourrait y changer quelque chose ?
Au bout de plus d'une décennie de Paris Saint-Germain version qatarie, qui aura vu l'équipe à la fois progresser et plafonner, on peut débattre sur l'identité de l'entraîneur qui s'est le mieux sorti des nombreux pièges de sa fonction... Avec de grandes chances de désigner ce qui les a empêchés de faire mieux.
À son arrivée à l'hiver 2011, Carlo Ancelotti s'attelle à donner au club une nouvelle dimension sur le plan sportif et institutionnel. « J'ai trouvé une organisation globalement bonne, mais étant donné les objectifs que nous avions, il fallait s'améliorer rapidement, sous tous les aspects », raconte l'Italien, dans son livre Mes secrets d'entraîneur (Solar, 2015).

Après son départ, le discours sera plus tranchant : « À Paris, il fallait partir de vraiment très, très bas... Les Français n'avaient pas une mentalité de gagnants. L'entraînement était à 11 heures, ils arrivaient à 10 h 30, puis repartaient à 12h30 ou 13 heures Changer cela n'était pas facile. Il n'était pas évident de leur dire : "Vous devez rester après l'entraînement, manger sainement, boire sainement, vous reposer". »
Grâce au travail d'Ancelotti, le PSG franchit néanmoins un cap en accédant aux quarts de finale de la Ligue des champions, avec une élimination sans défaite contre Barcelone (2-2, 1-1). Malgré cela, la pression exercée par les propriétaires et, surtout, leur incapacité à prendre le temps de transformer le club en véritable institution ont rapidement raison d'Ancelotti.
Blanc ou la banalisation de la victoire
Après sa bousculade avec l'arbitre Alexandre Castro, Leonardo est également contraint de quitter le PSG, par la petite porte. Avant cela, il a permis de poser des bases solides grâce à un recrutement de qualité qui devait mettre le successeur d'Ancelotti dans les meilleures conditions. José Mourinho espéré, mais déjà en partance pour Chelsea, c'est Laurent Blanc qui vient s'asseoir sur le banc.
Le 25 juin 2013, l'ancien entraîneur de Bordeaux est donc nommé dans la position du « dernier choix » en raison des refus d'autres entraîneurs plus cotés. Malgré le peu d'engouement autour de sa personne, le Cévenol banalise la victoire sur la scène nationale avec trois titres de champion, deux Coupes de France, trois Coupes de la Ligue et autant de Trophées des champions. Soit tous les titres en jeu hormis la Coupe de France 2014.
Avec le recul, dire que sa contribution a été minimisée est un euphémisme. Au-delà des résultats, Blanc a surtout imprimé une identité au jeu parisien, fort d'un effectif cohérent. En témoigne notamment l'utilisation du trio Motta-Matuidi-Verratti, quasiment inamovible. Les statistiques des joueurs utilisés alors montrent combien l'ancien sélectionneur des Bleus a pu profiter du flair de Leonardo.
Quel travail aurait effectué Thomas Tuchel, par exemple, avec un tel effectif, comprenant par ailleurs des joueurs moins difficiles à entraîner, selon ses propres termes ? En octobre 2021, il explique : « Au PSG, j'avais l'impression d'être le ministre des Sports. Je devais aussi gérer la famille et les amis des stars. À Chelsea, je travaille bien plus calmement. »
Emery, moins fort que ses joueurs
Unai Emery devait, en théorie, concrétiser l'envie de produire un beau football. Mais le virage pris avec les arrivées de joueurs dotés d'une aura plus forte que celle de leur entraîneur (un entraîneur sans l'expérience de la gestion d'un vestiaire à gros ego), ainsi que la difficulté d'Emery à imposer ses idées à son groupe vont causer des dégâts irréversibles.
La gestion du match retour face à Barcelone en Ligue des champions - durant lequel Emery souhaitait évoluer avec un bloc haut et un pressing intense quand, sur le terrain, Thiago Silva faisait le maximum pour rester bas - illustre cet échec. « Emery ne nous a jamais demandé de reculer autant. C'est sur le terrain que cela s'est décidé », avait confié un joueur.
Le livre Révélation d'une révolution (Amphora, 2018) raconte comment Emery avait renoncé à aligner Kimpembe plutôt que Thiago Silva, et même à remplacer le second par le premier en cours de première mi-temps. Si le Basque est un bon entraîneur, il n'avait probablement pas les épaules pour exercer pleinement ses prérogatives, son statut ne faisant pas le poids face à ceux de ses "cadres".
Après deux saisons à Dortmund, Tuchel rejoint le PSG en mai 2018. Malgré un titre de champion de France pour sa première saison, le club de la capitale chute une nouvelle fois en Ligue des champions dans les circonstances d'une seconde remontada face à Manchester United lors du match retour, au Parc des Princes (1-3).
Tuchel jusqu'au burn-out
Les propriétaires du club, alors agité par diverses polémiques, décident de remettre de l'ordre et rappellent Leonardo au poste de directeur sportif, six années après son départ, avec un statut implicite d'homme providentiel.
Malheureusement pour Tuchel, ce retour coïncide avec celui des luttes de pouvoir entre l'entraîneur et son directeur sportif. Le 23 décembre 2020, malgré l'accession historique à la finale de la Ligue des champions, l'été précédent, le technicien allemand est remercié. La décision peut paraître discutable, et son timing cruel, mais Tuchel semble alors proche du burn-out.
En 2011, lors de son arrivée en tant que directeur sportif, Leonardo avait expliqué : « Ce qu'ils ont envie de faire (QSI), c'est du long terme. Ils n'ont pas envie d'acheter dix Messi et de voir ce qui se passe. Ce n'est pas comme ça que cela marche, qu'on construit une équipe. »
Aujourd'hui, même si le PSG n'a pas acheté dix Messi, son recrutement s'est plus que jamais tourné vers les stars. Avec plus d'opportunisme que de réelle ligne directrice. Énorme coup médiatique et politique, l'arrivée de Lionel Messi n'a pas eu, pour l'heure, de bénéfice sportif. On y voit surtout un handicap supplémentaire pour le projet de jeu, et un nouveau problème de statut à gérer pour Mauricio Pochettino.
« Il faut être kamikaze »
L'emprise du marketing sur la stratégie sportive se complique d'une politique de recrutement qui réside plus dans les "coups" de Leonardo qu'elle ne manifeste une véritable ligne directrice. D'autant que l'incapacité récurrente à vendre des joueurs, au mépris des engagements du club, ne facilite pas la gestion de l'effectif.
Même les coups sont d'un rendement discutable. Recrutements jugés judicieux l'été dernier pour combler des lacunes patentes, Wijnaldum, Hakimi ou Nuno Mendes - sans parler de Sergio Ramos - apparaissent loin d'exprimer leur potentiel. Le PSG reste une compilation de joueurs incapable de former une équipe plus forte, ou simplement aussi forte que l'addition de ses talents [1].
Récemment, Nicolas Anelka expliquait : « C'est vrai, jusqu'à présent, [Pochettino] n'a pas apporté ce qu'il devait apporter : il n'y a pas de projet de jeu. Mais en vérité, il ne peut pas le faire. Et tout le monde sait pourquoi. Il y a beaucoup de gens qui parlent sur le coach et sur les joueurs. Quand tu es coach (à Paris), c'est très difficile de venir avec un projet de jeu ».
L'ancien joueur de Chelsea et du PSG ajoute : « Il faut être kamikaze [pour faire des choix forts], et peut-être que ce n'est pas un kamikaze. (...) S'il veut développer son jeu -, il est obligé de faire des choix forts. On sait de quoi on parle quand on dit "il n'y a pas de replis défensifs", on sait qui est pointé du doigt. Mais [mettre une ou deux stars sur le banc], il ne le fera pas, je pense. Parce que, même s'il veut le faire, sa direction lui dira quelque chose. »
Plus de doutes que de certitudes
C'est bien ici que le bât blesse : de quelle liberté dispose un entraîneur au PSG pour imposer ses idées, surtout s'il est un choix du président et non du directeur sportif, qui souhaitait Allegri ? Aujourd'hui, Pochettino doit composer avec une star qui se blesse régulièrement (Neymar), une autre sur le départ (Mbappé) et, donc, un Messi ombre de lui-même. Avec pour obligation, s'ils sont disponibles, de les aligner...
Alors, qui peut prétendre au titre de meilleur entraîneur parisien de l'ère QSI ? Malgré sa dernière élimination en C1 face à Manchester City (et son fameux 3-5-2), Laurent Blanc semble être celui qui s'en est le mieux tiré, bien que Tuchel puisse faire valoir sa finale de la Ligue des champions. Or Blanc est celui qui a disposé de l'environnement le plus favorable, quand le sportif semblait encore passer au premier plan. La question est plutôt : peut-on être un bon entraîneur au PSG ?
Si le club peut faire valoir les paliers franchis sur la scène européenne lors des deux dernières saisons, il s'avance à l'aveuglette vers la fin de celle-ci, qui lui assure déjà un titre national, mais lui laisse plus de doutes que de certitudes sur la suite de son parcours en Ligue des champions.
Ces doutes ne suffisent pourtant pas à liquider ses espoirs. Après tout, Chelsea a bien été champion d'Europe (2012 et 2021) quand on l'attendait le moins, et le Real quatre fois dans les années 2010 sans étinceler dans le jeu. Mais pour imaginer que ce PSG, qui navigue à vue avec un entraîneur qui ne tient pas vraiment la barre, atteigne la terre promise, il faut beaucoup de foi dans les aléas du football et le talent des individualités.
[1] Cf. l'incapacité à servir Hakimi, pourtant auteur de nombreuses propositions sur son flanc droit, lorsque Messi est présent sur le terrain, que ce soit dans l'axe ou à droite - le jeu passant continuellement par l'axe, où il s'enlise.