Thiriez, notre grand clown blanc
Auteur de communiqués burlesques, le président de la Ligue – tel un renard des grandes surfaces – ne rate aucune occasion de se taire. Surtout si l'on parle d'arbitrage.
Auteur : Pierre Martini
le 29 Oct 2007
Turlututu...
Le 21 septembre dernier, le président de la LFP, Frédéric Thiriez, a été reçu par le président de la République, Nicolas Sarkozy – et ce dernier se serait montré concerné par les enjeux dont dépend l'avenir du football professionnel français. Ce que l'histoire n'a pas dit, c'est que fasciné par l'aura présidentielle, le patron présumé de la Ligue a décidé d'imiter la stratégie du chef de l'État: communication tout-terrain et rhétorique de véhicule 4X4.
C'est ainsi que l'on a assisté, pour le seul mois d'octobre, à une rafale de communiqués tous plus indispensables les uns que les autres, et tous dans le registre emphatique habituel du VRP n°1 du foot français. Quitte à trahir un désoeuvrement plus proche du mandat de Jacques Chirac que de celui de Nicolas Sarkozy. Qu'on en juge par cette sélection:
4 octobre. "Bravo à l'OM !" Le président de la LFP salue le succès historique de Marseille à Liverpool lors de la 2e journée de la Ligue des Champions.
7 octobre. "Rien n’est impossible". Le président de la LFP Frédéric Thiriez rend hommage au XV de France après sa formidable victoire face aux All Blacks.
19 octobre. "L'élection de Bernard Lapasset à la tête de l'IRB est une magnifique nouvelle pour le rugby et le sport français". Frédéric Thiriez félicite Bernard Lapasset pour son élection à la présidence de l’IRB.
22 octobre. "Traité de Lisbonne : Frédéric Thiriez heureux". Réforme de la Ligue des champions : le président de la LFP salue la sagesse des fédérations européennes.
On craint d'imaginer la suite :
• "Fréderic Thiriez salue le caractère drolatique du dessin de Chenez en page 2 de L'Équipe de ce jour, et en profite pour saluer l'œuvre de cet artiste qui a mis son génie au service du sport depuis si longtemps".
• "Le président Thiriez, au nom du football professionnel, rend hommage à l'esthétique époustouflante des nouvelles chaussures de Djibril Cissé à bouts carrés".
• "Le président de la LFP condamne fermement la victoire de Cherifa à Popstars alors que Jessie avait largement démontré sa supériorité".
Le ralenti est formel : Frédéric Thiriez est complètement hors-jeu.
... chapeau pointu
Jamais avare d'un superlatif (lire "Thiriez promet le grand bond en avant") , l'ami Frédo n'est pas, non plus, radin en énormités. C'est ainsi que l'hommage à l'OM du 4 octobre s'était accompagné de cet éloge appuyé sur un raisonnement puéril: "La performance de l'OM, actuel seizième de la Ligue 1, contre le quatrième de la Premier League démontre le très bon niveau du championnat de France".
Mais c'est encore sur le terrain de sa grande cause que Fredo est le plus en verve. Réagissant à la décision de la FIFA de tester le "multi-arbitrage" lors de la prochaine Coupe du monde des clubs, avec l'ajout de deux arbitres assistants, notre agitateur a déclaré: "Cinq arbitres? Et pourquoi pas dix ou vingt-cinq? Du temps de Molière, il y avait dix médecins à chapeau pointu pour venir au chevet d'un malade et donner un diagnostic. Aujourd'hui, il suffit d'avoir un bon docteur avec des moyens techniques – radio ou IRM – pour être soigné" (L'Équipe).
Champion du monde de la métaphore fumeuse, Thiriez avait déjà fustigé les "archaïques" adversaires de la vidéo en les comparant à ceux qui pensèrent, autrefois, que la vitesse des trains allait tuer leurs passagers. Oubliant au passage les adorateurs du progrès qui furent persuadés que l'uranium radioactif guérissait les maladies ou que l'amiante était inoffensif.
En condamnant par principe cette expérimentation – qui n'a pourtant rien d'une hérésie et aurait l'immense mérite de ne pas dénaturer le jeu (1) –, il trahit surtout que son souci n'est pas d'améliorer l'arbitrage ou d'alimenter ce débat crucial pour l'avenir du football, mais de faire aveuglément la promotion de sa propre religion: "la vidéo", agitée comme un hochet, vaste fourre-tout dans lequel on met tout et n'importe quoi (2) sans se donner la peine d'en expliquer les éventuelles modalités (ce qui présenterait le risque d'en mettre en évidence les impasses). Lors de la Coupe du monde 2006, Thiriez avait qualifié "d'insulte à l'intelligence" l'opposition de la FIFA à la vidéo (lire "La conjuration des imbéciles"). Il devrait plutôt s'inquiéter des représailles que l'intelligence risque de lui infliger un de ces jours.
(1) Soulignons qu'inversement, l'arbitrage vidéo est testé chaque semaine, durant chaque retransmission de match, par ses plus fervents partisans: les commentateurs, qui réussissent surtout à en démontrer l'inanité (lire "Mains occultes et hors-jeu du genou" et "Qui franchit la ligne?").
Lire aussi notre Manifeste et "Dossier arbitrage (3): le 'double arbitrage'".
(2) Frédéric Thiriez voit dans le succès des oreillettes pour les arbitres une raison de passer à "la vidéo" et ne fait pas de différence entre l'usage de systèmes de vérification des franchissements de ligne de but et l'interruption du jeu pour évaluer la validité de toutes les décisions arbitrales.