Ballon d'Eau fraîche 2011, les candidats: Mavuba et Daf
Un apatride, un exilé: quand ces deux-là font parler leur expérience, c\'est au bénéfice de tous.
Mavuba, Rio des généreux
Arrivé à Lille en 2007 un peu sur la pointe des pieds, mais pas sans ambition, Rio Mavuba veut oublier une année à Villareal qui a ralenti son élan et l’a éloigné des Bleus. La relance chez les Dogues se fait en douceur, mais après une demi-saison prometteuse et deux saisons pleines, la mayonnaise a pris et le capitaine Mavuba mène sa meute à un doublé qui force le respect des amateurs de foot. Il dispute tous les matches de la saison 2010-2011 en Ligue 1 et en Coupe de France, symbolisant cette fidélité au poste ainsi que la solidité défensive propre au LOSC – tout en sobriété et retenue avec seulement trois cartons jaunes pour ce joueur physique et engagé, mais pas méchant.
Toujours souriant et disponible, Rio est un capitaine qui fédère et épaule les jeunes joueurs, et n’hésite pas à recadrer, en privé, ceux plus chevronnés (épisode Adil Rami). Il a la blague facile comme en attestent Cléopâtre (Gervinho) et Cyrano (PAF). Il est aussi très impliqué avec sa fondation pour les enfants de Makala (et non de Makelele). Quand le10Sport lui demande récemment s‘il a tiré un trait sur les Bleus, Rio monte au créneau: "Je refuse de penser ça. Tant que je jouerai, j’y croirai et je me donnerai à fond dans l’espoir d’être appelé." Ses appels du pied ("Si j'étais sélectionneur, je me serais pris") sont restés vains, mais son abnégation son humilité et son sens du collectif laissent penser que plus de quatre ans après sa dernière entrée en jeu en bleu, il ferait beaucoup de bien à cette équipe qui se cherche une âme.
Avec une moyenne de 0,03 but par match en 2010-2011, Rio n’est pas vraiment un buteur hors-normes mais sa seule réalisation cette saison fera date. Face à Sainté dans un chaudron bouillonnant, Rio décoche une mine au ras du sol avec toute la grinta et la chance (déviation rentrante) du champion. Sa joie, sans retenue cette fois, précéda les applaudissements du public stéphanois pour ces Lillois héroïques portant en triomphe leur capitaine (+1 pour le caleçon bariolé). Rio est fidèle en amour et pourrait continuer son aventure avec les Dogues jusqu’en 2015 mais, d’ici là, de l’eau (fraîche) aura peut-être coulé sous les ponts…
Point fort
Un footballeur doté du sens de l'humour, ça se célèbre.
Point faible
Il est quand même trop star pour le trophée.
Le slogan de campagne
"Se quieres agua fresca necesitas un rio."
Omar Daf, l'homme qui vient de loin
Si Omar Daf vient de loin, ce n'est pas seulement parce qu’il est passé des frimas du Lomont aux embruns du Ponant, quittant Sochaux au bout de douze ans pour Brest, depuis trois saisons. Omar, le fidèle, qui refuse une offre stéphanoise pour monter en Ligue 1 avec les Bretons. Omar Daf revient de loin, d’entre les ombres de ce 31 Mai 2002 où les supposés demi-sels sénefs foudroyèrent le rêve bleu. Omar, "le sage de la Tanière", retrouve son équipe nationale en 2010 après quatre ans d’éclipse. Supplicié par des fissures aux jambes qui lui ont pourri les quatre meilleures années de sa carrière, il se soigne et renaît. Au printemps dernier, il se rompt les croisés. Peu croyaient à son retour. Il rejoue déjà.
Omar Daf vient de loin, peut-être d’un autre temps. Alex Dupont "Omar sera un excellent éducateur. Quand on a la chance et le privilège de rencontrer des garçons comme lui, on dit qu'on fait vraiment un métier formidable. […] Il n'en faudrait pas beaucoup, sinon on n'aurait même plus besoin d'entraîneur." Le président Plessis: "C'est un diplomate, un conciliateur de première. C'est l'homme qui est capable d'aller voir l'imam s'il y a un problème entre le club et un jeune musulman. C'est un sage". Le vieux complice David Sauget: "Un gars qui a le cœur sur la main. Tu peux être sûr qu’il ne te trahira pas".
Latéral brestois, il lui arrive pourtant d'être brutal: expulsé pour un tacle qui brise le protège-tibia d’un Havrais, il serre la main de l’arbitre interloqué. Et pleure. Omar Daf revient de très loin. En 1995, Arte lui consacre un documentaire: Omar Daf, un footballeur africain montre un rêve d’enfance qui s’abîme dans un sordide club de D2 belge [1]. Parti en CFA à Thonon retrouver son grand frère, Omar a su reprendre le fil, devenant le grand frère de ses jeunes coéquipiers. Omar Daf, héros de cinéma.
Point faible
Un nom de camion hollandais du Paris-Dakar.
Point fort
Un prénom qui facilite la vie des portraitistes paresseux. Omar, l’Armoricain.
Le slogan de campagne
"Je n'ai rien à voir avec Omar da Fonseca."
[1] Extrait de l’article de Libé à propos du film, retranscrivant les propos du président de Westerlo: "Il a une bonne tête. Il sourit... Attend de voir quand il aura touché son premier salaire... Faut pas lui laisser les coudées franches, c'est dur ici, pas comme chez les Sénégalais. Il est là pour jouer, sinon je le garde pas..."