Ode à la Ligue 2
Moins belle que la Ligue 1, snobée par tant de monde, l'antichambre de l'élite a pourtant ses qualités. Il faut simplement apprendre à l'aimer...
Ma chère Ligue 2...
Ce soir, en ton sein, vient de faire un pas important vers ta grande sœur, belle et pimpante, nommée Ligue 1, un certain Gazélec d'Ajaccio.
Il n’y a que toi pour nous faire des trucs pareil, et ce qui rendrait fou tous nos voisins me fait, encore une fois, chavirer de bonheur.
T'es une vieille dame, ma p'tite Ligue 2... Quarante-cinq ans déjà, quand un soir d'été 70, quarante-huit équipes sont venues fêter ta naissance, en remplacement de la vieille acariâtre qui n'en faisait qu'à sa tête en ne laissant entrer personne d'un peu suspect, pas trop professionnel... Mais grâce à toi, fini le délit de sale gueule et de pauvreté.
Libre et accueillante, plein de petits Français ont appris la géographie par ton truchement. Tes courbes généreuses, allant des plaines du Valenciennois aux montagnes corses, ont toujours su faire découvrir à qui s'intéresse à toi des endroits où l’on ne s'arrête que pour faire le plein en allant, par millions, se jeter sur le béton azuréen entre juillet et août...
On ne va pas déterrer les archives du forum et des articles des Cahiers, on a déjà causé ici de ces patelins improbables à qui tu t'es généreusement offerte, et qui avaient fait l'objet d'un "Top 11" quand des esprits étriqués et chagrins décidèrent que non, tu ne dépucellerais pas Luzenac. Trop p'tit pour connaître les bonheurs charnels que tu aurais pu offrir...
Mais, Ligue 2, tu as su offrir à une plus belle que toi ces courtisans méritants, ces amours d'une fois, partis se prendre pour des princes dans un Parc l'espace d'une année: Istres, Châteauroux, Arles-Avignon, Gueugnon, Niort, Boulogne-sur-Mer. Il y a même des gars de Martigues, de Laval et de Guingamp qui s'y installèrent, dites donc...
Alors cette année, amoureuse, romantique, insoumise aux diktat de l'argent et des stades surdimensionnés, voilà que tu nous envoies le Gazélec, comme un doigt fièrement tendu à ceux qui aspirent à normaliser ce qui ne le sera jamais: le sport et son mérite, ses résultats parfois hermétiques aux lois des budgets et des économies libérées.
Pour cet anti-conformisme, cet acharnement à nous rappeler que la promotion n'est pas qu'une simple affaire de pognon, je crois que tu es la dernière des romantiques, et je crois donc que plus qu'une autre, tu t'approches de l'esprit porté par les Cahiers du Foot, magazine du foot et d'eau fraîche.
Moi, c'est pour ça que je t'aime... Même vieille, même mal foutue au niveau du calendrier, même délaissée par des spectateurs, qui, les pauvres, ne savent pas ce qui est bon... Ça fait plus de trente ans que tu fais partie de mes week-ends, et je ne me lasserai jamais de me jeter dans tes bras, peu importent les regards obliques des passants honnêtes... T'es ma cougar à moi.
Chère Ligue 2, je te remercie des Ajacciens, qui ont toutes les chances d'aller se fracasser chez la donzelle d'en haut, en se faisant casser la figure par les habitués de ses jupes, jaloux et peu partageurs. J'en connais même qu'il a fallu faire descendre de force... Mais ce Gazélec-là va aller déployer une magnifique banderole sous la moustache de certains, avec écrit dessus “C'est le sport qui décide, et on vous emmerde…”
Il n'y a que toi pour nous faire des trucs pareils.
Et c'est pour ça que je t'aime.
Au passage, je te signale que pour les remplacer tes Gaziers, il y a des gens venus de la Bresse, que ta collègue de travail nommée Coupe de France connait bien, qui sonnent au bas de ta porte. Tu serais bien urbaine de lui balancer par la fenêtre un extrait du Code Civil, qui leur permettra de t'épouser dans les règles de l'art. Oserai-je te rappeler que des Ariégeois ont crevé sous ton porche cet été, et que tous ici, je crois, on aimerait bien que cela reste un accident, que ça ne devienne pas une habitude, quoi...
On sait que ce n'est pas de ta faute, que ton mari – polygame de surcroît – n'aime pas que tu te fasses trousser par n'importe qui... Mais bon, faut pas que tu te laisses impressionner. Quand on a aimé Montmorillon, on peut aimer tout le monde.