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12 juillet [1/13]

Premier épisode. C’était au siècle dernier, il y a si longtemps déjà. C’était hier à peine. C’était un 12 juillet. Un soir d’été comme les autres, enfin, presque. Vous vous souvenez sûrement de ce que vous faisiez ce soir-là, où vous étiez, et avec qui...

Auteur : Bruno Colombari le 11 Oct 2005

 

Ils sont trois. Louise et Fred ont invité Giovanni pour suivre la finale de la Coupe du monde à la télé, dans une vieille maison de campagne. Ils sont quatre, en fait. Mais Nat n’est pas avec eux. Enfin, pas tout à fait...
Dans vingt minutes, ça va commencer. Les conversations animées du repas ont fait place à un étrange silence. Sur la terrasse baignée des derniers rayons de soleil, chacun laisse dériver ses pensées.

* * *

Pour éprouver l’intemporel, il suffit d’une circonstance qui, sans suspendre le temps, vient simplement nous faire adhérer au présent en le faisant flamber, en faisant porter sa densité à l’absolu ; d’une situation qui nous fait entrer dans le recueillement de l’essence, nous porte hors du temps en l’or du temps, nous pose en son centre arrêté.
Étienne Klein, Le Temps.
* * *

 

12 JUILLET 1998, 20H40
GIOVANNI

C’est un jeu que j’ai inventé, il y a longtemps, quand je marchais dans la rue et que je laissais mon esprit vagabonder. Un peu absurde, je te l’accorde. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas, si on cherche bien?
Imagine qu’un extra-terrestre entre en contact avec toi et qu’il te demande de te présenter. Pas seulement comment tu t’appelles, où tu habites, quel métier tu fais, ce genre de conneries. Non. De te présenter complètement.
Eh bien, tu commencerais par dire:
— Moi? Je suis un terrien, je vis sur la troisième planète du système solaire. Je suis un mammifère, dans la famille des hominidés, celle douée paraît-il de conscience. Je suis né dans le dernier tiers du vingtième siècle de l’ère chrétienne, dans l’hémisphère nord, sur le continent européen, dans le sud d’un pays nommé la France. Je vis actuellement ma trente et unième année et je ne sais plus du tout où j’en suis.
Pas mal, comme présentation, non?
Bon, je me souviens qu’on est dimanche, mais je ne suis plus sûr de la date, le 12 je crois, depuis quelque temps j’avoue que je boude un peu les calendriers. Je ne les ai jamais trop aimés, je crois: à la maison, le facteur passait chaque année en décembre nous vendre celui de l’année prochaine, comme si on était pressés d’y arriver, avec les inévitables photos de chiens, de chats ou de coucher de soleil. N’importe quoi. Quand je me suis mis à la photo, je me suis juré de ne jamais prendre de chien, de chat ou de coucher de soleil.  J’aurais eu trop peur de les retrouver dans un calendrier des Postes.
Quant à ma montre, c’est guère mieux. Elle est complètement déréglée, si bien qu’elle doit me donner l’heure de Valparaiso ou de Calcutta, c’est bon à savoir, note bien, mais ce n’est pas très pratique.
Erika me disait toujours que je vivais dans un monde parallèle, et chacun sait que les parallèles ne se rejoignent jamais. Je lui répondais alors que mon monde était plutôt perpendiculaire au sien, heureusement, ça nous permettait de nous retrouver dans les angles droits...
Quand elle est partie, c’est comme si une trappe s’était refermée au-dessus de moi. Pas d’issue par en haut, il ne restait plus qu’à descendre au sous-sol, y passer quelque temps à méditer, et quand je commencerai à comprendre deux-trois choses, je pourrai me mettre en quête d’une sortie de secours.
D’accord, elle n’en voulait pas. Je le comprends, ça, pas de problème, moi non plus au début de notre histoire je n’en voulais pas. Qui voudrait se retrouver avec un nouveau-né sur les bras un an après le début d’une relation, au moment où l’on découvre l’autre chaque minute du jour et de la nuit?
C’était bon pour la préhistoire, pour le Moyen-Age, ces choses-là: tu couches, tu tombes enceinte, tu accouches et tu recommences. Au bout du cinquième ou du sixième, tu meurs en couches. Pas grave, tu as perpétué l’espèce.
Je n’en voulais pas un tout de suite, non. Mais depuis un an, à chaque fois que je croisais dans la rue un homme avec un bébé dans les bras, un étau me compressait l’estomac. Et quand j’avais l’occasion de tenir le petit David et qu’il s’endormait sa tête posée sur mon épaule, totalement abandonné, je goûtais chaque seconde de bonheur comme si ça devait être la dernière.
Erika est partie. Et je suis là. A attendre. A chercher. A creuser dans un labyrinthe sans fin.


* * *

20H45
LOUISE

Dans un quart d’heure la finale va commencer et Giovanni est toujours là. Retiens-le, retiens-le, ne le laisse pas partir. Tout l’après-midi j’avais ça en tête. Un mauvais pressentiment. S’il part, tu ne le verras plus. Retiens-le.
J’y suis arrivée. Tout à l’heure, j’ai bien cru qu’il allait nous laisser. Il s’est levé, s’est étiré tout en regardant autour de lui comme s’il cherchait ses clés, et au moment où il ouvrait la bouche, je me suis précipitée vers lui avec la BD de Loisel sous le bras.
— Dis-moi, Giovanni, tu crois que Mains Rouges, c’est le dernier tome de Peter Pan? J’aimerais bien que l’histoire continue, il peut pas nous laisser tomber comme ça...
Il a l’air si mal, l’Italien. Depuis quinze ans que je le connais, jamais je ne l’ai vu si déprimé. Bien sûr il donne le change. Mais ce n’est qu’un masque, je le vois bien.
Sa rupture avec Erika l’a complètement déboussolé. Mais il n’en parle pas, rien à faire. Le dernier album de Mathieu Chedid, le dernier tome d’Akira, ça, pas de problème. Le plus dur c’est de l’arrêter une fois qu’il est lancé. Il peut t’entretenir des heures de l’esthétique des mangas, de la filiation du blues et du jazz, du crayonné de Mœbius et des influences trip-hop dans les chansons de Björk. Mais pas de ce qui le tracasse. Pas à moi, en tout cas.
Chez lui, il y a toujours de la musique, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Et si lire un roman lui demande un effort surhumain, une BD peut le tenir en haleine pendant quatre heures d’affilée, alors que je le boucle en une demi-heure chrono. Un truc qu’il n’a jamais pu admettre:
— Tu vas beaucoup trop vite, tu ne prends pas le temps de regarder, de te laisser porter par le dessin. Une BD, ce n’est pas un film qui avance à vingt-quatre images par seconde. C’est une succession de tableaux, tu comprends? A toi de remplir les intervalles, de reconstituer le mouvement.
Facile à dire. Il a l’œil du photographe, lui. Il sait ce que c’est qu’une image fixe, ce qu’elle cache et ce qu’elle dévoile. Sans doute sait-il aussi que la plus belle photo du monde ne vaudra jamais un dessin réussi.
— La réalité, ce n’est que la réalité, rien de plus. Une case de BD, c’est un monde en réduction, avec ses codes, son cadre, sa texture, ses couleurs. Un dessinateur a la liberté absolue, Louise, comme un écrivain: avec un crayon et une feuille blanche, il peut faire ce qu’il veut, sans autres limites que celles de son talent. Un photographe, c’est comme un cinéaste. Il est prisonnier de l’image.
Giovanni est aussi accro que Fred, sauf que Fred, c’est au foot. Des gamins, tous les deux. Pas de la même façon, mais des gamins. Quand ils parlent de ce qu’ils aiment, leurs yeux brillent. Je le vois bien.
Ça lui va pas mal, à Giovanni, les cheveux longs et la barbe. Ça lui va même bien. J’imagine que c’est à cause d’Erika. Il ne se rase plus, ne se fait plus couper les cheveux. Sa façon à lui de mesurer chaque jour qui passe, un calendrier pileux qu’il peut contempler dans un miroir... Si ça se trouve, elle aussi aurait aimé.
Qu’est-ce qu’il peut faire tout seul chez lui? Ecouter ses disques, regarder ses films... La fameuse liberté des célibataires! Celle qui rend jaloux les couples installés et surtout ceux qui ont des enfants. C’est vrai, tu rentres quand tu veux le soir, tu peux t’offrir un ciné, traîner au bistrot... Je crois que c’est d’abord une stratégie pour retarder le moment où tu te retrouves seul. Personne à qui parler. Personne contre qui te blottir avant de sombrer dans le sommeil.
La plupart des célibataires que je connais compensent leur solitude par toutes sortes de petits rites rassurants qui découpent leur journée en petits morceaux plus faciles à avaler. Avec l’âge, ça ne doit pas s’arranger. Heureusement que Giovanni est encore jeune. Et comme il n’est pas célibataire depuis longtemps, il n’a pas eu le temps de prendre de mauvaises habitudes.
Tout à l’heure, il m’a dit qu’il venait de revoir Annie Hall. Tu parles d’une bonne idée! L’histoire de la rupture entre Woody Allen et Diane Keaton! Le programme idéal quand on vient de se faire larguer. Il m’a dit que c’était ça ou Alien, (“Allen ou Alien”, il ne pouvait pas la manquer, celle-là) et que franchement, Alien il n’avait pas envie.
— Comment on peut aller se coucher et éteindre la lumière après ça? Imagine que je me prenne les pieds dans le chat en allant me brosser les dents. Soit je tombe raide, soit je le décalque contre le mur!
Pauvre Giovanni. Si j’avais été là, je lui aurais tenu la main... Arrête, Louise. Arrête ça tout de suite. Tu te fais du mal.
Fallait pas laisser passer l’occasion, il y a dix ans, pendant cette fameuse nuit blanche. Il avait l’air si maladroit, si hésitant. Moi-même je ne savais plus ce qu’était vraiment notre relation, et du coup je n’ai rien fait. Maintenant, ce ne serait plus pareil.
C’est fou comme la notion de temps est élastique. Les instruments de mesure, les montres, les calendriers, n’y peuvent rien: parfois les heures se traînent alors que les années s’emballent: à peine le printemps s’annonce que l’automne est déjà installé, et voilà un an de plus, une année pour quoi, pour qui? Qu’est-ce qu’elle m’a appris, cette année? En quoi m’a-t-elle changée?
On a tous vieilli, n’est-ce pas, la trentaine nous est tombée dessus sans crier gare, et on perd peu à peu nos illusions, même si on garde nos réflexes d’enfant.
Fred, par exemple. Depuis que la coupe du Monde a commencé, il est tendu comme une corde à violon. On dirait qu’il joue sa vie quand un match commence. J’espérais vaguement que l’excitation de l’événement le sortirait de son état dépressif qui le ronge depuis des mois. Mais non. Les Bleus sont en finale, ça ne pouvait pas mieux se passer, et pourtant ça ne va pas.
L’excitation s’est transformée en tension, l’impatience en angoisse et la joie en soulagement. Les démons qui le hantent refont surface, et visiblement ils se sont installés dans la durée.


* * *

20H50
FRED

J’en étais sûr. C’était de l’intox. Ronaldo forfait, tu parles! Le Brésil, c’est Nike. Et Nike a allongé tellement de millions de dollars ces dernières années qu’ils ne vont pas se payer le luxe de laisser leur gagne-pain sur le banc. D’ailleurs, ce soir, c’est au moins autant Nike contre Adidas que le Brésil contre la France. C’est le sport moderne.
Soi-disant, il devait y avoir des surprises chez les Bleus. On prend les mêmes et on recommence. Karembeu est là, Guivarc’h aussi. Faudra faire avec. J’aurais préféré Henry ou Trezeguet devant, mais bon, c’est pas moi qui sélectionne. Et franchement, je n’aimerais pas être à sa place, à Jacquet. Qu’est-ce qu’il a pris, depuis quatre mois! Programme de matches amicaux bidons, stratégie frileuse, manque de psychologie avec les joueurs convoqués et pas retenus, choix incompréhensibles... Ils y sont allés fort dans les journaux. Et rétrospectivement, qu’est-ce qu’ils se sont trompés!
Pour être honnête, j’avoue que je n’y croyais guère au mois de mai. Tout allait de travers, la préparation ne ressemblait à rien, tout était en place pour une plantade de première grandeur. Et puis, va savoir pourquoi, la mayonnaise a pris. Le premier tour a été avalé sans effort, hop, trois matches, trois victoires. Même s’il y a eu de la casse avec les blessures de Guivarc’h et de Dugarry et les deux matches de suspension de Zidane. Après, la chance ne nous a plus quittés, et tu vois, elle nous a tellement fait crédit que j’ai peur qu’elle décide de passer à la caisse ce soir.
En tout cas, pour Jacquet le pari est déjà gagné: personne n’a fait mieux que lui en menant la sélection en finale, et perdre contre le tenant du titre n’aurait rien de honteux. Mais quelle tension il a sur les épaules!
J’ai quand même peur d’une raclée. Blanc va nous manquer derrière. Si on le perd, ce match, on va le regretter pendant des années. Si on le gagne, on s’en souviendra toute notre vie.
Remarque, les regrets n’enlaidissent pas forcément les souvenirs, disons qu’ils les habillent et les maquillent comme ça nous arrange. Quand les vieux nous bassinent avec leur “de mon temps, c’était mieux”, ce ne sont pas les circonstances d’autrefois qu’ils regrettent. C’est leur jeunesse, oui. Avec un peu plus de clairvoyance et de sincérité, ils devraient plutôt dire: “du temps où j’étais jeune, je me plaignais moins qu’aujourd’hui, j’avais plus de courage, plus d’inconscience. J’étais apte au bonheur et disponible pour l’aventure.” Enfin, on verra ce que je dirai quand je serai vieux. Si j’y arrive.
L’autre jour, Louise a eu cette phrase sublime:
— On croit qu’on vieillit, Fred, mais c’est peut-être le monde qui rajeunit.
Chirac debout pendant la Marseillaise, bien sûr. C’est lui qui va remettre la coupe, dans deux heures. Si c’est à Deschamps, je parie que sa cote de popularité va grimper jusqu’aux étoiles. De quoi faire oublier la dissolution de l’Assemblée l’an dernier, quelle blague! Mais si on perd, on dira que c’est lui qui a porté la poisse.
Voilà l’angoisse qui me retombe dessus. Je pensais qu’en venant voir le match ici, avec personne à moins de cinq kilomètres, je serais plus détendu, j’apprécierais mieux. Sainte-Anne a toujours eu des effets bénéfiques sur moi, l’air y est différent, plus léger.
Au début, ce n’était qu’une ruine dans les pins et les chênes, et quand mes parents ont acheté le terrain pour trois fois rien, on y a installé une tente. C’était un camping pour nous tous seuls, tu vois, un rêve de gosse, un fabuleux terrain d’aventure.
Puis la toiture a été refaite, puis la façade, les portes, les fenêtres. Longtemps il n’y a même pas eu d’électricité. On s’éclairait avec une lampe à gaz qui faisait un bruit de cocotte-minute.
Quand le courant est arrivé, il y a dix ans, je l’ai vécu comme une trahison inacceptable, un troc indécent entre une atmosphère paisible et chaleureuse et un peu de confort. Bon, c’est vrai que ce soir j’en profite de la prise, j’ai branché dessus ma télé portative pour suivre le match.
Et avec l’image sur le petit écran, le stress est revenu.
C’est quand même la finale de la coupe du monde. Et les Bleus en finale, mon vieux Fred, tu ne reverras peut-être plus jamais ça. Il y a tant de choses que tu ne reverras plus...
Louise a eu raison d’inviter Giovanni. Elle sent quand c’est le moment de le faire. L’intuition, l’empathie, j’en sais rien. Et puis elle le connaît depuis longtemps, bien plus longtemps que moi en tout cas. Je ne sais même pas s’il n’y a pas eu une histoire entre eux. Connaissant Giovanni, ça m’étonnerait: Erika a mis des semaines à lui tourner autour avant qu’il réagisse.
Au début, elle lui a écrit. Une lettre. Puis deux. Puis dix. A la fin, c’était tous les jours.
Intrigué et touché par ces courriers venant d’une fille qu’il ne connaissait que de vue, il a accepté de la voir. Et là, elle a sorti le grand jeu, tu penses. Elle l’a tellement bien embobiné qu’au bout d’un mois, elle a fait mine de se rétracter, de faire marche arrière, juste pour voir s’il tenait vraiment à elle. Il lui a téléphoné toute la nuit, et au petit matin il a fait deux cents kilomètres de voiture pour la rejoindre. Lui qui n’aime pas conduire, faire ça après une nuit sans sommeil, c’était de la folie. Il aurait pu se tuer. C’est tellement vite arrivé, ce genre de choses.
Maintenant, elle est partie, et il ne réagit toujours pas. Faudrait qu’il se reprenne, quand même. Je n’aime pas le voir comme ça.
Le soir du jour où Erika l’a quitté, il m’a appelé. Il avait l’air si désespéré au bout du fil que je lui ai donné rendez-vous dans un quart d’heure au Dealey Plaza, mon bistrot habituel.
J’ai fait le plus vite possible, et pourtant il était déjà là à m’attendre. Son regard était celui d’un enfant meurtri. Ne crois pas que ça a été un moment facile pour moi. En neuf ans, j’ai pris l’habitude qu’on me regarde comme la victime d’une tragédie, un rescapé, un miraculé, j’ai pris l’habitude de sentir sur moi ce fichu regard de pitié et de sympathie.
Ce soir-là, Giovanni était brisé, anéanti, et pourtant il ne venait pas de fracasser son existence contre un platane, lui. Je sais, c’est idiot de dire ça, mais j’ai toujours tendance à relativiser.
Et quand après un long silence il a levé la tête vers moi avec ses yeux remplis de larmes, j’ai compris qu’au fond je ne connaissais rien à ce genre de détresse.

Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais, voir un ami pleurer


Depuis, j’ai en tête les paroles de Brel. Celles qu’il a écrites quelques mois avant sa mort.
Je ne veux plus le voir pleurer, Giovanni. Je ne veux plus.


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>> Le site personnel de l'auteur.

Réactions

  • Florestan le 11/10/2005 à 15h39
    Je sais pas si tu parles entre autres de moi salatomatognon, mais critiquer les critiques, ça va pas nous mener loin... D'autant moins loin qu'on peut facilement retourner ton propos. J'ai beau lire et relire, les critiques positives sont formulées avec une "pauvreté langagière et argumentaire" bien plus accentuée que les critiques négatives. Il n'y a qu'aiaos qui développe un peu, les autres se contentant de s'offusquer qu'on puisse dire qu'on n'aime pas un texte qui se trouve là où il est...

  • Florestan le 11/10/2005 à 15h46
    thibs > Je vais être obstiné mais je pense que c'est vraiment du courage qu'il faut pour écrire un roman. Parce qu'il faut être bon sur au moins une quatre-vingtaine de pages. Parce qu'il faut y croire même quand on se dit "c'est vraiment pas terrible alors que je croyais avoir bien travaillé" après en avoir relu plusieurs dizaines. Parce que c'est un travail qui demande beaucoup de temps et donne beaucoup de déceptions, tout simplement. Que celui qui n'est pas déçu de ce qu'il a créé par rapport à ce qu'il a rêvé de créer, vienne nous en parler.

    Pour info, quand je parlais de Claire Chazal, je parlais de la romancière Claire Chazal. Laquelle a eu pour moi du courage de se lancer dans l'écriture de romans, mais aucun courage à affronter la critique, puisque dans son attitude, tout a exprimé son mépris pour la critique et son intérêt pour les chiffres des ventes (indûment élevées à mon sens).

  • loubet le 11/10/2005 à 15h57
    En voilà une idée qu'elle est bonne: un roman.
    Bon, celui ci commence un peu comme un roman photo comme j'en lisais tout petit en cachette chez ma tante Aliette. Y avait toujours une brune , gentille en général, et une blonde bien méchante, bien salope oserai-je, qui voulait piquer le beau gosse à la brune.
    Les blondes ,quand même , elles ont un sacré problème dans l'imagination collective. A croire qu'elles ont tué Jésus, ou un truc dans le genre qui te fout en l'air une réputation.
    Nat , par exemple , je la vois bien blonde.
    Donc, ça commence gentillet , disais-je, mais va svoir si ça ne va pas dérapper méchantd'ici la mi-temps...
    vivement la suite.

  • Larry Poste le 11/10/2005 à 15h58
    Attention "critique en bois"

    L'histoire de Giovanni me rappelle que je suis certainement en train de me faire lourder en douceur, franchement, heureusement que plaie de coeur n'est pas mortelle, sinon, j'aurais souffert de la lecture.

    Larry Poste, bac en 95, BTS en 98 (bah oui, c'est con, j'ai foiré mon année d'entame en prépa)

  • Florestan le 11/10/2005 à 16h02
    La suite loubet, je suis sûr que ça va être de ce tonneau-là: après une première période où Giovanni va avouer commbien elle lui manque, quand Zidane va marquer (boum! et reboum!) il va se rapprocher de sa bien-aimée; quand Denilson va entrer, un beau gosse va l'éloigner de lui; quand Desailly va se faire expulser, il va vraiment avoir très peur; mais quand Petit va marquer, elle va lui dire oui, et quand Deschamps soulèvera la coupe, elle sera là au coin du feu. "Métaphores", comme nous dit l'auteur.

  • salatomatognon le 11/10/2005 à 16h05
    Florestan - mardi 11 octobre 2005 - 15h39
    "Je sais pas si tu parles entre autres de moi salatomatognon".

    Je rends hommage à ta lucidité. Tu dois donc pouvoir également comprendre ce que j'exprimais en disant que le droit à la critique comporte des devoirs - plus de devoirs qu'une opinion positive, surtout si celle-ci réagit à une volée d'opinions négatives que je persiste à considérer comme très pauvrement exprimées, avec une totale insensibilité à ce que thibs a essayé de souligner, et avec une forte inconscience leur narcissisme et de leur vanité (à l'image de ce post où tu déballes ce que t'évoques le 12 juillet, sans t'interroger sur l'intérêt - nul à mon sens - de ce déballage). Mais c'est fréquemment le propre des forumistes de se croire intéressants, sans avoir trop d'exigences envers eux-mêmes.

    Pour finir, je te concède bien volontiers le droit de me trouver, à ton tour, méprisant puisque c'est parfaitement exact. Etant fielleux moi-même, je m'énerve du fiel des autres, que je trouve trop souvent doucâtre et dénué du moindre talent.

  • jayjay59 le 11/10/2005 à 16h08
    Florestan - mardi 11 octobre 2005 - 15h18
    Par ailleurs, il faut absolument que je place les quelques remarques que je ressors à chaque fois qu'on me pose la question sur le 12 juillet 1998.

    "Franchement, j'ai été beaucoup plus heureux quand on a battu le Paraguay, l'Italie et surtout la Croatie... 3-0, ça faisait pas finale de Coupe du monde".

    "Tu sais, moi j'ai vu sur une télé minuscule dans une boîte gothique qui d'ailleurs n'existe plus. C'est le seul endroit où on avait trouvé une place. C'était plus glauque qu'autre chose, sauf quand ils ont mis du Louise Attaque à la mi-temps".

    "Ce soir-là j'étais à Lille. Particularité: c'est la seule ville de France où il a plu le 12 juillet 1998".

    "En 98 la date que je retiendrai, c'est moins France-Brésil le 12 juillet qu'Auxerre-Lens le 9 mai. Vingt ans que j'attendais ça".



    Ah ben c'est marrant, parce qu'on a dû voir la finale au même endroit (Louise Attaque dans la boîte goth - l'ancien K13 avant que ça devienne K13 puis je sais plus quoi, si je ne m'abuse - c'est un signe qui ne trompe pas !)

  • axgtd le 11/10/2005 à 16h16
    Bande de gamins, moi je bossais le 12 juillet (enfin, pas le 12, je crois me souvenir que c'était un dimanche, mais le 13) (enfin bosser est un bien grand mot, ça consistait surtout à discuter avec les collègues, tous néo-footeux).
    Et je me souviens de la demi-finale, vue dans la salle de l'église croate de Paris. Les Croates sont très fair-play et ont le sens de la fête (en tout cas ceux-là, ce jour-là).

  • thenoisytouch le 11/10/2005 à 16h24
    Moi je me souviens que j'étais à Paris le soir du match contre la Croatie, que j'ai assisté à un concert de Sonic Youth et que Thurston Moore partait en coulisses pour revenir amusé nous annoncer les scores (mais je m'en foutais royalement).

    Pour le match contre l'Italie j'étais en voiture, j'ai vécu les tirs aux buts à la radio en revenant d'un concert de ... Sonic Youth

  • harvest le 11/10/2005 à 16h50
    En lisant vos avis à tous( on va pas dire critiques quand même ), j'oscillais entre l'envie d'affirmer fermement mon intérêt pour ce 12 Juillet nouvelle version, et celle d'en inciter quelques uns à retourner sur le site lien qu'ils n'auraient jamais du quitter.
    Ceux qui n'ont pas découvert les CdF il y a seulement quelques mois savent à quoi ont échappé un ou deux idiots aux pseudos "pseudo-brésiliens". Mais, fi de la bétise, salatomatognon a parfaitement replacé ces puérils contributeurs dans leurs couches.
    Je me contenterai donc de conseiller à tous d'aller lire l'autre extrait publié sur le site de l'auteur. Lisez cette page in extenso , et je vous souhaite le même ressenti que moi quand vous arriverez sur les cinq derniers mots. Les vrais amateurs du jeu comprendront.

La revue des Cahiers du football