Le football français est malade de ses "grands clubs", qui ont accumulé les déboires ces dernières années. Parfait contre-exemple de cette élite en crise, l'Olympique lyonnais doit encore conquérir un statut de grande équipe populaire. Par l'Europe et par le jeu?
Une élite déconfite
Pour expliquer le déclin européen du foot français, l'arrêt Bosman, la fiscalité ou le coût du champion de monde ont eu bon dos, et plus souvent qu'à leur tour. Ces facteurs sont pourtant impuissants à expliquer les incroyables errements de nos présumés "grands clubs", ceux-là mêmes qui auraient dû assurer le rang du foot national. Le défilé de joueurs et de millions dont ils ont été la scène auraient assuré des résultats probants à n'importe quel club "normal". Aujourd'hui que tous les crédits ont été consommés, le PSG et l'OM, meilleurs spécialistes de la catastrophe industrielle à la française, sont aujourd'hui à la fois le dos au mur et au fond de l'impasse. Cas toujours particulier, l'AS Monaco semble moins aux abois, bien que le système Campora soit en train de jouer sa pérennité (et que la carrière d'entraîneur de Didier Deschamps soit déjà arrivée à un tournant décisif).
Lyon en quête de reconnaissance
Dans ce contexte un peu désolant, un club obtient des résultats à la mesure de ses investissements et se présente aujourd'hui comme un incontestable chef de file. Et si l'OL a parfois semblé devoir poursuivre éternellement ses rêves de grandeur, il ne saurait tenir lieu de roi borgne au pays des aveugles. Enfin champion de France, le club rhodanien semble en effet en mesure d'asseoir une de ces suprématies durables qui ont fait défaut au foot national ces dernières années.
Assis sur des bases solides, ayant bien administré sa croissance, l'OL doit encore partir à la conquête de ce qui lui fait le plus cruellement défaut: une cote d'amour en rapport avec ses mérites sportifs. Handicapé par un président aussi sympathique qu'une blennorragie, il lui faudra encore lutter pour y parvenir. Jean-Michel Aulas est tellement omniprésent (et ses interventions si souvent détestables) que son image rejaillit forcément sur celle de son club, aussi injuste soit ce transfert (voir
Aulas et l'OL : destins liés). Il n'est cependant pas la seule cause de cette difficulté à susciter les passions, pas plus que la tiédeur stéréotypique de la ville elle-même.
L'échelle de l'Europe
Le fait qu'aucun entraîneur n'ait pu laisser une empreinte durable, et surtout le temps mis à décrocher des titres sont des éléments certainement plus significatifs. Remarquablement régulier, l'OL n'a pas marqué les esprits avec une vraie suprématie sportive, et surtout il n'a pas réussi, malgré quelques coups d'éclat en Ligue des champions, de vrai grand parcours européen. La France du foot n'entretient d'histoire d'amour véritable avec ses clubs que lorsque ceux-ci la gratifient de mémorables épopées européennes. On a hélas souvent souligné le manque d'ambition étonnant exprimé par le président lyonnais dans les compétitions de l'UEFA, et récemment encore il avouait préférer une formule de Ligue des champions qui lui laisse moins de chances mais qui paye mieux (voir
L'Europe sauvée des sots).
Aujourd'hui, l'OL n'a plus d'excuse. Il a une expérience conséquente, disputé des matches de référence, assuré une continuité sportive, et son effectif lui interdit les complexes (en dehors peut-être de la défense centrale, mais on laissera cette obsession à d'autres collègues — voir
L'action de la 1e journée). Et si la sacro-sainte logique économique doit être respectée, le budget de Lyon l'envoie au minimum en quarts de finale.
L'ambition du jeu
Malgré une attaque flamboyante sous l'ère Anderson, on a fréquemment reproché aux équipes de Lacombe ou de Santini un certain manque de panache et un style général plutôt austère. L'arrivée de Paul Le Guen avec une volonté manifeste de projeter sa formation vers l'avant et de laisser les clés aux techniciens répond sans doute à l'envie d'obtenir une autre forme de respect en suscitant l'enthousiasme et en s'identifiant à un style brillant. Nul doute qu'un OL conquérant, si cette démarche ne compromet pas les résultats — il faut trouver le juste dosage dans un championnat qui ne récompense pas forcément l'audace) — constituerait la meilleure arme de séduction possible pour rallier les foules. Un peu à la manière du
Boring Arsenal, l'OL parviendra-t-il à se métamorphoser en symbole du football spectaculaire?
Condamné à progresser, l'OL doit à la fois consolider son statut national — l'obtention d'un second titre consécutif serait un très gros coup, inédit dans la dernière décennie — et conquérir un statut européen, celui d'un club capable d'écrire son histoire sur le continent. Sur le terrain politique, l'Olympique lyonnais vient de se voir accorder un privilège hautement symbolique, avec son admission dans le G14. Les dirigeants du PSG ayant levé leur veto, plus rien ne s'opposait à l'entrée de Jean-Michel Aulas dans un cénacle où son activisme ultralibéral sera sans nul doute apprécié. Reste à exprimer ce rayonnement nouveau sur les pelouses.