Le cable réseau du serveur étant presque saturé, merci de ne vous connecter qu'en cas d'absolue nécessité de vous amuser. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Soldats de fortune et misère du football

Comment aimer encore un club quand plus rien ne le représente – surtout pas des joueurs prêts à embrasser n'importe quel écusson?
Auteur : Jérôme Latta le 3 Août 2009

 

Ce sont peut-être les deux transferts les plus marquants de l'intersaison de la Ligue 1, si l'on veut bien adopter un point de vue franco-français et ne pas s'en tenir au seul angle sportif. En rejoignant respectivement l'Olympique lyonnais et l'Olympique de Marseille, Bafetimbi Gomis et Gabriel Heinze ne peuvent en effet laisser indifférents les supporters stéphanois et parisiens. Les premiers voient partir chez le rival régional un espoir majeur du club, formé localement, les seconds arriver chez le rival national rien moins qu'un des joueurs les plus emblématiques de leur histoire récente.

gomis_heinze_web.jpg


Liberté de circulation

Il ne s'agit pas ici de valider lesdites rivalités, souvent dénoncées sur ces pages comme absurdes – voire fabriquées de toutes pièces pour l'axe PSG-OM – et comme ferment de comportements imbéciles. Il ne s'agit pas non plus d'ignorer que ces recrutements si spécialement connotés ne sont absolument pas des précédents. Il n'en reste pas moins que ces deux transferts témoignent du cynisme tranquille avec lequel joueurs et dirigeants orchestrent la carrière des premiers: en se contrefoutant totalement des sentiments des supporters et – en réalité – de ce qui fait l'identité d'un club. Pour les amoureux des clubs concernés, il y a des difficultés légitimes à comprendre que l'offre d'employeurs ne soit pas assez large pour que certains footballeurs évitent, par décence, une ou deux destinations particulières (1). Des difficultés, aussi, à régurgiter la couleuvre des grandes déclarations d'amour passées...

Quelle que soit la distance critique que l'on puisse mettre entre soi et sa passion, comment être indifférent à ces petites trahisons, aussi banales soient-elles devenues? Faut-il affecter d'aimer tant le jeu et la compétition que l'on parvient à faire abstraction de tout le reste? Comment survivre à un écœurement qui ne peut se résumer à un dépit sentimental? Comment avoir l'amour du maillot quand ceux qui le portent n'abritent plus aucun sentiment sous le polyamide – au point qu'on devrait impitoyablement entarter ceux qui empoignent ou embrassent l'écusson après avoir marqué un but. En une question comme en cent: comment aimer encore un club quand plus rien ne le représente?



Recrutement obligatoire

Ces cas de figure ne sont en définitive que les symptômes les plus patents de ce qu'a engendré le mercenariat des joueurs, phénomène ancien mais qui a atteint un stade de développement inédit au cours des dernières années (2). On a d'ailleurs tort d'imputer aux joueurs la responsabilité quasi-exclusive de cette évolution, tant chacun y trouve son compte (3). Pour les journalistes, il y a là une véritable manne, consistant à agiter les fantasmes, les spéculations et les informations invérifiables, et qui permet de noircir des pages en période creuse. Les médias spécialisés tancent les clubs dont le recrutement n'a pas été spectaculaire, comme si c'était la quantité qui comptait (4). Cela fait ainsi bien longtemps que, pour une majorité de supporters parfaitement conditionnés par le grand cirque du mercato, un club digne de ce nom doit recruter à tour de bras: que la saison précédente ait été bonne ou pas, il faut des noms. La valeur future de l'équipe semble ne devoir dépendre que de la qualité des recrues...

Sportivement, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, mais les dirigeants passent leur temps à prendre le risque des "deux tu l'auras", et ainsi à décaisser des moins-values sportives après avoir encaissé des plus-values financières. Voilà pour la partie émergée. Mais il faudrait être complètement naïf pour ne pas comprendre que la logique sportive s'incline avant tout devant le besoin de générer toujours plus de mouvements de joueurs, qui sont autant de mouvements de fonds nourrissant grassement les intermédiaires – déclarés ou occultes – qui prospèrent sur ce terreau (5).



Méconnaissables

Le football ne se déroule alors pas tant sur les terrains que sur le marché des joueurs, devenu une énorme place financière où chacun boursicote et spécule à court terme, le jeu lui-même devenant aussi accessoire que dans les jeux vidéo de management. Le turnover permanent des joueurs semble donc devoir perdurer (6), et avec lui la conception d'un sport de plus en plus privé de ses dimensions identitaires.
De fait, il est devenu impensable d'identifier durablement un club à une équipe, c'est-à-dire à un effectif un tant soit peu durable: en deux saisons, la plupart des onze-type sont profondément remaniés. Les équipes deviennent proprement méconnaissables pour leurs propres supporters. Que reste-t-il en guise de point d'ancrage, dans quoi peut encore s'enraciner ces sociétés anonymes, sachant que le turnover des entraîneurs et des dirigeants est devenu aussi frénétique que celui des joueurs?

Tandis que les styles de jeux deviennent aussi hypothétiques et éphémères que les staffs techniques, même les maillots sont réinventés (quand ce ne sont pas les blasons – devenus logos) et l'on n'a plus le droit d'aimer le béton parfois défraîchi mais empreint d'histoire de nos stades, puisqu'on nous dit qu'ils sont obsolètes, qu'ils faut les détruire pour les reconstruire en moyenne banlieue et les rebaptiser du patronyme d'une société du CAC 40.

La question, ancienne, reste posée: jusqu'où le football professionnel peut aller dans la généralisation du mercenariat, sans finir par solder ce qui est à la racine de sa popularité: le patrimoine historique des clubs, les sentiments d'appartenance qu'ils arrivent à susciter? Mais peut-être a-t-on déjà basculé dans un tout autre régime. Le mercato d'hiver, la prolifération des prêts, les piges de stars comme Beckham, les politiques "galactiques" ou encore les joueurs qui appartiennent à des sociétés témoignent de cette philosophie du casting qui pour effet de stariser les footballeurs au détriment des équipes. Le football est de plus en plus modelé par un marketing de masse qui n'a pas nui, jusqu'à présent, à son rayonnement culturel et économique. Tant que les gamins ne sont pas trop contrariés de devoir décoller les vignettes de leurs albums Panini et que les changements de casaque façon Gomis ou Heinze ne ne choquent pas plus que ça, on peut encore avancer en direction d'un football résolument désincarné.



(1) On est aussi régulièrement frappé par l'étonnement des transfuges quand ils constatent l'hostilité des supporters, à la manière d'un Dehu en larmes lors de la finale de la Coupe de France 2004 (lire "La chasse au Dehu" et "Piquionne, Ballon de Plomb 2008").
(2) Rien n'a entravé ce processus: ni les tentatives d'encadrer les transferts, ni le vœu pieux de rétablir un peu de régulation financière, ni la crise récente.
(3) Certes, des raisons objectives expliquent en partie cette frénésie: le modèle économique des clubs français qui les contraint à faire commerce des joueurs qu'ils forment ou valorisent, ainsi que le modèle psychologique de joueurs qui veulent toujours signer un meilleur contrat ailleurs, quitte à perdre de vue leur propre intérêt, et ont presque toujours le dessus dans les "bras de fer" avec leurs dirigeants.
(4) "Cet été, en matière de transferts, l'AS Monaco patine sévère. Seulement deux joueurs (Djimi Traoré et Sébastien Puygrenier) sont arrivés et le club n'a pas dépensé un seul euro" (lequipe.fr). "Écrasé dans l'actualité de l'intersaison par l'OM, l'OL et même Bordeaux, le PSG fait très peu parler de lui. Aura-t-il le niveau pour se mêler à la lutte pour le titre?" (L'Équipe).
(5) Le montage des transferts (dont les montants officiels sont de bonnes blagues) et des rémunérations des joueurs, de plus en plus complexe, donnent quelque idée des mœurs d'un milieu où la défiscalisation est par ailleurs un sport de masse (lire "Fisc Fucking" et "Footballeurs nets d'impôt").
(6) Si l'on peut encore espérer que la crise qui frappe aussi l'économie du football rétablisse un peu de stabilité et de décence, l'été a livré un message inverse, avec les records atteints par certains grands clubs européens et par les sommes dépensées par les ténors nationaux.

Réactions

  • animasana le 04/08/2009 à 10h16
    C'est vrai, Govou n'a jamais clamé son envie de partir, et son maintien n'est pas dû à un manque de proposition intéressante.

  • le 04/08/2009 à 10h23
    Henri Michel

  • JihaiR le 04/08/2009 à 10h31
    Gerrard a failli partir à Chelsea, retenu in extremis par le slip et le meilleur salaire du club + capitanat.
    Raul a eu quelques mercatos agités avec des rumeurs de départ (même si rien de très concret avec un club en particulier)
    Maldini, lui, rien à ma connaissance.

    Mais bon, c'est un peu facile de pécho des exemples de gars top niveau dans des top clubs. Si on considère qu'en France on a des middle clubs, faut pas s'étonner que le joueur top niveau veuille retrouver le top club.

    Bref, je serais plus convaincu par des gars moyens dans des clubs moyens. Et là, le dernier exemple qui me vient spontanément (je cherche le nom) c'est un gars de Lens (je cherche encore le nom) qui a passé 19 saisons au club (je suis sur le point d'aller sur Wiki).

    J'y suis allé, c'est Sikora. L'exemple est vieux, mais surtout, il est rare. Qu'on vienne me prouver que cela se pratiquait plus fréquemment avant, ce dont je ne suis pas convaincu.

    Je suis partagé, disais-je, car quand des mecs que je n'ai pas aimé chez l'adversaire (Heinze voire Cissé à cause de la lobotomie générale imposée par PEM) signent dans mon club, ça m'énerve un peu. Plus que s'ils venaient d'un autre club ? Difficile à dire, mais en tout cas, plus je supporte mon club, moins j'attache de la valeur émotionnelle à ces transferts. Cynisme ou recul ? A 25 ans, j'ai conchié Fiorèse. A 30 ans, je me contente d'être suspicieux pour Heinze.

    Bref, les cycles se sont raccourcis dans le foot contemporain, soit. A partir de là, les supporters changent d'âne. Si les joueurs ne sont plus les emblèmes durables des clubs, alors ils se rabattront sur les élément les plus pérennes. Et si c'est pas un vieux stade un peu cheap, ce sera un top stade super frais. Demandez aux Grenoblois s'ils regrettent Lesdiguières.

    Le darwinisme appliqué à la passion supportériale.

  • JihaiR le 04/08/2009 à 10h33
    Et parce qu'à la fin, ce qui compte, putain, c'est les 3 points.

  • Qui me crame ce troll? le 04/08/2009 à 10h39
    C'était une semi-joke pour Govou, vous l'aurez compris. Il y a quelques mois j'avais réfléchi aux joueurs qui sont toujours restés dans le même club et on en trouve quelques unes. Comme Govou, Sikora, Frédéric Da Rocha. Mais c'est sûr qu'un joueur vraiment top niveau qui reste dans un club en France, c'est rare.

  • Jean-Patrick Sacdefiel le 04/08/2009 à 10h42
    Le mercenariat des joueurs n'est pas nouveau, l'article ne l'ignore pas... Mais:

    - en quoi l'ancienneté d'un phénomène le rend moins grave ou impropre à l'analyse? Parce que ce n'est plus un sujet à la mode? Surtout si l'on parle d'une évolution problématique: ses conséquences sont de plus en plus graves au fil du temps.

    - il faut surtout considérer que le phénomène s'accentue: les séjours des joueurs raccourcissent, les effectifs et les staffs sont de plus en plus précaires, l'indifférence des joueurs à l'identité des clubs augmente encore, les projets sportifs s'étiolent... L'article cite aussi les atteintes au patrimoine des clubs (maillots, stades, couleurs, logos...) ainsi que des phénomènes plus récents: mouvements de joueurs au mercato d'hiver (en plein milieu des compétitions), multiplication des prêts, "piges" de joueurs, joueurs qui appartiennent à des sociétés...

    Ce qui est intéressant en définitive, c'est pourquoi et comment on finit par accepter ces évolutions sur un mode complètement fataliste ou pseudo-cynique ("ben ouais, c'est comme ça, qu'est-ce que tu crois pauvre naïf, mets-toi à jour"). On regarde le lien entre les joueurs et les clubs se déliter complètement, en trouvant ça normal. Au point qu'exprimer son écoeurement vis-à-vis de tout ça vaut des sarcasmes ici-même...

  • JihaiR le 04/08/2009 à 11h45
    Mon cher Gigo

    - L'article ne nie pas l'ancienneté parce qu'il dit "je ne nie pas l'ancienneté". Pourtant, sur le fond de l'article, je trouve qu'il fait peu de cas de l'ancienneté. A chat perché, il ne suffit pas de dire perché pour être intouchable, il faut également être perché.

    - En quoi c'est important l'ancienneté ? Eh bien, je cite : "Le turnover permanent des joueurs semble donc devoir perdurer (6), et avec lui la conception d'un sport de plus en plus privé de ses dimensions identitaires". Donc l'ancienneté du phénomène ne le rend pas impropre à l'analyse, sauf si celle-ci conclut à "c'était mieux avant" - sous-entendu, avant, qu'on on pouvait s'identifier à tous les Eric Sikora de tous nos clubs. J'aimerais vraiment être convaincu que c'était différent avant, sur le fond. Pour moi, à part un raccourcissement des cycles que l'on peut généraliser à toutes les strates de nos sociétés, le fond de l'air est le même.

    -On en vient donc au point que c'est certes ancien, mais accentué, et conjugué à tous les autres maux du foot, c'est vraiment pas cool. Je n'ai pas grand chose à redire à ca. Au royaume de la Fifa, le ballon est toujours un peu pourri. Plus ou moins, question de point de vue. L'évolution entraine des mutations des vices du professionnalisme, mais sur le fond, est-ce que le football de la Coupe du Monde 54 (dopage, arbitrage litigieux, irresponsabilité sur la sécurité des spectateurs, vindicte populaire) était plus propre que le football des agents de Tevez, de la MMArena et de David Beckham qui tourne aux 2/8 ?

    - Est-ce du cynisme, c'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse ? Ceci dit :"On regarde le lien entre les joueurs et les clubs se déliter complètement, en trouvant ça normal." Moi, je ne suis pas foncièrement d'accord sur le principe du délitement. Donc je ne vais pas exprimer un écœurement par rapport à celui-ci. Mais je ne suis pas un grand contestataire de nature.

  • liquido le 04/08/2009 à 11h55
    Gigodanho
    mardi 4 août 2009 - 10h42

    Ce qui est intéressant en définitive, c'est pourquoi et comment on finit par accepter ces évolutions sur un mode complètement fataliste ou pseudo-cynique ("ben ouais, c'est comme ça, qu'est-ce que tu crois pauvre naïf, mets-toi à jour").

    ---

    Non, ce qui est intéressant c'est de comprendre comment le lien se perpétue et se recompose malgré les changements que tu relèves. Tu mets la charrue avant les bœufs en posant que le seul attachement possible provient des joueurs emblématiques ou des maillots. Les seconds disparaissant, le premier devrait nécessairement en faire autant. Ton postulat de départ répond par anticipation à la question que tu poses. Genre tu projettes un peu trop sur tous les supp ton propre trip.

  • JihaiR le 04/08/2009 à 11h56
    Genre, Liquido, il exprime mieux ses idées que moi, et c'est énervant.

    Mais je valide totalement sa première phrase (et le reste), mais la première, j'aurais voulu savoir l'écrire.

  • Sir Sourire le 04/08/2009 à 12h01
    Assez d'accord avec la comparaison historique de JihaiR.

    Pour continuer sous cet angle, peut-on vraiment louer l'attachement au club des joueurs de jadis alors que les mouvements étaient structurellement limités par le manque de fric, le peu d'intérêt suscité par le foot (en France en tout cas), la gestion paternaliste des clubs et les règles sur les joueurs étrangers ?

    Si les mecs restaient, c'était aussi parce qu'ils avaient pas trop le choix. Les joueurs n'étaient pas moins "mercenaires", pas plus vertueux. Ils étaient coincés, tout simplement.

    Moi je veux bien qu'on critique l'arrêt Bosman et toutes les mesures de dérégulation qui conduisent à la concentration de richesse dans une demi-douzaine de clubs dans le monde. Mais les reproches moralistes aux joueurs qui penseraient qu'au fric me semblent assez injustes.

La revue des Cahiers du football