Si le départ massif des Africains de Lens, mobilisés par la CAN, n'est pas forcément une catastrophe, il est au moins l'occasion de faire un point sur la saison paradoxale du Racing…
Malgré sa position en bonne place dans le ventre mou et ses courageuses qualifications dans les coupes nationales, le Racing Gaillette traverse une période difficile avant l’exode de ses joueurs africains concernés par la Coupe d'Afrique des nations. Cette problématique attendue (voir la
Fiche du Racing) devrait enfin trouver une réponse entre embûches glacées et marronnier chaud.
African United ?
L’African touch a eu son heure de gloire lors du mondial 2002. Aujourd’hui, la qualité du contingent africain peut décevoir les supporters lensois. Cette année, malgré les stéréotypes sur une équipe composée de jeunes athlètes, c’est le niveau inégal de ces internationaux qui transpire des résultats artésiens. Ils seront six à huit à quitter l’hexagone, pendant quelques semaines seulement (sans doute le cas du Guinéen Jabi), pour le mois entier plus sûrement pour les Nigérians, Sénégalais et Camerounais qui comptent parmi les favoris de la compétition. Toutefois, le jeune Diane, brillant récemment, ne sera sans doute pas retenu en sélection marocaine. En revanche, à l’inverse du Burkinabé Dagano que Le Graët est heureux de voir quitter la Bretagne quelques semaines, Bakari restera.
Ces départs représentent un peu moins de 50% des dix-huit joueurs "de base" de la formation de Muller, et quatre à cinq des dix titulaires de champ… Attention tout de même à des conclusions trop hâtives, tous n’ont pas le même rendement. Surtout quand, à l’image de Keita ou Utaka, ils sont rarement alignés au même poste deux matches de suite (Keita à tous les postes du milieu, Utaka sur tous les côtés du secteur offensif, attaque comme milieu).
Si l’on observe les performances les plus pitoyables des lensois cette année et, notamment, les six déroutes à l’extérieur, on s’aperçoit de l’omniprésence des canistes, ce qui pourrait presque être un bon signe pour janvier.
|
Surtout, à la lecture de ces modifications d’effectif, on reconnaît la clairvoyance des propos de Joël Muller à l’issue de la 2e journée. Dans L'Équipe, il avait noté:
"Nous avons pour l’instant une équipe sans point fort qui doit trouver une ossature. Il y a peut-être de la bonne volonté, mais pas de liant. Il faut retrouver de la consistance et du talent". Le coach a tout essayé, au point de causer dépressions et disputes chez les infographistes du quotidien sportif. À domicile comme à l’extérieur, en championnat comme en coupe, il a aligné des défenses à quatre ou cinq, des milieux protéiformes voire informes, des attaques tantôt monolithiques (Bakari), parfois en duo et souvent, en triptyque avec Thomert et Utaka en ailiers. Surtout, Muller a dû faire composer avec les absences de Bak, Coulibaly et Diagne Faye: c’est le jeune et inconstant Jabi qui a été posté le plus souvent sur le côté droit de la défense.
Début novembre, l’entraîneur lensois maintenait pourtant sa confiance à un groupe qu’il
"[laissait] vivre ensemble, simplement" pour affronter un
"mois […] décisif pour toutes les équipes. Les clubs qui l’auront bien passé auront le moins de problèmes d’effectif, de blessure, de suspensions". À l’image de l'élimination en Coupe de l'UEFA, novembre ne souleva pas beaucoup d’enthousiasme chez les supporters. De l’extérieur, on subodore les conflits dans l’effectif, conséquence et/ou cause de l’irrégularité de ce groupe pourtant talentueux. L’attitude de Coridon, par presse interposée, symbolise le mieux la saison du Racing. Tout aussi inconstant voire inconsistant que ses collègues, il a râlé contre son transfert avorté, réclamé une prime "indécente" (1) et sollicité son départ. Comme ses petits camarades du milieu, il a été essayé partout et a su parfois se montrer brillant. C’est d’ailleurs le paradoxe de cette équipe, capable de l’emporter au Parc ou de renverser la tendance dans les pires conditions comme lors de sa victoire à Bollaert contre Montpellier.
Mercatotal recall
Malgré les déclarations de Muller qui estime avoir anticipé la CAN, Didier Sénac a testé les sièges des tribunes de nombreux stades. De quoi permettre à France Football de déclarer 80 % des partants potentiels de tous les clubs comme de possibles lensois... beaucoup de noms plus ou moins exotiques dont on connaît le probable destin (2) L’entraîneur se fait d’ailleurs peu d’illusion:
"À moins que la période des transferts nous permette de prendre un ou deux joueurs, on fera avec l’effectif qu’on a. Pour des raisons aussi bien sportives qu’économiques, nous n’avons pas beaucoup changé l’effectif depuis un an et demi". Du côté de la Gaillette, on pronostique plutôt des renforts internes avec les émergences éventuelles de jeunes inconnus (Ekani, Plessis, Assou Ekoto, Khiter, Furtado, Kaïssi, voire l’espoir déçu Barul).
Le président Martel joue quant à lui l’ambiguïté. Après avoir confirmé deux arrivées, il a changé de discours dans L'Équipe du 20 décembre:
"Nous ne recruterons qu’en cas de départ. De toute façon, remplacer les Africains retenus par la CAN me semble difficile. Quand ils reviendront, on fait quoi avec ceux qui viendraient nous rejoindre, on crée une équipe corpo?" . Une simple stratégie pour faire baisser les prix ? Dans l’ambiance délétère précédemment décrite, c’est peut-être Muller qui pourrait être le premier partant. Car, rien a changé depuis l’épique 3-2 arraché à domicile contre Montpellier, à l’issu duquel le fruité Gervais avait déclaré que c’était
"aux joueurs et à l’entraîneur de réfléchir pourquoi l’équipe est inconstante" (3).
En admettant la bonne foi présidentielle, il pourrait donc y avoir un renfort par ligne, puisque après l'exil de Bruno Rodriguez à Metz, les partants les plus probables sont Cyril Rool, en colère contre la France entière (arbitres, médias…) et Pape Sarr, souvent écarté du groupe. Dans ce cas, de nouvelles arrivées apparaîtraient légitimes puisqu’il faut se rappeler que, lors des précédents marchés, le RC Lens a compensé en interne des départs aussi significatifs que ceux de Coly, Z. Camara, Blanchard, Pédron et Sibierski.
La défense est le secteur le plus appauvri : l’entraîneur ne disposera que de très peu de solutions si Song, Jabi, Faye et Coulibaly partent en Tunisie. Ils constituent l’ossature d’une défense aussi solide l’année dernière (3e défense du championnat) que friable cette année. En défense centrale, il n’y aurait que le tandem Fanni-Bak pour ne pas ressembler à une brigade anti-criminalité des surfaces. Le côté droit serait tout aussi démuni. Au milieu, la paire Rool-Coridon a offert une prestation intéressante contre Bordeaux... Le point faible le plus criant des Lensois cette année reste l’attaque. Bakari n’a remplacé que l’autre Baka dans les gazettes, mais pas Sibierski. L’an passé, celui qui a rejoint la perfide Albion était dans le coup de 40% des buts, tout comme son pendant Moreira, Utaka étant lui aussi, dans une moindre mesure, décisif. Le triumvirat qui faisait les décisions est dissous. Bref, un nouvel espace pour un retour de Vairelles?
(1) Les dirigeants lensois avaient qualifié ainsi la demande formulée par Coridon qui voulait une prime pour qualification européenne alors que Lens ne s’est qualifié qu’après tirage au sort et à son rang au classement du fair-play.
(2) L’an passé, aucun des gardiens, défenseurs, milieux et attaquants présumés ne sont devenus lensois alors que le seul arrivant (Vairelles, prêté) ne faisait même pas partie de la liste.
(3) A l’époque, Joël Muller s’était fendu d’un "je n’ai pas la réponse".