La Gazette > 11e journée
Puisque le spectacle doit continuer quitte à passer sur le corps des pompiers, la Gazette s'auto-mutile. Il n'y aura qu'une minute pathologique marrante pour plein d'autres pathétiques.
Auteur : Le Feuilleton de la L1
le 2 Nov 2006
Les clubs de Ligue 1 bis collaborent avec zèle à la domination lyonnaise en s'appliquant à ne pas suivre Juninho et sa bande de trop près. Du coup, il y a du monde sur la corde à linge des 18 points. Auteur de la plus belle remontée du mois avec trois victoires de rang, le FC Sochaux vient s'y nicher en compagnie du RC Lens et des Girondins, auxquels leurs victoires valent de rejoindre Lille et Toulouse.
Paris pointe en tête du bourrelet inférieur du classement, qui abrite notamment des Merlus plus frétillants après avoir dominé leurs compagnons de promotion Valenciennois. Troyes et Nice les imitent en gardant le nez juste au-dessus de la ligne de flottaison. Étrangement, les trois équipes qui ont changé d'entraîneur sont sur le podium à l'envers. Avec une belle harmonie dans leurs différences de buts.
Les résultats de la journée
Bordeaux-Sedan : 3-1
Troyes-Saint-Étienne : 3-1
Nice-Marseille : 2-1
Lyon-Nancy : 1-0
Lens-Auxerre : 1-0
Paris SG-Rennes : 1-0
Lorient-Valenciennes : 1-0
Nantes-Monaco : 1-0
Le Mans-Lille : 1-1
Toulouse-Sochaux : 1-2
« Si on pouvait revenir au direct… »
Un jeune pompier handicapé un soir de match au Stade du Ray. "Un incident regrettable", comme le qualifiera Cyril Linette en direct. Bien sûr, il n’y eut pas mort d’homme et des "incidents regrettables", il s’en produit fréquemment sur les stades de football et dans leurs alentours sans que ça n’empêche la terre de tourner. Sauf que cet incident, outre le fait qu’il soit regrettable, est tout sauf anodin: il a fait basculer la vie d’un pompier bénévole de vingt ans. Pas de quoi troubler outre mesure des médias spécialisés qui ont des programmes à assurer.
Si Franck Sauzée et Cyril Linette semblaient réellement affectés pendant le direct, le traitement de ce drame personnel fait froid dans le dos et confirme la propension du football à "reprendre ses droits", quitte à mettre de côté toute notion d’humanité.
L’échange entre Sébastien Piétri et Jean-Marc Ferreri sur OMtv plaçait déjà la barre bien haut:
Sébastien Piétri : "Qu’est-ce qu’on cherche ?"
Jean-Marc Ferreri : "Un trèfle à quatre feuilles ? Ha-ha-ha!"
S. P. : "L’arbitre assistant doit avoir reçu un projectile que l’on ne parvient pas à retrouver".
J-M. F. : "Ça doit pas être bien gros, ha-ha-ha!"
S. P. : "Ah, non, c’est un pompier qui est blessé. À mon avis, vous savez ce qu’on cherche ? Un bout de doigt pour le greffer le plus rapidement possible".
J-M. F. : "Ça peut être plutôt bénéfique à l’OM qui avait eu un début de match difficile. Si on pouvait revenir au direct parce que là, on n’a pas vu ce ballon dangereux…"
Sur Canal, Cyril Linette avait au moins préservé les apparences, bien qu’il eut un peu vite replongé dans le jeu, au point de finir sur un commentaire malheureux en fin de rencontre : "Ce serait dommage que ce beau derby soit terni par un carton rouge". Maladresses à imputer à la pression du direct"? Pas si sûr quand on considère le traitement de cette information à froid.
Difficile de ne pas imputer le silence de Canal lors de Lyon-Nancy à un choix délibéré. Ni MC Balbir à Gerland, ni Cyril Linette depuis Nice, ne trouvent le temps d’évoquer l’événement malgré les 4 minutes 50 consacrées à Nice-Marseille. Un black-out total qui a permis de servir la soupe à Frédéric Antonetti pour ressasser la polémique de l’arbitrage, autrement plus importante que n’importe quel "incident regrettable"… Et aux abonnés, en pleine digestion, de suivre un match en prime time débarrassé de toute information encombrante?
"C’est dramatique!"
Sur iTélé, l’ineffable Karl Olive dédiait lui son N’ayons pas peur du foot hebdomadaire à Anthony Roko, "ce jeune pompier volontaire Niçois, on y reviendra plus tard". On y reviendra effectivement, après de longs échanges sur l’arbitrage, et la notion de drame sera même enfin évoquée… mais pas vraiment de la façon espérée. Interrogé sur l’incident. Nordine Kourichi sut le relativiser en une seule phrase qui claque comme une tête de Dindane à bout portant: "Marseille perd en crédibilité, ils ont perdu deux fois 4-1, ce qui est anormal. C’est dramatique!" Dramatique, effectivement…
LCI se permit de surenchérir dans le cynisme: "Match interrompu quelques minutes seulement, ce qui est regrettable pour l’OM qui a de nouveau perdu", tandis que les footballeurs-bisounours se font des poutous sur L'Équipe TV sans prononcer le moindre mot sur le sujet. Pour s'indigner, changez de crèmerie.
D’ailleurs, dans son édition papier du 30 octobre, L'Équipe réserve seulement un petit encadré en bas de sa page 7. La même place est accordée plus haut à une interview d’Ederson qui nous apprend qu’il a choisi de changer de côté au moment de tirer son penalty, nous offrant une belle leçon de hiérarchisation de l’information.
Finalement, seul Pape Diouf fit entendre la voix d’une certaine sagesse, fût-elle de circonstance. Un peu comme les Niçois la semaine dernière – comme quoi, pour se faire entendre, il est avant tout question de volonté – il s’empare d’une question au hasard posée sur OMtv pour relativiser dès la fin du match: "Sur le plan humain, je déplore ce grave incident qui me paraît autrement plus important que le deuxième but qui consacre notre défaite".
C’est avec bien peu de naïveté que l’on se demande ce qu’il serait advenu du traitement d’un fait identique si Cédric Carrasso avait ramassé l'objet explosif à la place d’Anthony Roko. Pour les médias, la main d’un pompier est moins importante que celle d’un gardien de football.
Les titres auxquels vous avez échappé :
"Pouce!"
"Deux doigts de cynisme"
"La télé prend son courage à une main"
"Bandits manchots"
"Stiff little fingers"
La minute pathologique de Jean-Michel Larqué
Samedi soir sur RMC…
Jean-Michel Larqué : "Ulrich, pourquoi avoir choisit un maillot à manches longues?"
Ulrich Le Pen : "Et bien parce que les manches longues ont une vertu intéressante: figurez-vous qu’on peut les retrousser et elles se transforment en manches courtes".
Jean-Michel Larqué : "Ah… euh… oui… Effectivement..."