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Jouer c'est tromper

Et si, dans les simulations, le vice et les tromperies, il y avait quelque chose d'aussi précieux que le football...

Auteur : Paul-Adrien Champeau le 11 Avr 2013

 


Sombrement assujettie à une vision manichéenne des décisions individuelles, la tromperie est enfermée dans une perception péjorative et réductrice de ce qu’elle englobe (cantonnée à la simulation, bien souvent). Etymologiquement, tromper désigne le fait d’échapper à quelqu’un, à sa vigilance, à son attention, les déjouer par la ruse, la feinte.
 

Ce rappel sémantique posé, le champ d’application de la tromperie s’avère bien plus vaste que le sens que lui ont attribué trop longtemps les commentaires footballistiques. De l’entraîneur qui essaie de surprendre son homologue à la feinte de frappe d’un attaquant, la tromperie est polysémique et constitue le dénominateur commun de nombreux aspects d’une rencontre. Et parce que ce terme est victime d’une utilisation galvaudée, nous nous attacherons à lui rendre l’ensemble des sens qu’il recouvre. Une fois ce renversement de nos présupposés effectué, la tromperie pourra livrer ses enjeux et ses enseignements.
 


Répétition et improvisation

Le football est l’art de la tromperie. Un même but poursuivi, mais plusieurs façons d’y parvenir et différents acteurs impliqués. D’une part, elle peut sublimer son auteur car elle est un éclat de grandeur. Elle magnifie le joueur qui l’exécute et révèle la noblesse des potentialités humaines. Il s’agit de la feinte, du dribble. Faire croire à son adversaire que l’on se dirige à droite pour prendre la tangente d’un crochet inattendu. C’est l’inexpugnable charme de la tromperie. Elle induit en erreur l’adversaire en s’appuyant une compétence particulière, sur l’expression d’une capacité technique. L’attaquant qui effectue ce crochet échappe à la vigilance de son gardien. Elle est alors l’éloge d’une inspiration brillante ou plus généralement celle de l’abnégation, d’une obstination personnelle à parfaire son geste pour le rendre impossible à contrer. Quand le joueur met tout en œuvre pour faire de son geste, le geste absolu.
 

 



 

À l’inverse, il y a la tromperie qui exprime l’autre facette de l’être humain. Celle que l’on a tendance à mépriser, souvent lorsque l’on en est la victime. Mais elle ne doit pas nous paraître étrangère car elle est l’expression de notre ambivalence. Elle est considérée comme immonde, mais elle est humaine. Il s’agit du vice qui permet de tromper l’arbitre à son avantage et de condamner l’adversaire à un rôle de spectateur, victime impuissante. Le vice dans le football, c’est l’art de tromper de manière spontanée. Non pas que le crochet d’un attaquant ne soit pas instinctif, il est le fruit d’une intériorisation quasi-mécanique d’un même geste jusqu’à ce qu’il soit réalisé sans réflexion. En revanche, avec une tromperie qui s’appuie sur le vice, il n’y a pas d’entraînement, pas de sacrifice pour rendre son geste le plus complet possible.
 

C’est un joker, celui que l’on décoche quant on ne peut plus lutter "à la régulière". Il exprime un instinct de survie dont le but est d’empêcher l’autre de passer, voire de marquer selon la situation de jeu. Il demeure un dernier recours pour préserver ce qui constitue la chose la plus précieuse pendant 90 minutes. Ce geste est défendable parce qu’il est humain mais il est également beau parce qu’il est impulsif. Il est de l’ordre de l’intuition que Jorge Valdano définit comme étant "l’expression rapide de l’intelligence". Ce même Valdano précise ensuite au sujet des footballeurs "qu’il ne faut jamais sous-estimer leur intelligence sauvage". [1]
 


Une hiérarchie de la tromperie ?

Tromper en utilisant le vice serait moins flatteur car cette tactique ne récompense pas un esprit d’initiative tandis qu’elle gratifie la transgression. Cependant, cette filouterie est souvent une prise de risque. Proche du bluff, elle peut être sanctionnée et le défenseur pourra, par exemple, prendre sur lui la possibilité d’être exclu plutôt que de laisser un attaquant marquer. Outre le dévouement dont elle témoigne, elle possède la bravoure de celui qui n’hésite pas à remettre son destin à l’appréciation de l’arbitre.
 

Mais cette tromperie vicieuse ne récompense pas celui qui entreprend, celui qui a peaufiné un geste entraînement après entraînement : le joueur qui vient défier le défenseur, qui s’avance avec panache. C’est une réponse, et celle-ci n’existe pas sans celui qui entreprend, sans celui qui essaie de nous battre. Cela n’est cependant pas toujours le cas, et cette duperie peut également traduire une faiblesse, être la preuve d’une défaillance. Ainsi, lorsque l’on n’est pas assez grand pour reprendre un ballon de la tête, on décide de placer la main. C’est aussi le cas lorsque l’attaquant est plus rapide que le défenseur et que ce dernier, après avoir analysé la position de l’arbitre, décide d’effectuer une manchette de volleyeur pour empêcher l’attaquant de profiter d’une longue ouverture. [2] Une telle espièglerie est la démonstration d’un renoncement, mais elle est également porteuse d’espoir. L’idée de défendre à armes égales est abandonnée, mais l’aspiration à tirer profit de la situation n’a jamais été aussi aigüe.
 

Dans une autre optique, la mystification atteste de l’adresse à exploiter ce qui s’apprête à devenir une erreur de l’adversaire. Quand un défenseur tend la jambe lors d’un duel dans la surface, même si il n’y a pas de contact, il se place dans les conditions d’être sanctionné par l’arbitre. De fait, le trompeur maximise une situation en sa faveur. Indéniablement, c’est une forme d’intelligence. Certes, elle ne couronne pas la maîtrise d'un geste technique mais elle immortalise la fascinante intuition, l’intelligence sauvage d’un joueur habile à mettre en relation un ensemble de paramètres afin d’en tirer parti.
 


Tromper, c’est renier l’adversaire

Finalement, ce qui distingue ces deux canons de la tromperie n’est ni une question d’ordre moral, ni une question de méthode (s’exercer à la domestication d’un geste pour l’un, s’accommoder spontanément d’une situation pour l’autre). La tromperie délicate se disjoint de la friponnerie car la seconde exclut l’adversaire du duel. En effet, dans le cas d’une simulation, ce n’est pas l’adversaire que l’on s’évertue d’abuser mais la perception de l’arbitre. C’est pourquoi le joueur sanctionné ressent une telle amertume au moment de la décision de l’homme en noir. Il enrage parce que l’autre n’a pas rivalisé avec lui. Le malicieux a engagé un rapport de force avec un acteur extérieur mais dont l’influence sur le déroulement d’un match est tout aussi notable.
 

Ainsi, celui qui fait preuve d’une telle facétie nie la conscience de son opposant. Effectivement, "l’adversité procède d’un premier degré de reconnaissance, comme en témoigne la poignée de main protocolaire échangée entre les deux équipes juste avant le match", relate Mathias Roux lorsqu’il ambitionne d’illustrer le concept philosophique d’Autrui dans Socrate en crampons. [3] Par conséquent, la lutte sportive fait de l’antagonisme la condition même de la reconnaissance des consciences. L’affrontement dans le jeu répond au besoin d’un alter-ego qui manifeste sa reconnaissance par la résistance qu’il exprime, par une lutte qui témoigne qu’autrui et moi sommes l’un envers l’autre dans la même disposition. Quand l’un ne résiste pas en agissant dans les mêmes conditions que l’autre, la relation se brise.
 

Pour autant, ce défilement est-il à pourfendre? "Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger", écrivait Térence. D’une part, ce serait oublier que chacun de nous a expérimenté un comportement de mégère. D’autre part, regretter ou condamner l’existence de ces agissements équivaut à nier les zones d’ombres dont tirent bénéfice les joueurs: l’appréciation de l’arbitre, les angles morts dont il peut souffrir, sa distance par rapport à l’action, etc. Des marges d’erreur qui confèrent au football son humanité dont les acteurs de ce sport auraient tort de se priver. Car tout comme le défenseur prend le risque d’être expulsé plutôt que de laisser un attaquant filer au but, celui qui utilise le vice régulièrement intègre la probabilité d’écorner son image, d’être dans le viseur des arbitres, d’être hué lors des déplacements de son équipe…
 

Par le biais de la question de la tromperie, le football démontre sa triangularité: beau, immonde et souvent absurde; terriblement humain, d’une trivialité majestueuse.
 


[1] Celui qui ne connait que le football ne connait rien au football, So Foot n°98.
[2] Oh Gaby, lors d’un OM-ASNL (18/10/2010).
[3] Socrate en crampons, une introduction sportive à la philosophie, Mathias Roux.

 

Réactions

  • Monsieur Jo le 12/04/2013 à 09h57
    Le grand absent, le dopage, ne doit il pas être vu comme une variante métaphorique de la création poetique au même titre que les alcools d'Apollinaire ou les Paradis artificiels chers à Baudelaire?

    Au diable l'équilibre de la beauté des antiques, et vive le petit geste vicieux qui fait gagner post-moderne.


  • Jean-Patrick Sacdefiel le 12/04/2013 à 10h03
    Dites, les réacteurs, vous avez prix un billet de groupe vers le point Godwin ou quoi?

  • Radek Bejbl le 12/04/2013 à 13h03
    Michel Panini est l'un des seuls à avoir écrit sur "Le grand absent, le dopage". Au point presque de dire qu'il était dégoûté du foot. Donc là...

  • Evra Mendes le 12/04/2013 à 16h12
    Le geste vicieux ne peut il pas également dans une certaine mesure atteindre une forme d'absolu, par l'entrainement? Ne dit-on pas de certains joueurs qu'ils sont passés maître dans l'art de la tricherie?

    En outre, le reniement de l'adversaire, peut également se faire dans le jeu. Le Barça dans ses phases de domination les plus extrêmes est capable de priver l'adversaire de tout moyen d'action, de toute forme possible de résistance. La relation est alors également brisée.

    L'amertume ressentie dans les deux cas n'est qu'une résultante de la perte de contrôle et d'identité.

  • loulou N le 15/04/2013 à 13h53

    "avec une tromperie qui s’appuie sur le vice, il n’y a pas d’entraînement, pas de sacrifice pour rendre son geste le plus complet possible."

    La preuve que si ….
    lien



  • loulou N le 15/04/2013 à 13h54

    "avec une tromperie qui s’appuie sur le vice, il n’y a pas d’entraînement, pas de sacrifice pour rendre son geste le plus complet possible."

    La preuve que si ….
    lien



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