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Soldats de fortune et misère du football

Comment aimer encore un club quand plus rien ne le représente – surtout pas des joueurs prêts à embrasser n'importe quel écusson?
Auteur : Jérôme Latta le 3 Août 2009

 

Ce sont peut-être les deux transferts les plus marquants de l'intersaison de la Ligue 1, si l'on veut bien adopter un point de vue franco-français et ne pas s'en tenir au seul angle sportif. En rejoignant respectivement l'Olympique lyonnais et l'Olympique de Marseille, Bafetimbi Gomis et Gabriel Heinze ne peuvent en effet laisser indifférents les supporters stéphanois et parisiens. Les premiers voient partir chez le rival régional un espoir majeur du club, formé localement, les seconds arriver chez le rival national rien moins qu'un des joueurs les plus emblématiques de leur histoire récente.

gomis_heinze_web.jpg


Liberté de circulation

Il ne s'agit pas ici de valider lesdites rivalités, souvent dénoncées sur ces pages comme absurdes – voire fabriquées de toutes pièces pour l'axe PSG-OM – et comme ferment de comportements imbéciles. Il ne s'agit pas non plus d'ignorer que ces recrutements si spécialement connotés ne sont absolument pas des précédents. Il n'en reste pas moins que ces deux transferts témoignent du cynisme tranquille avec lequel joueurs et dirigeants orchestrent la carrière des premiers: en se contrefoutant totalement des sentiments des supporters et – en réalité – de ce qui fait l'identité d'un club. Pour les amoureux des clubs concernés, il y a des difficultés légitimes à comprendre que l'offre d'employeurs ne soit pas assez large pour que certains footballeurs évitent, par décence, une ou deux destinations particulières (1). Des difficultés, aussi, à régurgiter la couleuvre des grandes déclarations d'amour passées...

Quelle que soit la distance critique que l'on puisse mettre entre soi et sa passion, comment être indifférent à ces petites trahisons, aussi banales soient-elles devenues? Faut-il affecter d'aimer tant le jeu et la compétition que l'on parvient à faire abstraction de tout le reste? Comment survivre à un écœurement qui ne peut se résumer à un dépit sentimental? Comment avoir l'amour du maillot quand ceux qui le portent n'abritent plus aucun sentiment sous le polyamide – au point qu'on devrait impitoyablement entarter ceux qui empoignent ou embrassent l'écusson après avoir marqué un but. En une question comme en cent: comment aimer encore un club quand plus rien ne le représente?



Recrutement obligatoire

Ces cas de figure ne sont en définitive que les symptômes les plus patents de ce qu'a engendré le mercenariat des joueurs, phénomène ancien mais qui a atteint un stade de développement inédit au cours des dernières années (2). On a d'ailleurs tort d'imputer aux joueurs la responsabilité quasi-exclusive de cette évolution, tant chacun y trouve son compte (3). Pour les journalistes, il y a là une véritable manne, consistant à agiter les fantasmes, les spéculations et les informations invérifiables, et qui permet de noircir des pages en période creuse. Les médias spécialisés tancent les clubs dont le recrutement n'a pas été spectaculaire, comme si c'était la quantité qui comptait (4). Cela fait ainsi bien longtemps que, pour une majorité de supporters parfaitement conditionnés par le grand cirque du mercato, un club digne de ce nom doit recruter à tour de bras: que la saison précédente ait été bonne ou pas, il faut des noms. La valeur future de l'équipe semble ne devoir dépendre que de la qualité des recrues...

Sportivement, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, mais les dirigeants passent leur temps à prendre le risque des "deux tu l'auras", et ainsi à décaisser des moins-values sportives après avoir encaissé des plus-values financières. Voilà pour la partie émergée. Mais il faudrait être complètement naïf pour ne pas comprendre que la logique sportive s'incline avant tout devant le besoin de générer toujours plus de mouvements de joueurs, qui sont autant de mouvements de fonds nourrissant grassement les intermédiaires – déclarés ou occultes – qui prospèrent sur ce terreau (5).



Méconnaissables

Le football ne se déroule alors pas tant sur les terrains que sur le marché des joueurs, devenu une énorme place financière où chacun boursicote et spécule à court terme, le jeu lui-même devenant aussi accessoire que dans les jeux vidéo de management. Le turnover permanent des joueurs semble donc devoir perdurer (6), et avec lui la conception d'un sport de plus en plus privé de ses dimensions identitaires.
De fait, il est devenu impensable d'identifier durablement un club à une équipe, c'est-à-dire à un effectif un tant soit peu durable: en deux saisons, la plupart des onze-type sont profondément remaniés. Les équipes deviennent proprement méconnaissables pour leurs propres supporters. Que reste-t-il en guise de point d'ancrage, dans quoi peut encore s'enraciner ces sociétés anonymes, sachant que le turnover des entraîneurs et des dirigeants est devenu aussi frénétique que celui des joueurs?

Tandis que les styles de jeux deviennent aussi hypothétiques et éphémères que les staffs techniques, même les maillots sont réinventés (quand ce ne sont pas les blasons – devenus logos) et l'on n'a plus le droit d'aimer le béton parfois défraîchi mais empreint d'histoire de nos stades, puisqu'on nous dit qu'ils sont obsolètes, qu'ils faut les détruire pour les reconstruire en moyenne banlieue et les rebaptiser du patronyme d'une société du CAC 40.

La question, ancienne, reste posée: jusqu'où le football professionnel peut aller dans la généralisation du mercenariat, sans finir par solder ce qui est à la racine de sa popularité: le patrimoine historique des clubs, les sentiments d'appartenance qu'ils arrivent à susciter? Mais peut-être a-t-on déjà basculé dans un tout autre régime. Le mercato d'hiver, la prolifération des prêts, les piges de stars comme Beckham, les politiques "galactiques" ou encore les joueurs qui appartiennent à des sociétés témoignent de cette philosophie du casting qui pour effet de stariser les footballeurs au détriment des équipes. Le football est de plus en plus modelé par un marketing de masse qui n'a pas nui, jusqu'à présent, à son rayonnement culturel et économique. Tant que les gamins ne sont pas trop contrariés de devoir décoller les vignettes de leurs albums Panini et que les changements de casaque façon Gomis ou Heinze ne ne choquent pas plus que ça, on peut encore avancer en direction d'un football résolument désincarné.



(1) On est aussi régulièrement frappé par l'étonnement des transfuges quand ils constatent l'hostilité des supporters, à la manière d'un Dehu en larmes lors de la finale de la Coupe de France 2004 (lire "La chasse au Dehu" et "Piquionne, Ballon de Plomb 2008").
(2) Rien n'a entravé ce processus: ni les tentatives d'encadrer les transferts, ni le vœu pieux de rétablir un peu de régulation financière, ni la crise récente.
(3) Certes, des raisons objectives expliquent en partie cette frénésie: le modèle économique des clubs français qui les contraint à faire commerce des joueurs qu'ils forment ou valorisent, ainsi que le modèle psychologique de joueurs qui veulent toujours signer un meilleur contrat ailleurs, quitte à perdre de vue leur propre intérêt, et ont presque toujours le dessus dans les "bras de fer" avec leurs dirigeants.
(4) "Cet été, en matière de transferts, l'AS Monaco patine sévère. Seulement deux joueurs (Djimi Traoré et Sébastien Puygrenier) sont arrivés et le club n'a pas dépensé un seul euro" (lequipe.fr). "Écrasé dans l'actualité de l'intersaison par l'OM, l'OL et même Bordeaux, le PSG fait très peu parler de lui. Aura-t-il le niveau pour se mêler à la lutte pour le titre?" (L'Équipe).
(5) Le montage des transferts (dont les montants officiels sont de bonnes blagues) et des rémunérations des joueurs, de plus en plus complexe, donnent quelque idée des mœurs d'un milieu où la défiscalisation est par ailleurs un sport de masse (lire "Fisc Fucking" et "Footballeurs nets d'impôt").
(6) Si l'on peut encore espérer que la crise qui frappe aussi l'économie du football rétablisse un peu de stabilité et de décence, l'été a livré un message inverse, avec les records atteints par certains grands clubs européens et par les sommes dépensées par les ténors nationaux.

Réactions

  • Cyril trolle... le 03/08/2009 à 23h21
    Sinon, question naïve, mais est-ce que le r€$p€ct est plus important qu'une sélection, le plaisir de jouer une coupe du monde???

    Enfin, je pense que la plupart des joueurs de foot ont, comme nous à une époque, fantasmé sur des images de coupe du monde de leurs idoles. Je me demande s'il faut toujours voir la main des agents de joueur derrière certains transferts. J'aurais plus été dégoûté de voir Heinze et Gomis signer à Sunderland ou Manchester City. Là, il font quand même le choix (oui, je me répète, mais ça me semble logique que cela passe avant les considérations de supporters et avant même les considérations financières) de clubs où ils ont des chances de se rappeler au souvenir de la sélection.

  • suppdebastille le 03/08/2009 à 23h21
    "Mayoul Vonsalsz
    lundi 3 août 2009 - 22h55
    RG7, franchement... Faire fi des déclarations de joueurs, c'est essayer de nous faire croire qu'ils réfléchissent ? Ils ont des gars payés grassement pour ça. "

    Ce sont des adultes, ils ont tout de même le droit de réfléchir un peu à ce qu'ils disent, d'autant plus que dans le cas de Heinze il l'a dit et répété régulièrement depuis son départ du PSG, il s'agit de propos à froid pas après un match.

    A la limite Mbami l'a dit une fois un peu bêtement après la fuite de Fiorèse "Moi Mbami Modeste, jamais je ne signerais à l'OM".
    Un an après quand il voulait quitter le PSG, il a dû piteusement avouer qu'il n'avait pas d'autre offre que celle de l'OM et que donc voilà il ne pouvait refuser.

    Quand Weah en fin de carrière a signé à l'OM, ça m'a fait un pincement au coeur mais au moins Mister George n'avait jamais dit la main sur le coeur qu'il ne signerait ailleurs en France, qu'il kiffait grave le PSG, ses supporters,etc... donc ça passait mieux que Heinze.

  • Hurst Blind & Fae le 03/08/2009 à 23h25
    Mayoul > Je crois même que les Cahiers avaient sorti les équipes types des transfuges. Mais j'ai l'impression que c'est pas vraiment le propos de l'article. Il y a d'un côté le paramètre emblématique du joueur (allons-gaiement, imaginons JPP à Paris. C'est quand même plus grave que Cissé à l'OM et Camara au PSG), ce qu'il a pu déclarer avant sans qu'on l'y ait obligé. Et puis c'est décrit comme un énième avatar de la désincarnation des équipes de foot, pas comme le scandale du sicèle.
    A ce titre, les horreurs subies par les maillots sont bien plus graves que le transfert d'Heinze, mais c'est à force d'entamer le patrimoine petit à petit qu'on finit par ne plus avoir d'autre relation avec son équipe favorite que l'envie de la voir gagner.
    Et quand on en arrive là, on sait que ça peut vite dériver vers le jeu ultra défensif quand il faut absolument des points, et les sifflets dès que l'équipe perd, ce qui est le truc le plus triste qui soit dans un sport. J'ai du mal à concevoir que tout ceci ne soit pas lié.

  • liquido le 03/08/2009 à 23h56
    Hurst Blind & Fae
    lundi 3 août 2009 - 23h25

    c'est à force d'entamer le patrimoine petit à petit qu'on finit par ne plus avoir d'autre relation avec son équipe favorite que l'envie de la voir gagner.

    ---

    Ce qui impliquerait qu'on change de crémerie lorsqu'elle perd. Je ne suis pas sûr que ce soit effectivement le cas, du moins parmi les plus de 14 ans. On en revient donc à ce que les jeunes, là, plus haut, tentent d'expliquer: les mobiles de l'attachement à un club sont multiples et se recomposent. La désertion de ses joueurs emblématiques ou l'abandon de ses couleurs historiques sont loin d'épuiser les raisons d'aimer ledit club. Chacun doit pouvoir faire le test et dénombrer ses joueurs adorés: il n'y en a pas tant que ça (genre moi, c’est Paulette et Yvon Leroux) et leur disparition du paysage n'a généralement pas entamé l’attachement supporterial, sinon temporairement. Bref, le papier donne une version un chouilla réductrice de la psychologie des supporters.

  • Hurst Blind & Fae le 04/08/2009 à 00h14
    C'est pas ce que j'ai voulu dire liquido. Le mécanisme qui t'attache à une équipe, ça va vite, et ce serait difficile à décrire.
    Mais une fois que tu y es, au lieu de t'attacher progressivement à un stade, des couleurs, des personnes, des joueurs, un style de jeu, on ne te laisse plus que le résultat comme "relation" avec le club.
    Et c'est là que ça commence à partir en sucette.

  • sansai le 04/08/2009 à 00h49
    Il est clair que c'est pas les mouvements de joueurs qui me paraissent les plus critiques dans la déshumanisation (oui, je vois pas de terme plus adéquat) des clubs.
    Même si à Nantes, ça prend des proportions critiques qui aident assez à ne plus rien ressentir qu'un bon gros fou rire quand un effectif d'anonymes qui sortent on ne sait d'où, de bourrins comme Akouassaga ou Shéréni, et de joueurs médiocres à la mentalité douteuse comme Alonzo se prennent une tôle monstrueuse.
    Même plus le moindre soupçon de honte ou de dépit.

    Cependant, la déshumanisation des clubs, elle vient principalement de la perte d'un certain nombre de valeurs, de l'oubli progressif de leur histoire, et aussi bien sûr de cette volonté de raser et remplacer ces bonnes vieilles enceintes auxquelles on tient tant - certains à Nantes ont pas fini de regretter Saupin que Kita leur propose déjà de raser la Beaujoire pour faire un nouveau stade encore plus vide (il paraît qu'il aime bien l'echo, et que 18 à 25 000 places vides à la Beaujoire, ça en fait pas assez).

    L'élimination fréquente aussi, dans le staff technique et dans l'entourage du club, des cadres historiques, des anciens qui y ont connu un certain succès et ont peut-être quelques recettes à faire partager aux jeunes générations, n'y est pas pour rien non plus.

    On pourra dire ce qu'on voudra de l'OL, mais c'est pas complètement un hasard si un des moteurs majeurs de l'accession de l'OL au hall of fame du foot français, c'est Bernard Lacombe...

  • animasana le 04/08/2009 à 09h31
    Assez d'accord. Les clubs se vengent bien de cette identité locale en foutant dehors sans larme aucune un Isabey, un Sablé...ainsi que, comme dit dans l'article, en sortant un maillot chaque saison (cette saison, c'est encore mieux: on nous met un maillot tout neuf censé avoir une connotation historique, et ce pour la plupart des clubs). Même la formation ne permet plus aux supporters de s'identifier, tant le petit jeune part de prêt en prêt, puis éclate et annonce dans la foulée que son souhait est de jouer dans un "grand club".
    Il n'y a plus que l'identité régionale, et encore, certains clubs comme Marseille avec le tout marketing mis en route remue un peu ça.
    Finalement, le Paris qu'aimait Heinze est il celui que l'on voit aujourd'hui?

  • Lubo le 04/08/2009 à 09h59
    Comme JihaiR, je suis partagé sur ce débat.
    En tout cas, pour prendre le cas de Bafé, ce n'est ni le premier ni le dernier joueur emblématique de l'ASSE à partir à l'OL, j'ai toujours eu du mal à comprendre l'utilisation du mot "mercenaire" pour qualifier les joueurs actuels.
    Comme ça a été dit, les transferts de joueurs sont vieux comme le foot et les transferts de joueurs vers un club rival ont toujours existé, pour parler du derby et pour n'évoquer que les joueurs/entraineurs formés à Sainté ou emblématiques du club, il y a eu N'Jo Léa dans les années 60, Jacquet dans les années 70, Herbin dans les années 80, Coupet dans les années 90 et aujourd'hui Bafé.

    Sinon, une réflexion annexe, l'Angleterre a Steven Gerrard, l'Italie a Paolo Maldini, l'Espagne a Raùl, quel est le dernier joueur français de dimension internationale à avoir passé toute sa carrière dans le même club ?

  • Qui me crame ce troll? le 04/08/2009 à 10h07
    Sidney Govou.

  • Lubo le 04/08/2009 à 10h13
    Outch.

La revue des Cahiers du football