CAN 2002 : une nouvelle étape pour le football africain?
À quelques jours du match d’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations 2002 (Mali-Libéria le19 janvier 2002), les prétendants naturels à la victoire finale sont nombreux. Beaucoup d’équipes en reconstruction ont pour objectif de montrer leurs progrès, et le football africain tient à prouver à la planète du ballon rond qu’il figure parmi les continents majeurs, en dépit de la persistance de certains de ses vieux démons.
Une compétition très ouverte, symbole du nouveau statut du football africain?
Rarement, une Coupe d’Afrique des Nations n’aura été aussi indécise, et l'on peut espérer qu’elle restera comme une étape essentielle dans l’histoire du football africain. Depuis de nombreuses années désormais, les équipes africaines de jeunes comptent parmi les meilleures des compétitions internationales. Mais il a fallu attendre l’an 2000, le Cameroun remportant le tournoi olympique de football, pour qu’une sélection africaine enlève une première compétition internationale senior majeure. Une ambition nouvelle est apparue, et la Coupe d’Afrique des Nations apparaît désormais comme la compétition désignant la meilleure équipe d’un continent qui compte sur la planète football.
Les sélections qualifiées pour la Coupe du Monde, d’abord, auront à cœur de démontrer qu’elles représenteront bien en Asie le haut niveau africain, et comptent également sur la CAN 2002 pour se préparer en grandeur nature. Les confirmés (Cameroun, Afrique du Sud et Nigeria) sont des prétendants au titre quasi naturels. Les forces montantes (Sénégal et Tunisie) chercheront à légitimer leur qualification de manière incontestable.
Les valeurs sûres traditionnelles (Egypte, Ghana, Côte d’Ivoire, Maroc et Algérie), ayant échoué aux portes de l’Asie, iront au Mali en quête de rachat. Enfin, les équipes en devenir ou en reconstruction (Liberia, Burkina Faso, Algérie) essaieront de confirmer leur émergence ou leur retour sur le devant de la scène africaine.
Il y a donc beaucoup à attendre et espérer de cette CAN 2002, à condition toutefois que les sélections africaines puissent gérer un problème nouveau, la difficulté de réunir les joueurs évoluant dans les grands championnat européen, et une tendance chronique aux querelles intestines.
Des Européens difficiles à convoquer
Traditionnellement, les sélections africaines disposaient de leurs joueurs sur de longues périodes, permettant une préparation approfondie. Cette année, le contexte est différent. Beaucoup de joueurs africains ont en effet acquis un statut de pièce essentielle dans l’effectif des clubs des grands championnats européens. Ceux-ci ont été très réticents à mettre à disposition des joueurs importants. On pouvait même avoir l’impression que ceux-ci n’était pas tenus de participer à la compétition. Or les règlements de la FIFA sont clairs.
Selon l’article 36 du statut du joueur, alinéa 2, la mise à disposition du joueur est obligatoire pour "tous les matchs (…) des tournois finaux des championnats des confédérations pour équipes “A”". Selon l’alinéa 5, "Le joueur doit également être mis à disposition pour la période de préparation. La durée de cette période est fixée comme suit: (…) pour un tournoi final d’une compétition internationale: 14 jours avant le premier match du tournoi." La fédération concernée doit adresser officiellement une convocation au joueur et notifier le club 15 jours avant la date de mise à disposition. Aucune compensation financière n’est accordée au club. Les sanctions encourues vont du blâme à la suspension, en passant par l’amende.
Ce rappel des règles a permis de faire cesser les menaces quant à la libération des joueurs. Certains s’étaient essayés au chantage. Lille, par exemple, a placé en décembre trois joueurs africains, Bassir notamment, sur la liste des transferts pour les inciter à décliner la sélection. Metz a aussi conditionné le recrutement d’un joueur à sa non-participation à la CAN 2002. Mais c’était encore mépriser le règlement de la FIFA qui stipule que le joueur ne peut décliner la convocation de sa fédération. Pire, tout club alignant un joueur non présent à la phase de préparation et à la compétition même, risque que ces matchs soient déclarés perdus.
Certains clubs sont donc revenus à une attitude plus constructive, négociant au cas par cas. C’est le cas d’Arsenal qui a obtenu de garder Kanu pour le match Arsenal – Liverpool du 13 janvier. D’autres clubs sont très conciliants, comme Manchester United pour son Sud-Africain Quinton Fortune. La non-participation de ce dernier à la CAN 2002 annulerait en effet son permis de travail au Royaume-Uni, la législation de ce pays stipulant qu’un joueur extra-communautaire ne peut bénéficier d’un permis de travail qu’à la condition qu’il ait disputé 75% des rencontres officielles disputées sur les deux dernières années par la sélection de son pays d’origine.
Querelles intestines
Les conflits internes au sein des fédérations et des équipes nationales sont un travers habituel que d’aucuns aimeraient voir appartenir au passé. Les disputes autour du barème des primes de matchs pour les rencontres de la CAN 2002 ont été légion, surtout au sein des sélections possédant des "Européens" et ayant quelques ambitions. Cette fois-ci, les Lions indomptables sont restés calmes dans ce domaine, un accord ayant été trouvé assez tôt avec la Fédération Camerounaise. Les Nigérians, autres habitués de ce genre de conflit, ont boycotté un déplacement en Egypte, réclamant toujours à leurs autorités le versement du fruit d’une collecte nationale (70.000 $) en récompense de la qualification pour la prochaine Coupe du Monde. Cependant, la palme du chantage à la prime est détenue par les Lions du Sénégal, tout auréolés de leur qualification historique pour la plus prestigieuse des compétitions. Pour faire face aux menaces de grève des joueurs, il a fallu rien de moins qu’une rencontre officielle à l’ambassade du Sénégal à Paris entre ceux-ci et les autorités sportives du pays (Ministre des Sports et Président de la fédération). Les arriérés des primes de participation (100 millions de francs CFA, soit 15.250 euros) ont ainsi été réglés, et le montant des primes de match pour la CAN 2002 et la CM 2002 a été fixé.
Parfois, ces conflits internes prennent la forme de querelles de personnes et de luttes d’influence. C’est le cas du Ghana, les choix tactiques du sélectionneur, Fred Osam Duodu, étant remis en cause par les "Allemands" Akonnor et Kuffour. Le premier a ainsi été déchu de son rôle de capitaine, et le second a émis des doutes quant à sa participation à la compétition, refusant de reprendre le brassard. Ainsi, le stage de préparation a commencé avec seulement quatre pros européens sur les quinze convoqués. Plus grave est le cas du Liberia, lorsque la politique s’en mêle. George Weah a ainsi démissionné de sa fonction de vice-président de la Fédération Libérienne, rôle vidé de son contenu par un Ministre des sports pour le compte du Président Charles Taylor qui prenait ombrage de la popularité de Mister George, et de l’indépendance du football à l'égard de son pouvoir autoritaire. L’ancien joueur du Milan AC a toutefois conservé ses fonctions de Directeur technique national, mais les autorités politiques ont exercé un chantage quant au financement du stage de préparation en Côte d’Ivoire et du séjour au Mali même. Les résultats sportifs s’en sont ressentis, les meilleurs joueurs ne répondant pas forcément à l'appel. Un match amical au Caire a dû être annulé faute de joueurs libériens, et les quelques rencontres disputées (2-7 à Tunis, défaites face à des clubs africains) sont bien loin des performances réalisées lors des qualifications pour la Coupe du Monde, lorsque les Lone Stars menacèrent le Nigeria jusqu’à la dernière journée, et surclassèrent le Ghana.
Incertitudes quant à la participation des stars européennes, et conflits internes auront donc perturbé la préparation de nombreuses équipes. Espérons que ces problèmes ne pèseront pas sur la qualité du jeu!
Erratum (19/01)
Le Nigeria est bien le premier pays africain à avoir gagné une compétition internationale senior majeure, en remportant l'épreuve de football aux Jeux Olympiques d’Atlanta. Cette erreur provient d’une maladresse: l'auteur cherchait en effet à montrer que la victoire camerounaise semblait plus symbolique de l’émergence du football africain car elle arrive à un moment où plusieurs équipes du continent atteignent un niveau mondial.
Merci de votre vigilance.