Aulas et l'OL : destins liés
On a souvent évoqué la contradiction entre la qualité de la politique sportive et des résultats de l'OL, et son flagrant déficit de popularité, qu'il est assez tentant d'attribuer à l'antipathie généralement suscitée par Aulas.
Un parcours compliqué
On ne peut pas dire que la saison 2001/02 du club rhodanien ait été euphorique de bout en bout. Elle avait commencé sur fond de tensions internes entre les dirigeants et Jacques Santini, qui avait notamment été contrarié par le départ de Steve Marlet. Il est vrai que le transfert de l'international français pour Fulham était une grosse prise de risque. Mais finalement, les alternatives Née (blessé) et Luyindula (rarement titulaire) n'ont même pas été décisives, les progrès de Govou venant compenser cette absence.
Quelques polémiques planèrent aussi sur une défense centrale coupable d'errements, mystiques dans le cas d'Edmilson, et l'on vit même, au moment où les espoirs de titre semblait s'être évaporé en même temps que l'élimination de toutes les coupes, une fronde des supporters dirigée contre le discours tout-business du club et ses piètres résultats.
L'attitude ambiguë du président envers son entraîneur, dont il donnait constamment l'impression de préparer la succession n'arrangeait pas les choses.
Mais malgré un Carrière qui n'a pas refait une aussi bonne saison que celle du titre nantais, un Juninho inconstant, un Edmilson décevant et un Anderson souvent blessé, les Blancs sont revenus de tout, et surtout revenus sur Lens au terme d'un final une nouvelle fois brillant. Il a presque fallu qu'ils soient hors course pour se libérer vraiment, donnant enfin la pleine mesure de cette grosse équipe qu'ils ont parfois su être, notamment à Gerland.
Un président difficile
Au centre des nouvelles polémiques sur l'arbitrage mais aussi des épisodes pathético-politiques de la Ligue, plus que jamais omniprésent dans les médias, le président lyonnais sort vainqueur de la saison, et cette victoire vient pour une fois du terrain. Il débarrasse ainsi son club d'un certain complexe d'infériorité qu'il a contribué à entretenir, bien qu'il prétende que ce sont ses grandes ambitions qui sont la cause de son impopularité. Jusque dans les jours précédant la "finale", son insistance à mettre en valeur la régularité et le "mérite" de l'OL, sa place de "meilleur club" sur les cinq dernières années, ressemblait ainsi à une ouverture de parapluie.
Mais ce fut surtout l'expression d'une certaine fatalité devant la prétendue infériorité économique des clubs français sur la scène européenne qui suscita cette impression de modestie mal placée. L'OL avait les moyens ces deux dernières saisons de (mieux) jouer dans la cour des grands, et son élimination peu glorieuse cette année face à Liberec a prouvé a contrario que les moyens financiers ne décident pas de tout.
Il semble cependant que l'image dépréciée de JMA n'ait pas eu que des effets négatifs, et puisque que son impopularité parut s'étendre à l'équipe, celle-ci, particulièrement au cours du sprint final, sembla en effet trouver une certaine motivation dans le sentiment d'être mal-aimée, oubliée des Oscars du football de Canal+ et pas même donnée favorite pour le titre par les autres joueurs… Avec Santini comme entraîneur, la théorie de l'injuste mépris avait de quoi mobiliser les joueurs et rallier les supporters.
Une indispensable consécration
Tant que l'OL ne parvenait pas à obtenir un titre majeur, il pouvait rester la cible des ironistes, et même la Coupe de la Ligue remportée en 2001 avait été matière à sarcasmes devant la joie qu'elle avait suscitée. Mais aujourd'hui Aulas peut s'enorgueillir d'avoir eu raison, et de voir quinze ans de règne enfin consacrés, de la plus belle des façons. La continuité qu'il a assurée, de même que l'équilibre financier et la pertinence de la plupart de ses choix sportifs font de l'Olympique une bienfaisante exception culturelle ans le paysage français, d'autant plus valorisée que le contraste est saisissant avec Paris, Monaco ou Marseille.
Enfin convertie en titre national, cette irrésistible progression demande à être consolidée. Cet objectif implique par exemple de conserver l'essentiel de l'effectif et de franchir une étape en Ligue des champions. Jean-Michel Aulas évoque un huitième de finale… C'est en tout cas sur la scène européenne que le club parviendra à conquérir cette popularité nationale qui lui fait défaut.
Il reste une inconnue. Comment l'OL vivra-t-il une saison d'après-titre qui a été douloureuse pour la plupart des lauréats des précédentes éditions. Dénué d'expérience en la matière, fera-t-il exception? Dans ce cas, il aura alors fait définitivement la preuve d'une stabilité absolument exceptionnelle dans le football français et pour peu que de nouvelles consécrations d'ajoutent à celle-ci, on pourrait bien renouer avec une période dominée par un club capable de se maintenir au sommet.
Cette victoire n'aura pas seulement des conséquences pour l'OL si elle renforce la position d'Aulas dans les arcanes du football national. La reconnaissance de l'indéniable réussite du modèle lyonnais pourrait renforcer la légitimité de ses aspirations pour la gestion des ressources du secteur professionnel. On devrait pouvoir mesurer cet effet au travers de la politique qu'impulsera le probable futur président de la Ligue, Frédéric Thiriez. Le titre 2002 ne modifie cependant pas le rééquilibrage de cette instance, ni surtout la dépression économique qui menace l'ensemble du football européen. Mais pour peu que la majorité issue des élections législatives confirme un gouvernement de droite, les actions de Jean-Michel pourrait fortement remonter, jusqu'à le voir introduire en bourse celle de l'OL…