La Gazette, numéro 51
Une coupe amère
Si vous êtes partis en vacances en croyant rater tous les buts et les exploits des deux finales programmées cette semaine, vous voilà rassurés. Le magnétoscope s'imposait, avec avance rapide jusqu'aux prolongations, durant lesquels les crampes nous réservent toujours quelques occasions, plus ou moins claires. Et le rituel des penalties, c'est l'assurance d'une fin dramatique, un peu comme la mise à mort du taureau. Heureusement, même médiocres techniquement , les finales racontent toujours des histoires.
On pourra s'étendre sur la qualité de l'affiche du Stade de France et en tirer les habituelles conclusions sur l'état du foot national, mais il n'est pas très surprenant que la finale de la Coupe de France, qui obéit à une pure logique sportive (un tournoi national dans lequel toutes les équipes du pays sont engagées), produise deux prétendants aussi surprenants. En comparaison, la Coupe de la Ligue, qui obéit à une logique plus économique (limitée aux clubs pro, avec des carottes à tous les tours), oppose depuis sept ans des clubs de l'élite (à l'exception de Gueugnon). Cette dernière n'aura pourtant jamais le prestige et la caractère mythique de sa grande sœur (sauf à Lyon, où elle vaut trois Coupes d'Europe, ou dix-huit ans de palmarès).
Le Racing Club fait un vainqueur doux-amer, et il y a eu moins de monde à Strasbourg pour acclamer les vainqueurs qu'à Amiens pour rendre hommage aux vaincus. Chilavert s'offre à bon compte sa rédemption : il a réussi le penalty qu'il a tiré et en a arrêté un autre, ce qui n'a rien d'extraordinaire pour un gardien pendant une séance de tirs aux buts. Mais s'il reste en Alsace la saison prochaine, le Paraguayen nous montrera qu'il a vraiment du courage.
Faux passeports et classement : épilogue ou prolongations?
La FFF a finalement renoncé à son pourvoi en cassation, contre les décisions du tribunal administratif de Toulouse qui a rendu trois points au TFC, et celui de Lyon qui en a restitué sept à l'AS Saint-Étienne. En fait, ces décisions, miraculeusement, ne remettent pas en cause les qualifications européennes et les relégations. Alors si les procédures pouvaient s'arrêter là, l'homologation du classement (actuellement "sous réserve des procédures en cours — la Fédé reste prudente) serait définitive et les instances seraient absolument ravies de pouvoir, enfin, tirer le rideau sur une saison rocambolesque.
Les seules procédures encore dangereuses sont celles du TFC concernant l'autre match (nul) qui l'avait opposé à l'ASSE le 12 août et sa défaite contre Metz le 25 novembre. Les Toulousains peuvent s'imaginer avoir gain de cause et se retrouver à la 14e place. Mais cela relancerait l'engrenage judiciaire, la Fédération risquant de se présenter devant le Conseil d'Etat. De son côté, Proisy a annoncé trois recours similaires, deux contre Metz et un contre Saint-Étienne, ce qui ne manque pas de culot de la part du club qui a hébergé Diego Daray, premier cas révélé de faux passeport. Mais le Toulouse FC et le Racing semblent tout de même résignés à leur sort et ils n'ont de toute façon pas trop intérêt à suspendre leur activité dans l'attente des suites, avec le danger de très mal préparer leurs saisons, qu'elle soit en D1 ou en D2.
En attendant, certains serrent les fesses en espérant que ça passe.
La dernière tentation du Suisse
Un micro-climat très délétère s'est installé au-dessus du président de la FIFA depuis l'annonce de la faillite d'ISMM-ISL, et l'échec de la reprise par Vivendi, effrayé par l'ampleur des pertes et les délais très réduits pour mettre en place une organisation capable de gérer les droits télé et marketing de la prochaine Coupe du monde. C'est de cette urgence qu'hérite la FIFA, avec l'obligation de rendre très vite opérationnelle sa nouvelle structure interne (qui récupère tout le marketing de la FIFA, pas seulement celui des CM). L'annulation du championnat du monde des clubs prévu en août a montré que celle-ci n'est pas prête et que la Confédération s'est mise dans l'embarras sur ce dossier crucial, puisque de lui dépendent une bonne partie de ses ressources.
Les révélations sur la gestion catastrophique d'ISMM démontrent d'abord la légèreté dont elle a fait preuve en accordant une confiance aveugle à son sous-traitant (qui risque même d'entraîner quelques banques dans sa chute), mais surtout elles amènent leur cortège de découvertes certaines pratiques occultes. Après avoir été accusé par la presse allemande d'en avoir profité, Blatter a dénoncé l'existence de comptes noirs dont ISMM se serait servi pour gruger la FIFA de quelques centaines de millions de francs, et il dément les accusations de corruption. Bien que sa responsabilité soit très loin d'être engagée, le Suisse voit sa position précarisée, à un mois d'un congrès crucial à Buenos Aires et à un an de ce qu'il espère être sa réélection. Les liens consanguins qui unissent la FIFA, Adidas et ISMM sont à nouveau dénoncés, et l'UEFA a exigé des explications sur cette soudaine bérézina juridico-financière, à l'occasion d'un comité exécutif extraordinaire convoqué le 12 juin prochain.
La plus grande crainte de Blatter concerne certainement tous les placards et tiroirs qui vont s'ouvrir au fur et à mesure que les contrats déjà conclu par ISMM seront révélés, ainsi que d'autres probables anomalies de gestion. La banqueroute du groupe de marketing sportif est-elle la chute du premier domino?