Dopage : la FIFA regarde ailleurs
Après les étranges manœuvres conjointes du CIO et du Comité Paris 2008 pour parvenir à un protocole de lutte antidopage sous contrôle (voir Gazette47), Le Monde du 10 mai nous apprend que la FIFA traîne des pieds pour collaborer avec l'Agence mondiale antidopage, et esquive la signature d'une convention qui est pourtant prête depuis des mois. On comprend de mieux en mieux pourquoi l'AMA, qui est issue d'une volonté des gouvernements, embarrasse autant les instances sportives internationales, qui empêchent manifestement toute tentative de faire vraiment la lumière. L'AMA n'a pourtant pas vocation à empiéter sur les prérogatives des pouvoirs sportifs (elle ne peut procéder à des contrôles ni prononcer des sanctions). Leurs réticences révèlent au mieux l'idée que les responsables sportifs se font de la situation, au pire leurs certitudes sur cette situation.
Au-delà des belles paroles dont il est le spécialiste, Blatter, l'homme qui crie au scandale quand les scandales éclatent, a certainement toutes les raisons de redouter une remise en cause de la quasi-impunité dont bénéficie le football, inexplicablement considéré comme préservé d'un dopage massif ou organisé, voire "seulement" marginal.
Car il ne faut pas croire que le cyclisme serait une exception, et le football une autre. Si le vélo est allé au bout d'une logique de dopage radicale (comme d'autres disciplines à d'autres époques), le football professionnel d'aujourd'hui —qui voit les enjeux économiques exploser, l'intensité athlétique augmenter et où personne n'a de scrupules à charger les calendriers— réunit lui aussi toutes les conditions d'un basculement. La moindre de ces conditions n'est pas l'indigence des dispositifs de contrôle, sont responsables les autorités sportives. Le suivi longitudinal n'est ainsi toujours en place en dans le football français, alors que la loi l'impose. Dans ce contexte de permissivité organisée, l'offre existe, la demande existe, et le marché n'existerait pas?
Le football professionnel et les confédérations ont mille fois les moyens de financer de véritables programmes de détection. Le fait que rien de significatif n'est entrepris est accablant et suggère que s'attaquer vraiment au dopage reviendrait peut-être à remettre en cause les fondements de ce spectacle si rentable, dont la "qualité", au rythme actuel des compétitions, n'est peut-être pas étrangère à quelques adjuvants. La "manifestation de la vérité" sur le dopage dans le football a des chances de se produire inversement proportionnelles au courage politique de ses dirigeants, selon leur conception de "l'intérêt supérieur" qu'ils se font de ce sport.
Et pour mieux mesurer cette force de résistance, chacun peut se demander comment il réagirait à l'annonce de contrôles positifs concernant des joueurs de l'équipe de France… Qui veut vraiment savoir?