Dans les cartons des Dé-Managers : #42
Comment s'annoncent les huitièmes de Ligue des champions? Revue de tirage. Et un grand tour de la planète foot en invoquant Gillot, Riquelme, Cruyff... mais aussi ce bon vieux Ogbeche.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Le tirage de Ligue des champions en quatre points
L’opposition la plus curieuse : Bayer Leverkusen-Atlético Madrid
On aurait pu choisir le choc entre le Borussia Dortmund et la Juventus Turin mais le mystère n’existe pas autour de cette rencontre. Les Bianconeri auront le ballon et les Marsupiaux les espaces. Les Turinois partent favoris mais la vitesse en contre-attaque des vice-champions d’Allemagne est une menace pour les jambes vieillissantes d’Andrea Pirlo. Que faire si Marco Reus et Shinji Kagawa déboulent dans la zone du Maestro? Max Allegri a deux mois pour répondre à cette question. Non, la rencontre qui nous intéresse est bien celle entre Roger Schmidt et Diego Simeone.
Les deux hommes sont à la tête des blocs les plus extrêmes parmi les huitièmes de finaliste. Le premier veut voir tous ses joueurs presser à en perdre l’esprit à la perte du ballon, particulièrement en début de match. Le second a lui construit une équipe capable de se replier très bas et de manière très compacte. Mais la saison passée, la réussite des Colchoneros est également passée par une insistance sur l’agression du porteur lors des premières minutes (face au Barça notamment). Inutile de s’attendre au fameux et horrible “round d’observation”. L’introduction ressemblera à celle de Pacific Rim: elle sera violente et parfaite.
Les redites
Manchester City-FC Barcelone et Schalke 04-Real Madrid étaient déjà des huitièmes de finale la saison passée tandis que PSG-Chelsea était un quart de finale. On en a gros. D’abord parce que ce manque d’originalité trahit le resserrement progressif du cercle des clubs qui atteignent ce stade de la compétition. Les écarts se creusent, les plus pauvres dégagent et les mêmes blockbusters reviennent encore et encore. Ces dernières années, on avait fait une indigestion de Barcelone-Arsenal et de Barcelone-Milan. Espérons que les Citizens offriront un vrai défi aux Catalans, cette fois. Parce que c’était plutôt mauvais l’hiver dernier (défaite 1-4 sur les deux rencontres).
Paris progresse-t-il ?
Au-delà du caractère déplaisemment répétitif de la confrontation, ce PSG-Chelsea fera figure d’étalon pour mesurer le chemin parcouru par les deux équipes en un an, mais aussi la capacité de Laurent Blanc à ne pas répéter les mêmes erreurs que la saison dernière. Pas à la hauteur de l’événement lors du quart de finale retour à Stamford Bridge (défaite 2-0), le technicien parisien sera d’autant plus scruté qu’il a depuis confirmé son inaptitude à peser sur le cours des rencontres majeures, influant même parfois dans le mauvais sens, à l’image de la sortie de Marco Verratti au Camp Nou, mercredi soir (1-3). Si l’on s’en fie à la première partie de saison, Chelsea est bien plus fort qu’un an plus tôt, et le Paris Saint-Germain a perdu ses certitudes. La donne sera peut-être différente en février. Aux Parisiens de résoudre leurs problèmes d’ici là.
Monaco, pas la même limonade
Enfin un bon tirage pour Arsenal, malgré une deuxième place en poule. L’ASM apparaît comme le premier de groupe le plus faible. Les Gunners, sortis en huitièmes de finale face au Bayern Munich en 2013 et en 2014, hériteront d’un déplacement bien plus simple en 2015. Le stade Louis-II et Leonardo Jardim attendent les Londoniens. Solides défensivement, les Monégasques ont une arme offensive: la faiblesse générale de l’arrière-garde d’Arsenal et ses régulières vagues de blessés. Un tirage qui, outre le bonheur de voir Alexis Sanchez fouler une pelouse presque française, fera revenir Arsène Wenger sur le Rocher. L’occasion pour lui de nous expliquer ce qu’il s’est passé avec Park-Chu Young. Quel beau joueur il était...
On a aimé
Voir Guingamp jouer l’Europe à fond… et surtout être récompensé par une qualification (2-1 contre le PAOK) puis une victoire en championnat le week-end face à Paris (1-0). Jocelyn Gourvennec n’a jamais dévié de sa ligne de conduite et en tire les premiers bénéfices. Pourvu qu’il soit une source d’inspiration.
La résurrection de Tomas Necid qui continue aux Pays-Bas avec Zwolle. L’ancien grand espoir tchèque, prêté par le CSKA Moscou, a marqué le seul but de sa formation face à Willem II d’une tête croisée (1-0). Tandis que la surprise du championnat est actuellement sur le podium, son grand attaquant en est à huit buts marqués, le même total que le Polonais Milik de l’Ajax mais aussi… Bartholomew Ogbeche (Cambuur), qu’on est heureux de savoir en pleine forme.
Depuis quelques années, le FC Bâle s’illustre régulièrement sur la scène européenne, pour le plus grand malheur des clubs anglais (Manchester hier, Liverpool aujourd’hui). Les Blaugranas alpins n’ont certes pas le niveau de leurs homologues catalans, ils n’en restent pas moins l’un des collectifs les mieux huilés de cette phase de poule. C’est aussi l’avantage d’une équipe où les différentes individualités peuvent s’exprimer sans trop faire ombrage aux partenaires moins bien lotis: quand la mayonnaise prend, elle devient presque aussi goûtue que le meilleur des caviars.
Le rôle de Michael Carrick avec Manchester United contre Liverpool (3-0) ce week-end. Les Reds font décidément briller leurs adversaires. L’Anglais, placé libéro, a couvert ses partenaires et assuré la relance des Red Devils. Si la défense à trois mancunienne en a peut-être souffert physiquement, elle a fait un saut intellectuel. Et MU a encore gagné...
On ne sait pas trop
Cagliari a été tenu en échec par Parme, la lanterne rouge (0-0), pas aidé par des absences en attaque et pas mal d’occasions ratées. Si l’on en parle, c’est surtout car ce sera probablement le seul match sans but disputé par les hommes de Zdenek Zeman cette saison, eux qui, ces trois dernières semaines, ont notamment fait 3-3 à Naples et 4-4 en Coupe contre Modène – se qualifiant alors aux tirs au but.
On n'a pas aimé
La mentalité défensive de la Real Sociedad en deuxième mi-temps de la rencontre face à Bilbao (1-1), alors que les occasions de faire le break étaient multiples jusque-là. Logiquement punie, l’équipe de David Moyes a des résultats corrects depuis l’arrivée de l’entraîneur britannique mais son jeu, loin de la mentalité “on passe par le sol” en vigueur en Liga, rend le spectacle assez pauvre.
L’espèce de soupe infâme servie par le FC Barcelone face à Getafe (0-0). D’accord, les poteaux sont sortants et l’arbitre n’est pas toujours infaillible. Mais ce n’est pas une raison pour être incapable de réussir plus de deux enchaînements offensifs dans le match… ni pour affirmer à la presse dans la foulée que la prestation était bonne.
La première période d’Edinson Cavani contre Guingamp (0-1). On aurait cru voir Godzilla se mettre au football. Aucune finesse, des contrôles américains et des déviations qui auraient fait se retourner Totti dans sa tombe s’il n’était pas immortel. Quand l’Uruguayen essaie de participer au jeu, c’est le jeu qui souffre ces derniers temps. Tellement qu’on a préféré aller voir Le Hobbit au lieu d’assister à la deuxième période. Bon, ce n’était pas mieux qu’un match du PSG.
Le manque de créativité du LOSC face à Wolfsburg (0-3), malgré une première période encourageante. Avec Idrissa Gueye comme milieu le plus avancé, René Girard ne pouvait pas espérer grand-chose de ce côté-là. La blessure de Rony Lopes, conjuguée à la Mouradmeghnite de Marvin Martin, s’avère être un véritable coup dur pour les Lillois. On aurait aimé voir cette saison se dérouler avec le jeune Portugais, intrigant et bon lors de ses apparitions en début d’exercice...
Les infographies de la semaine
Oui, il y a une corrélation entre le classement en Premier League et le pourcentage de joueurs anglais dans les effectifs des clubs. Les écuries les plus fortunées préfèrent clairement recruter des étrangers… ou alors les joueurs anglais sont vraiment mauvais. Également à voir, cette infographie de MU-Liverpool. Un carré égale un tir. À gauche, ceux de Manchester United; à droite, ceux de Liverpool. Plus le carré est gros, plus la probabilité de marquer était grande. Déduction: la victoire 3-0 des Mancuniens contre les Reds est très heureuse.
Les déclas
“Je ne vois pas beaucoup d’évolution (dans le jeu). Aujourd’hui, on est en 4-4-2, en 4-3-3. Ce n’est plus comme quand on inventait le WM. Le 3-5-2 sortait un peu de l’ordinaire, mais il devient aussi assez commun aussi. La Juve jouait comme ça il y a trois ans et a été championne. En fait, les entraîneurs disent tous à peu près la même chose. Les principes de jeu sont les mêmes. Après, c’est l’environnement qui change, la capacité des joueurs à savoir appliquer, ou pas. C’est sûr que quand tu as Ibra, tu lui demandes des choses, il sait les faire. Tu mets une pipe, il n’y arrive pas. Et pourtant tu as dit la même chose."
Francis Gillot dans La Voix des Sports.
“Je suis très exigeant, y compris avec moi-même. Peut-être à l’excès parfois d’ailleurs. Mais je ne comprends pas certaines choses. J’essaie d’être perfectionniste. Mais aujourd’hui être perfectionniste est un gros défaut avec les nouvelles mentalités. Je suis peut-être arrivé une fois en retard en dix ans de carrière de joueur, certains aujourd’hui arrivent trois fois en retard dans la semaine. Toutes les semaines. Je ne peux pas comprendre. J’ai lu l’interview de Thierry Henry (dans L’Équipe magazine du 29 novembre). Extraordinaire. Je me suis reconnu à 2.000% dans ce qu’il dit. C’est étonnant parce qu’il n’est pas entraîneur, mais il pense comme un entraîneur. Il veut le devenir. Il en a toutes les qualités, mais il va être malheureux... Comme moi. Parce qu’il ne va pas accepter les choses. Et quand tu n’acceptes pas les choses, tu les dis. Alors tu commences à avoir des joueurs sur le dos… Il vaut mieux être cool aujourd’hui. Que disent les entraîneurs? Je suis fier d’eux. Ils ont fait un bon match... Même quand ils ont pris 3-0. Aujourd’hui, qui n’a pas la paix du vestiaire? Dupraz et Girard. Les autres font tout pour l’avoir. Ils prennent 4-0, ils défendent les joueurs, c’est la faute de l’arbitre, etc. Moi je ne peux pas. Le président doit aussi être sympa avec ses joueurs aussi. Et c’est normal. Donc voilà, on est tout seul avec le staff contre certains joueurs."
Francis Gillot toujours, lui qui, après avoir lu 200 bouquins depuis juin et différé une opération pour pouvoir aller enfin à la chasse, ira entraîner du côté de la Chine l'an prochain.
“J’ai appris le football dans la rue et si vous me faites l’honneur de me trouver élégant sur un terrain, alors, c’est que j’avais l’élégance de la rue. (...) De nombreux détails comptent dans la rue qui forgent un joueur. D’abord, la douleur quand on tombe sur les pavés ou l’asphalte. C’est important, cela signifie que, face à un grand, je devais contrôler la balle, la faire passer et m’échapper pour éviter un choc qui allait me faire mal en cas de chute. Tout mon état d’esprit, ma philosophie d’entraînement reposent sur les techniques de rue adaptées aux conditions d’entraînement actuelles."
Johan Cruyff, dans une interview pour L’Équipe Magazine autour du thème de l’élégance.
La vidéo de la semaine
Juan Roman Riquelme a fait remonter Argentinos Juniors dans l'élite. Forcément, dans ce championnat peu médiatisé, on n'a pas trop suivi ses prestations. Un oubli désormais réparé.
L'anecdote
L’arrivée de Tata Martino en Catalogne l’an dernier a marqué une rupture avec l’ère Guardiola/Vilanova, dans le jeu comme dans les résultats. Un chiffre illustre bien l’un des nouveaux problèmes: les rencontres disputées sans marquer en championnat. Neuf sur cent-quatre-vingt-dix auparavant (et zéro en 2012-2013!), autant depuis… mais en cinquante-trois matches. Certains cadres vieillissent, mais le problème est bien plus profond que cela.
Le bonus asiatique
Le Vietnam est-il l’avenir du football? Un joueur de dix-neuf ans réalise en tout cas déjà des passes “pjanicienes”.
La revue de presse anglophone
Pourquoi Pep Guardiola est fasciné par Roger Schmidt, l’entraîneur du Bayer Leverkusen.
Analyse tactique de la recette Marcelo Bielsa qui fonctionne si bien à l’OM.
Le FC Barcelone est coincé dans le temps entre son ancienne approche et celle vers laquelle il souhaite tendre. Entre autres problèmes.
Dans le foot comme ailleurs, les statistiques ne suffisent pas.
Comment Leonardo Jardim utilise Joao Moutinho dans son 4-3-3?
Philippe Coutinho, le numéro dix qui n’en est pas un.