On refait les règles
En réécrivant la règle sur les fautes de main dans la surface, les instances arbitrales françaises sèment la confusion et se rangent du côté d'une vision idiote de l'arbitrage.
Auteur : Jérôme Latta
le 1 Sept 2009
Pour les arbitres aussi, l'intersaison est le moment d'avoir une actualité. Celui des séminaires et des stages de préparation, ou des rencontres pacifiques avec les entraîneurs. Surtout, c'est la période durant laquelle les instances de la corporation diffusent leurs nouvelles consignes pour la saison. On se demande déjà comment des consignes peuvent être nouvelles, quand les règlements ne changent pas... Mais généralement, il s'agit de mettre l'accent sur un aspect mal respecté des règles. On connaît malheureusement le destin de ces accès de volontarisme, qui ne durent que le temps de reprendre les habitudes et sont générateurs de confusion. Il y a trois saisons, la sévérité accrue sur les tirages de maillot avait débouché sur une certaine incompréhension, faisant long feu – et quelques victimes expiatoires comme Mario Yepès (1).
Attrape-nigaud
Mais cette fois, on peut parler de nouveauté, voire d'invention. La Direction technique nationale de l'arbitrage, par la voix de son directeur Marc Batta, lors de la réunion d'avant-saison, a en effet sorti de son chapeau rien moins qu'une interprétation très personnelle de la règle sur les fautes de main dans la surface: désormais, tout contact du ballon avec un bras "écarté" devra occasionner un penalty! (2) Alors que la loi XII (celle de la FIFA, celle qui s'applique dans le monde entier) considère que le geste doit être jugé "délibéré" pour justifier le coup de pied de réparation... Le concept de "bras décollé du corps" appartient aux lieux communs aussi éculés que faux (comme le "dernier défenseur"), mais que les commentateurs et les "experts" continuent d'agiter chaque semaine (3). Pourquoi diable la DTNA a-t-elle choisi de s'aligner sur cet attrape-nigaud?
Évidemment, déterminer le caractère volontaire ou non d'un tel geste est, dans la plupart des cas, très difficile et soumis à la subjectivité de celui qui juge... et de tous ceux qui regardent. C'est justement cette ambiguïté, soumise à la vision simpliste et inculte des journalistes (4), qui leur est devenue insupportable. Considérant que toute décision arbitrale discutable (beaucoup d'entre elles le sont par nature) est une erreur d'arbitrage, ils ont multiplié les indignations sur ce sujet - comme sur les autres.
Sans réfléchir
Alors dans son génie, la DTNA a décidé que, pour apaiser les polémiques crétines, il fallait adopter la vision crétine dominante, consistant à nier l'ambivalence de la plupart des actions "sensibles" et la nécessité d'un jugement forcément subjectif. Voilà donc les arbitres sommés de siffler des penalties systématiquement, sans réfléchir... Selon une conception qui ravira les partisans d'une vision binaire de l'arbitrage (vidéo), que l'on verra bientôt éplucher les ralentis pour déceler le moindre effleurement. Ce qui ne les empêchera pas de polémiquer sur tous les cas de figure: mains volontaires ou involontaires, sifflées ou non sifflées (5).
Cette capitulation est somme toute assez logique: elle couronne des années d'abrutissement orchestré de manière univoque avec la monomanie anti-arbitrale. Pourtant, la stratégie des instances est perdante d'avance et implique d'envoyer une nouvelle fois les arbitres au casse-pipe. Elle relève, au mieux, de la panique face aux attaques, au pire, d'une certaine lâcheté. Et donner des gages aux imbéciles, c'est leur donner raison. Ce qui risque de ne pas sembler si usurpé s'agissant de la compétence des dirigeants de l'arbitrage d'élite.
(1) Le "nettoyage" des surfaces restera un vœu pieu avec les moyens actuels des arbitres. L'arbitrage "à cinq" permettrait des progrès très significatifs en la matière, en doublant les angles de vue. Lire "Quintette au carré".
(2) Marc Batta : "Tout joueur qui joue les bras écartés, c'est-à-dire dans une position pas naturelle (sic), doit être sanctionné si le ballon entre en contact avec son bras dans la surface de réparation" (réunion du 4 août au siège de la Fédération rassemblant les arbitres, les entraîneurs et les capitaines de l'élite).
(3) Y compris d'anciens arbitres devenus consultants, pour répondre à la demande de leur employeur et/ou par intérêt politique. Au mieux, ces idées fausses sont des éléments du jugement, pas la règle elle-même.
(4) S'il est des journalistes spécialisés qui pensent autrement, qu'ils nous pardonnent cette généralité, mais qu'ils pensent à s'exprimer de temps en temps: on n'entend strictement rien.
(5) En n'accordant pas aux Grenoblois un penalty sur une main involontaire du Stéphanois Cédric Varrault samedi dernier, Stéphane Bré a par exemple choisi de ne pas appliquer la consigne. Lire aussi "La Main dans l'œil" et "Mains occultes et hors-jeu du genou".