Ecran total
Dans la course vers le néant que disputent les talk-shows, il n'y a qu'un gagnant: le Replay. Au prix de quelques souffrances.
le 16 Fev 2009
[Réaction au Replay, séance 9]
=>> lemeu – vendredi 13 février 2009 – 19h33
Plus je vois les Replay, plus je me sens empli d'un sentiment de respect un peu craintif envers cette caste surnaturelle que constituent les journalistes sportifs.
Quel genre de dévouement, d'abnégation faut-il pour vouer sa vie professionnelle à un sujet que l'on exècre, que l'on vomit tous les matins? Vous imaginez? "Moi, les enfants ça me débecte, alors je vais devenir instit", "Moi, je fuck la loi et le système, je vais devenir policier municipal".
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Oh certes, le montage final du Replay nous réserve toujours une grosse satisfaction, comme disent les footballeurs. Mais imagine-t-on ce qu'il faut endurer pour en arriver là? Car ce sont des heures d'émissions consacrées au football que l'on doit s'infliger, sur toutes les chaînes qui se disputent une concurrence pas vraiment féroce: la loi du marché des audiences, c'est l'assurance que tout le monde fera la même chose. Les naïfs espéraient pourtant, à l'orée d'une saison qui promettait un big bang du paysage audiovisuel footballistique: redistribution des lots de l'appel d'offres sur la Ligue 1, affirmation des chaînes de la TNT, développement de la diffusion sur le web, mercato des animateurs agité, etc.
Mais la formule du talk-show façon café du commerce, où les arguments se crashent sur le zinc, a contaminé toutes les antennes. Les émissions ressassent les mêmes polémiques éculées dans un bouillonnement de démagogie, enfoncent les mêmes portes ouvertes, et cherchent les sujets les plus creux pour les rendre résolument niais (1). Et finalement, elles détestent ou – au mieux – méprisent le football. Le football français est nul, les arbitres sont nuls, le sélectionneur national est nul, etc. On jurerait que l'écho renvoie: "Nous sommes nuls".
Alors imaginez que se présente l'Argentine avec son demi-dieu à moitié vivant sur le banc et son fils descendu sur la pelouse... Un tsunami de louanges bêlantes a déferlé sur l'un et l'autre, tandis que la majorité de nos experts rejetaient inversement l'équipe nationale et son sélectionneur dans l'opprobre, en affirmant en substance que les Albiceleste les avaient humiliés. Cela revenait à adopter le point de vue des siffleurs du Vélodrome en célébrant une équipe qui a pourtant été longtemps inexistante dans ce match (lire "Entre bleus ciel et bleus foncés"). La mémoire des uns et des autres ne remonte pas à plus d'une demi-heure, et la production de leur analyse ne doit pas consommer plus de dix calories. La solution de facilité, c'est toujours d'oublier le match et de ne commenter que le score.
On jubile sur les plateaux, mais les membres de notre comité de visionnage vivent un sacerdoce (2). Eux aussi, finalement, se punissent avec ce désolant spectacle qu'ils ingèrent jusqu'à la lie. Heureusement, ce zapping, outre sa mission de conservation, a quelque chose d'une consolation: les tartuffes y brillent, mais, aussi consternants soient-ils, ils deviennent enfin plus drôles que risibles.
(1) Autre point commun, cardinal: les décideurs sont tous pétrifiés par la trouille à l'idée de prendre le moindre risque éditorial. Alors ils recyclent les mêmes vieilles taupes usées jusqu'à l'os et se fixent l'objectif de ne surtout pas faire mieux que le voisin, avec cet argument: c'est ce que veulent les téléspectateurs. On doute que la volonté y soit pour quelque chose: les amateurs de football ont tellement été gavés de la même soupe qu'ils peuvent difficilement imaginer un autre menu.
(2) Avis de recherche : vous pouvez enregistrer les émissions en numérique et faire du montage? Rejoignez la Replay Army en nous écrivant via le formulaire "Contact"
Les vrais footballeurs
À retrouver en plus grand format et en musique sur l'indispensable blog Toufoulcan gribouille les Cahiers.