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12 juillet [1/13]

Premier épisode. C’était au siècle dernier, il y a si longtemps déjà. C’était hier à peine. C’était un 12 juillet. Un soir d’été comme les autres, enfin, presque. Vous vous souvenez sûrement de ce que vous faisiez ce soir-là, où vous étiez, et avec qui...

Auteur : Bruno Colombari le 11 Oct 2005

 

Ils sont trois. Louise et Fred ont invité Giovanni pour suivre la finale de la Coupe du monde à la télé, dans une vieille maison de campagne. Ils sont quatre, en fait. Mais Nat n’est pas avec eux. Enfin, pas tout à fait...
Dans vingt minutes, ça va commencer. Les conversations animées du repas ont fait place à un étrange silence. Sur la terrasse baignée des derniers rayons de soleil, chacun laisse dériver ses pensées.

* * *

Pour éprouver l’intemporel, il suffit d’une circonstance qui, sans suspendre le temps, vient simplement nous faire adhérer au présent en le faisant flamber, en faisant porter sa densité à l’absolu ; d’une situation qui nous fait entrer dans le recueillement de l’essence, nous porte hors du temps en l’or du temps, nous pose en son centre arrêté.
Étienne Klein, Le Temps.
* * *

 

12 JUILLET 1998, 20H40
GIOVANNI

C’est un jeu que j’ai inventé, il y a longtemps, quand je marchais dans la rue et que je laissais mon esprit vagabonder. Un peu absurde, je te l’accorde. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas, si on cherche bien?
Imagine qu’un extra-terrestre entre en contact avec toi et qu’il te demande de te présenter. Pas seulement comment tu t’appelles, où tu habites, quel métier tu fais, ce genre de conneries. Non. De te présenter complètement.
Eh bien, tu commencerais par dire:
— Moi? Je suis un terrien, je vis sur la troisième planète du système solaire. Je suis un mammifère, dans la famille des hominidés, celle douée paraît-il de conscience. Je suis né dans le dernier tiers du vingtième siècle de l’ère chrétienne, dans l’hémisphère nord, sur le continent européen, dans le sud d’un pays nommé la France. Je vis actuellement ma trente et unième année et je ne sais plus du tout où j’en suis.
Pas mal, comme présentation, non?
Bon, je me souviens qu’on est dimanche, mais je ne suis plus sûr de la date, le 12 je crois, depuis quelque temps j’avoue que je boude un peu les calendriers. Je ne les ai jamais trop aimés, je crois: à la maison, le facteur passait chaque année en décembre nous vendre celui de l’année prochaine, comme si on était pressés d’y arriver, avec les inévitables photos de chiens, de chats ou de coucher de soleil. N’importe quoi. Quand je me suis mis à la photo, je me suis juré de ne jamais prendre de chien, de chat ou de coucher de soleil.  J’aurais eu trop peur de les retrouver dans un calendrier des Postes.
Quant à ma montre, c’est guère mieux. Elle est complètement déréglée, si bien qu’elle doit me donner l’heure de Valparaiso ou de Calcutta, c’est bon à savoir, note bien, mais ce n’est pas très pratique.
Erika me disait toujours que je vivais dans un monde parallèle, et chacun sait que les parallèles ne se rejoignent jamais. Je lui répondais alors que mon monde était plutôt perpendiculaire au sien, heureusement, ça nous permettait de nous retrouver dans les angles droits...
Quand elle est partie, c’est comme si une trappe s’était refermée au-dessus de moi. Pas d’issue par en haut, il ne restait plus qu’à descendre au sous-sol, y passer quelque temps à méditer, et quand je commencerai à comprendre deux-trois choses, je pourrai me mettre en quête d’une sortie de secours.
D’accord, elle n’en voulait pas. Je le comprends, ça, pas de problème, moi non plus au début de notre histoire je n’en voulais pas. Qui voudrait se retrouver avec un nouveau-né sur les bras un an après le début d’une relation, au moment où l’on découvre l’autre chaque minute du jour et de la nuit?
C’était bon pour la préhistoire, pour le Moyen-Age, ces choses-là: tu couches, tu tombes enceinte, tu accouches et tu recommences. Au bout du cinquième ou du sixième, tu meurs en couches. Pas grave, tu as perpétué l’espèce.
Je n’en voulais pas un tout de suite, non. Mais depuis un an, à chaque fois que je croisais dans la rue un homme avec un bébé dans les bras, un étau me compressait l’estomac. Et quand j’avais l’occasion de tenir le petit David et qu’il s’endormait sa tête posée sur mon épaule, totalement abandonné, je goûtais chaque seconde de bonheur comme si ça devait être la dernière.
Erika est partie. Et je suis là. A attendre. A chercher. A creuser dans un labyrinthe sans fin.


* * *

20H45
LOUISE

Dans un quart d’heure la finale va commencer et Giovanni est toujours là. Retiens-le, retiens-le, ne le laisse pas partir. Tout l’après-midi j’avais ça en tête. Un mauvais pressentiment. S’il part, tu ne le verras plus. Retiens-le.
J’y suis arrivée. Tout à l’heure, j’ai bien cru qu’il allait nous laisser. Il s’est levé, s’est étiré tout en regardant autour de lui comme s’il cherchait ses clés, et au moment où il ouvrait la bouche, je me suis précipitée vers lui avec la BD de Loisel sous le bras.
— Dis-moi, Giovanni, tu crois que Mains Rouges, c’est le dernier tome de Peter Pan? J’aimerais bien que l’histoire continue, il peut pas nous laisser tomber comme ça...
Il a l’air si mal, l’Italien. Depuis quinze ans que je le connais, jamais je ne l’ai vu si déprimé. Bien sûr il donne le change. Mais ce n’est qu’un masque, je le vois bien.
Sa rupture avec Erika l’a complètement déboussolé. Mais il n’en parle pas, rien à faire. Le dernier album de Mathieu Chedid, le dernier tome d’Akira, ça, pas de problème. Le plus dur c’est de l’arrêter une fois qu’il est lancé. Il peut t’entretenir des heures de l’esthétique des mangas, de la filiation du blues et du jazz, du crayonné de Mœbius et des influences trip-hop dans les chansons de Björk. Mais pas de ce qui le tracasse. Pas à moi, en tout cas.
Chez lui, il y a toujours de la musique, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Et si lire un roman lui demande un effort surhumain, une BD peut le tenir en haleine pendant quatre heures d’affilée, alors que je le boucle en une demi-heure chrono. Un truc qu’il n’a jamais pu admettre:
— Tu vas beaucoup trop vite, tu ne prends pas le temps de regarder, de te laisser porter par le dessin. Une BD, ce n’est pas un film qui avance à vingt-quatre images par seconde. C’est une succession de tableaux, tu comprends? A toi de remplir les intervalles, de reconstituer le mouvement.
Facile à dire. Il a l’œil du photographe, lui. Il sait ce que c’est qu’une image fixe, ce qu’elle cache et ce qu’elle dévoile. Sans doute sait-il aussi que la plus belle photo du monde ne vaudra jamais un dessin réussi.
— La réalité, ce n’est que la réalité, rien de plus. Une case de BD, c’est un monde en réduction, avec ses codes, son cadre, sa texture, ses couleurs. Un dessinateur a la liberté absolue, Louise, comme un écrivain: avec un crayon et une feuille blanche, il peut faire ce qu’il veut, sans autres limites que celles de son talent. Un photographe, c’est comme un cinéaste. Il est prisonnier de l’image.
Giovanni est aussi accro que Fred, sauf que Fred, c’est au foot. Des gamins, tous les deux. Pas de la même façon, mais des gamins. Quand ils parlent de ce qu’ils aiment, leurs yeux brillent. Je le vois bien.
Ça lui va pas mal, à Giovanni, les cheveux longs et la barbe. Ça lui va même bien. J’imagine que c’est à cause d’Erika. Il ne se rase plus, ne se fait plus couper les cheveux. Sa façon à lui de mesurer chaque jour qui passe, un calendrier pileux qu’il peut contempler dans un miroir... Si ça se trouve, elle aussi aurait aimé.
Qu’est-ce qu’il peut faire tout seul chez lui? Ecouter ses disques, regarder ses films... La fameuse liberté des célibataires! Celle qui rend jaloux les couples installés et surtout ceux qui ont des enfants. C’est vrai, tu rentres quand tu veux le soir, tu peux t’offrir un ciné, traîner au bistrot... Je crois que c’est d’abord une stratégie pour retarder le moment où tu te retrouves seul. Personne à qui parler. Personne contre qui te blottir avant de sombrer dans le sommeil.
La plupart des célibataires que je connais compensent leur solitude par toutes sortes de petits rites rassurants qui découpent leur journée en petits morceaux plus faciles à avaler. Avec l’âge, ça ne doit pas s’arranger. Heureusement que Giovanni est encore jeune. Et comme il n’est pas célibataire depuis longtemps, il n’a pas eu le temps de prendre de mauvaises habitudes.
Tout à l’heure, il m’a dit qu’il venait de revoir Annie Hall. Tu parles d’une bonne idée! L’histoire de la rupture entre Woody Allen et Diane Keaton! Le programme idéal quand on vient de se faire larguer. Il m’a dit que c’était ça ou Alien, (“Allen ou Alien”, il ne pouvait pas la manquer, celle-là) et que franchement, Alien il n’avait pas envie.
— Comment on peut aller se coucher et éteindre la lumière après ça? Imagine que je me prenne les pieds dans le chat en allant me brosser les dents. Soit je tombe raide, soit je le décalque contre le mur!
Pauvre Giovanni. Si j’avais été là, je lui aurais tenu la main... Arrête, Louise. Arrête ça tout de suite. Tu te fais du mal.
Fallait pas laisser passer l’occasion, il y a dix ans, pendant cette fameuse nuit blanche. Il avait l’air si maladroit, si hésitant. Moi-même je ne savais plus ce qu’était vraiment notre relation, et du coup je n’ai rien fait. Maintenant, ce ne serait plus pareil.
C’est fou comme la notion de temps est élastique. Les instruments de mesure, les montres, les calendriers, n’y peuvent rien: parfois les heures se traînent alors que les années s’emballent: à peine le printemps s’annonce que l’automne est déjà installé, et voilà un an de plus, une année pour quoi, pour qui? Qu’est-ce qu’elle m’a appris, cette année? En quoi m’a-t-elle changée?
On a tous vieilli, n’est-ce pas, la trentaine nous est tombée dessus sans crier gare, et on perd peu à peu nos illusions, même si on garde nos réflexes d’enfant.
Fred, par exemple. Depuis que la coupe du Monde a commencé, il est tendu comme une corde à violon. On dirait qu’il joue sa vie quand un match commence. J’espérais vaguement que l’excitation de l’événement le sortirait de son état dépressif qui le ronge depuis des mois. Mais non. Les Bleus sont en finale, ça ne pouvait pas mieux se passer, et pourtant ça ne va pas.
L’excitation s’est transformée en tension, l’impatience en angoisse et la joie en soulagement. Les démons qui le hantent refont surface, et visiblement ils se sont installés dans la durée.


* * *

20H50
FRED

J’en étais sûr. C’était de l’intox. Ronaldo forfait, tu parles! Le Brésil, c’est Nike. Et Nike a allongé tellement de millions de dollars ces dernières années qu’ils ne vont pas se payer le luxe de laisser leur gagne-pain sur le banc. D’ailleurs, ce soir, c’est au moins autant Nike contre Adidas que le Brésil contre la France. C’est le sport moderne.
Soi-disant, il devait y avoir des surprises chez les Bleus. On prend les mêmes et on recommence. Karembeu est là, Guivarc’h aussi. Faudra faire avec. J’aurais préféré Henry ou Trezeguet devant, mais bon, c’est pas moi qui sélectionne. Et franchement, je n’aimerais pas être à sa place, à Jacquet. Qu’est-ce qu’il a pris, depuis quatre mois! Programme de matches amicaux bidons, stratégie frileuse, manque de psychologie avec les joueurs convoqués et pas retenus, choix incompréhensibles... Ils y sont allés fort dans les journaux. Et rétrospectivement, qu’est-ce qu’ils se sont trompés!
Pour être honnête, j’avoue que je n’y croyais guère au mois de mai. Tout allait de travers, la préparation ne ressemblait à rien, tout était en place pour une plantade de première grandeur. Et puis, va savoir pourquoi, la mayonnaise a pris. Le premier tour a été avalé sans effort, hop, trois matches, trois victoires. Même s’il y a eu de la casse avec les blessures de Guivarc’h et de Dugarry et les deux matches de suspension de Zidane. Après, la chance ne nous a plus quittés, et tu vois, elle nous a tellement fait crédit que j’ai peur qu’elle décide de passer à la caisse ce soir.
En tout cas, pour Jacquet le pari est déjà gagné: personne n’a fait mieux que lui en menant la sélection en finale, et perdre contre le tenant du titre n’aurait rien de honteux. Mais quelle tension il a sur les épaules!
J’ai quand même peur d’une raclée. Blanc va nous manquer derrière. Si on le perd, ce match, on va le regretter pendant des années. Si on le gagne, on s’en souviendra toute notre vie.
Remarque, les regrets n’enlaidissent pas forcément les souvenirs, disons qu’ils les habillent et les maquillent comme ça nous arrange. Quand les vieux nous bassinent avec leur “de mon temps, c’était mieux”, ce ne sont pas les circonstances d’autrefois qu’ils regrettent. C’est leur jeunesse, oui. Avec un peu plus de clairvoyance et de sincérité, ils devraient plutôt dire: “du temps où j’étais jeune, je me plaignais moins qu’aujourd’hui, j’avais plus de courage, plus d’inconscience. J’étais apte au bonheur et disponible pour l’aventure.” Enfin, on verra ce que je dirai quand je serai vieux. Si j’y arrive.
L’autre jour, Louise a eu cette phrase sublime:
— On croit qu’on vieillit, Fred, mais c’est peut-être le monde qui rajeunit.
Chirac debout pendant la Marseillaise, bien sûr. C’est lui qui va remettre la coupe, dans deux heures. Si c’est à Deschamps, je parie que sa cote de popularité va grimper jusqu’aux étoiles. De quoi faire oublier la dissolution de l’Assemblée l’an dernier, quelle blague! Mais si on perd, on dira que c’est lui qui a porté la poisse.
Voilà l’angoisse qui me retombe dessus. Je pensais qu’en venant voir le match ici, avec personne à moins de cinq kilomètres, je serais plus détendu, j’apprécierais mieux. Sainte-Anne a toujours eu des effets bénéfiques sur moi, l’air y est différent, plus léger.
Au début, ce n’était qu’une ruine dans les pins et les chênes, et quand mes parents ont acheté le terrain pour trois fois rien, on y a installé une tente. C’était un camping pour nous tous seuls, tu vois, un rêve de gosse, un fabuleux terrain d’aventure.
Puis la toiture a été refaite, puis la façade, les portes, les fenêtres. Longtemps il n’y a même pas eu d’électricité. On s’éclairait avec une lampe à gaz qui faisait un bruit de cocotte-minute.
Quand le courant est arrivé, il y a dix ans, je l’ai vécu comme une trahison inacceptable, un troc indécent entre une atmosphère paisible et chaleureuse et un peu de confort. Bon, c’est vrai que ce soir j’en profite de la prise, j’ai branché dessus ma télé portative pour suivre le match.
Et avec l’image sur le petit écran, le stress est revenu.
C’est quand même la finale de la coupe du monde. Et les Bleus en finale, mon vieux Fred, tu ne reverras peut-être plus jamais ça. Il y a tant de choses que tu ne reverras plus...
Louise a eu raison d’inviter Giovanni. Elle sent quand c’est le moment de le faire. L’intuition, l’empathie, j’en sais rien. Et puis elle le connaît depuis longtemps, bien plus longtemps que moi en tout cas. Je ne sais même pas s’il n’y a pas eu une histoire entre eux. Connaissant Giovanni, ça m’étonnerait: Erika a mis des semaines à lui tourner autour avant qu’il réagisse.
Au début, elle lui a écrit. Une lettre. Puis deux. Puis dix. A la fin, c’était tous les jours.
Intrigué et touché par ces courriers venant d’une fille qu’il ne connaissait que de vue, il a accepté de la voir. Et là, elle a sorti le grand jeu, tu penses. Elle l’a tellement bien embobiné qu’au bout d’un mois, elle a fait mine de se rétracter, de faire marche arrière, juste pour voir s’il tenait vraiment à elle. Il lui a téléphoné toute la nuit, et au petit matin il a fait deux cents kilomètres de voiture pour la rejoindre. Lui qui n’aime pas conduire, faire ça après une nuit sans sommeil, c’était de la folie. Il aurait pu se tuer. C’est tellement vite arrivé, ce genre de choses.
Maintenant, elle est partie, et il ne réagit toujours pas. Faudrait qu’il se reprenne, quand même. Je n’aime pas le voir comme ça.
Le soir du jour où Erika l’a quitté, il m’a appelé. Il avait l’air si désespéré au bout du fil que je lui ai donné rendez-vous dans un quart d’heure au Dealey Plaza, mon bistrot habituel.
J’ai fait le plus vite possible, et pourtant il était déjà là à m’attendre. Son regard était celui d’un enfant meurtri. Ne crois pas que ça a été un moment facile pour moi. En neuf ans, j’ai pris l’habitude qu’on me regarde comme la victime d’une tragédie, un rescapé, un miraculé, j’ai pris l’habitude de sentir sur moi ce fichu regard de pitié et de sympathie.
Ce soir-là, Giovanni était brisé, anéanti, et pourtant il ne venait pas de fracasser son existence contre un platane, lui. Je sais, c’est idiot de dire ça, mais j’ai toujours tendance à relativiser.
Et quand après un long silence il a levé la tête vers moi avec ses yeux remplis de larmes, j’ai compris qu’au fond je ne connaissais rien à ce genre de détresse.

Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais, voir un ami pleurer


Depuis, j’ai en tête les paroles de Brel. Celles qu’il a écrites quelques mois avant sa mort.
Je ne veux plus le voir pleurer, Giovanni. Je ne veux plus.


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>> Le site personnel de l'auteur.

Réactions

  • Val2nho le 12/10/2005 à 10h34
    Certainement Rom's,

    homodiagétique c'est homodiégétique avec une faute d'orthographe... En gros, d'après mes souvenirs, c'est lorsque le narrateur (1ère personne) est partie prenante à l'histoire qu'il 'raconte' de son point de vue.

  • rom's le 12/10/2005 à 10h39
    Merci, Val2Marninho. Je suis actuellement dans une phase "soif de connaissance et de compréhension" comme quand j'étais pitit. Fort heureusement, ça devrait pas durer.

  • DixDeDer le 12/10/2005 à 10h45
    Bon, ben j'ai lu le début.........
    que ceux que ça branche aillent sur le site de l'auteur, quant aux autres (dont moi)........ on n'a plus qu'à attendre l'article suivant

  • Raspou le 12/10/2005 à 12h23
    C'est assez rigolo, comme débat. Je trouve qu'il porte pas mal autour du thème "quelle valeur accorder à la publication de littérature sur le Net". Je développe.

    Quand un auteur sort un bouquin chez Gallimard, tout le monde trouve normal qu'il prenne le risque de se faire descendre, soit par des medias spécialisés, soit par tout un chacun. Personne ne s'offusquerait de lire un décapage en règle du dernier Dantec dans Charlie Hebdo. Aucun de ses détracteurs ne se priverait de pourrir Houellebecq dans une discussion entre potes, ou même sur un forum consacré à ça. C'est le jeu, c'est la dura lex sed lex de la production littéraire "normale" (et c'est vrai pour tous les arts).

    A l'inverse, des productions très clairement "amateurs" bénéficient d'une indulgence bien compréhensible. Qui se permettrait de traiter de grosse nulle la cousine qui fait une reprise des "Feuilles mortes" à l'anniversaire de Roger? Qui balancerait des tomates au spectacle de fin d'année du Lycée Raymond Poulidor? Qui se lancerait dans une critique acerbe du roman-feuilleton écrit par Raoul pour faire rire ses te-pos?

    Dans le cas présent, il me semble qu'on est devant un décalage des perceptions. Pour certains, la publication d'un texte sur le site des CdF, c'est un geste amical interne à la communauté, un peu comme publier un post particulièrement chiadé sur le forum. Et donc descendre ça en flèche, c'est s'exposer tout naturellement à des commentaires du type "eh oh pour qui tu te prends?", "d'où t'es si agressif?" et "t'as fait mieux, toi, pour parler?".

    Pour d'autres, la publication sur un site comme les CdF est une publication "normale", pas aussi prestigieuse qu'à Gallimard, mais exposant l'auteur au même travail critique. Et ceux-là de s'étonner qu'on leur reproche ce qui est activité salutaire de l'esprit humain, l'interrogation sur la valeur des choses. Quand on se place dans cette optique là, il est aussi normal de descendre la prose colombariesque que d'élire Fiorèse Ballon de Plomb, on n'est pas tenu par la bienveillance amicale que l'on montre envers l'amateur déclaré.


    Je donne maintenant mon avis, à moi le mien tout beau:

    - Sur le forum des CdF, on est là pour s'étriper joyeusement entre potes, pour se signifier nos désaccords, mais sans faire prévaloir les critères de forme. On ne va pas commencer à se dire "ton intervention ne respecte pas les règles de la rhétorique classique" ou "ton post a une valeur littéraire faible". Ainsi, j'ai trouvé assez injuste le procès fait à babou: si on trouve son feuilleton nul, on passe, mais casser à peu de frais un mec qui se donne du mal sans prétendre à autre chose que divertir les potes, bof.

    - Sur le site des CdF, on est en mesure de porter un jugement sur une production journalistique humoristique. Si l'article de la Rédac' ou du contributeur est génial, on encense, s'il est nul, on modère d'un "bof, pas terrible, celui-là". C'est généralement bien admis, car l'exercice journalistico-humoristique est le coeur de ce site, il y a toute sa place. Néanmoins, vous remarquerez que reviennent souvent des commentaires du genre "c'est nul de critiquer des bénévoles" ou "faites mieux un peu pour voir" quand sont émises des critiques trop acerbes - preuve que le côté "communauté amicale" l'emporte souvent sur celui "media lambda".

    - Pour ce qui est du littéraire, la publication sur un site comme celui-ci n'a aucune valeur légitimante. Ca ne veut strictement rien dire. Ca n'empêche pas qu'on trouve ça sympa ou pas sympa, qu'on lise ou qu'on zappe, mais ça n'a pas été adoubé par la seule chose qui compte pour un véritable écrivain, la publication papier (et pas à compte d'auteur...). Qu'on me comprenne bien: je ne dis pas que seuls les textes publiés peuvent avoir une valeur littéraire (regardons "La conjuration des imbéciles", et tous les autres "ratés" de maisons d'édition aux logiques si souvent commerciales...), mais que c'est la publication qui les fait sortir de la catégorie "gentil exercice entre potes" pour les faire passer dans celle "production littéraire soumise à la critique".

    Donc le roman colombariesque, je ne m'attends pas à ce que ça ait une valeur littéraire quelconque, car les CdF n'ont aucune légitimité en la matière. Si ça en a une, divine surprise, j'applaudis, sinon, normal, je zappe et je me tais.

    Donc je zappe, et je me tais, maintenant.




  • Florestan le 12/10/2005 à 12h54
    Comme c'est bien dit. Félicitations.
    Ça me confirme que hier, au lieu de donner mon avis, j'aurais mieux fait de me taire. Je me serais épargné bien des tracasseries.

  • Diagana le 12/10/2005 à 13h27
    Personnellement j'ai hate de lire la suite.

    Sinon pour le coté bobo, je trouve que les fans de foot qui lisent régulièrement les cahiers (ou encore so foot) sont quelque part les bobos du foot. Je pense donc qu'il faut relativiser les jugements sur le coté bobo.

  • salatomatognon le 12/10/2005 à 14h42
    Joli post, raspou.

    Personnellement, ce n'est pas le droit à la critique ou à l'acerbitude (oui, bon) que je conteste, ce sont les jugements de valeur expéditifs, gratuits, méprisants et non argumentés. Catégorie dans laquelle entrent clairement les lynchages initiaux de leonardo et de florestan (dont on a vu qu'une fois un peu poussé dans ses retranchements, ils savait produire une critique très intéressante - mais se serait-il donné la peine de l'écrire sans la polémique menée ici?)

    Quel que soit le contexte, je trouve que ces attitudes relèvent d'une suffisance détestable. Quand je parle des "devoirs" liés au droit de critique, je crois être assez explicite. Or, la qualité du forum des CdF devrait imposer naturellement de tels devoirs aux participants, à mon avis...

  • harvest le 12/10/2005 à 15h12
    > Chère C.A. ( j'écris "chère" parce que tu es "sûre" mais je ne suis pas si sûr moi-même parce que tes gens sont bien "éloignées" ) : Effectivement, et en dépit du déni d'Alexis, ma contrib visait celle d'un certain L. de Frisco et la tienne. J'y trouve une posture de "bon genre" qui n'a rien à envier aux boboisme dénoncé ( à supposer déjà que ça n'en soit pas ;-) ).
    Style " Que moi j'en lis plein, des livres, même que ceux que je comprends pas tout, ils sont 'achement mieux écrits que ce 12 Juillet."

    P.S. Le "plumitif" des CdF de jadis aurait plutôt eu son bac français en 71.

  • à caen y'a pas... le 12/10/2005 à 17h03
    Amoros > "l'onanisme" c'est avoir des comportements sexuels déviant par la préférence des relations avec les gens de petite taille ?
    (moi aussi je veux apprendre sur les cdf)

  • vendek1 le 12/10/2005 à 18h17
    Bon , tout ça , c'est bien beau, mais je trouve que Babou est vachement édulcoré depuis qu'il est placardé en une , limite aseptisé ... pus de violence , pus de sensations extrêmes , pas torride pour deux sous, rien!
    Babou, c'était mieux avant.
    Comment ça , J'ai raté un épisode?

    V1

    Et je plussune Amoros . Y a bon l'onanisme
    sur ces réactions ...

La revue des Cahiers du football