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12 juillet [1/13]

Premier épisode. C’était au siècle dernier, il y a si longtemps déjà. C’était hier à peine. C’était un 12 juillet. Un soir d’été comme les autres, enfin, presque. Vous vous souvenez sûrement de ce que vous faisiez ce soir-là, où vous étiez, et avec qui...

Auteur : Bruno Colombari le 11 Oct 2005

 

Ils sont trois. Louise et Fred ont invité Giovanni pour suivre la finale de la Coupe du monde à la télé, dans une vieille maison de campagne. Ils sont quatre, en fait. Mais Nat n’est pas avec eux. Enfin, pas tout à fait...
Dans vingt minutes, ça va commencer. Les conversations animées du repas ont fait place à un étrange silence. Sur la terrasse baignée des derniers rayons de soleil, chacun laisse dériver ses pensées.

* * *

Pour éprouver l’intemporel, il suffit d’une circonstance qui, sans suspendre le temps, vient simplement nous faire adhérer au présent en le faisant flamber, en faisant porter sa densité à l’absolu ; d’une situation qui nous fait entrer dans le recueillement de l’essence, nous porte hors du temps en l’or du temps, nous pose en son centre arrêté.
Étienne Klein, Le Temps.
* * *

 

12 JUILLET 1998, 20H40
GIOVANNI

C’est un jeu que j’ai inventé, il y a longtemps, quand je marchais dans la rue et que je laissais mon esprit vagabonder. Un peu absurde, je te l’accorde. Mais qu’est-ce qui ne l’est pas, si on cherche bien?
Imagine qu’un extra-terrestre entre en contact avec toi et qu’il te demande de te présenter. Pas seulement comment tu t’appelles, où tu habites, quel métier tu fais, ce genre de conneries. Non. De te présenter complètement.
Eh bien, tu commencerais par dire:
— Moi? Je suis un terrien, je vis sur la troisième planète du système solaire. Je suis un mammifère, dans la famille des hominidés, celle douée paraît-il de conscience. Je suis né dans le dernier tiers du vingtième siècle de l’ère chrétienne, dans l’hémisphère nord, sur le continent européen, dans le sud d’un pays nommé la France. Je vis actuellement ma trente et unième année et je ne sais plus du tout où j’en suis.
Pas mal, comme présentation, non?
Bon, je me souviens qu’on est dimanche, mais je ne suis plus sûr de la date, le 12 je crois, depuis quelque temps j’avoue que je boude un peu les calendriers. Je ne les ai jamais trop aimés, je crois: à la maison, le facteur passait chaque année en décembre nous vendre celui de l’année prochaine, comme si on était pressés d’y arriver, avec les inévitables photos de chiens, de chats ou de coucher de soleil. N’importe quoi. Quand je me suis mis à la photo, je me suis juré de ne jamais prendre de chien, de chat ou de coucher de soleil.  J’aurais eu trop peur de les retrouver dans un calendrier des Postes.
Quant à ma montre, c’est guère mieux. Elle est complètement déréglée, si bien qu’elle doit me donner l’heure de Valparaiso ou de Calcutta, c’est bon à savoir, note bien, mais ce n’est pas très pratique.
Erika me disait toujours que je vivais dans un monde parallèle, et chacun sait que les parallèles ne se rejoignent jamais. Je lui répondais alors que mon monde était plutôt perpendiculaire au sien, heureusement, ça nous permettait de nous retrouver dans les angles droits...
Quand elle est partie, c’est comme si une trappe s’était refermée au-dessus de moi. Pas d’issue par en haut, il ne restait plus qu’à descendre au sous-sol, y passer quelque temps à méditer, et quand je commencerai à comprendre deux-trois choses, je pourrai me mettre en quête d’une sortie de secours.
D’accord, elle n’en voulait pas. Je le comprends, ça, pas de problème, moi non plus au début de notre histoire je n’en voulais pas. Qui voudrait se retrouver avec un nouveau-né sur les bras un an après le début d’une relation, au moment où l’on découvre l’autre chaque minute du jour et de la nuit?
C’était bon pour la préhistoire, pour le Moyen-Age, ces choses-là: tu couches, tu tombes enceinte, tu accouches et tu recommences. Au bout du cinquième ou du sixième, tu meurs en couches. Pas grave, tu as perpétué l’espèce.
Je n’en voulais pas un tout de suite, non. Mais depuis un an, à chaque fois que je croisais dans la rue un homme avec un bébé dans les bras, un étau me compressait l’estomac. Et quand j’avais l’occasion de tenir le petit David et qu’il s’endormait sa tête posée sur mon épaule, totalement abandonné, je goûtais chaque seconde de bonheur comme si ça devait être la dernière.
Erika est partie. Et je suis là. A attendre. A chercher. A creuser dans un labyrinthe sans fin.


* * *

20H45
LOUISE

Dans un quart d’heure la finale va commencer et Giovanni est toujours là. Retiens-le, retiens-le, ne le laisse pas partir. Tout l’après-midi j’avais ça en tête. Un mauvais pressentiment. S’il part, tu ne le verras plus. Retiens-le.
J’y suis arrivée. Tout à l’heure, j’ai bien cru qu’il allait nous laisser. Il s’est levé, s’est étiré tout en regardant autour de lui comme s’il cherchait ses clés, et au moment où il ouvrait la bouche, je me suis précipitée vers lui avec la BD de Loisel sous le bras.
— Dis-moi, Giovanni, tu crois que Mains Rouges, c’est le dernier tome de Peter Pan? J’aimerais bien que l’histoire continue, il peut pas nous laisser tomber comme ça...
Il a l’air si mal, l’Italien. Depuis quinze ans que je le connais, jamais je ne l’ai vu si déprimé. Bien sûr il donne le change. Mais ce n’est qu’un masque, je le vois bien.
Sa rupture avec Erika l’a complètement déboussolé. Mais il n’en parle pas, rien à faire. Le dernier album de Mathieu Chedid, le dernier tome d’Akira, ça, pas de problème. Le plus dur c’est de l’arrêter une fois qu’il est lancé. Il peut t’entretenir des heures de l’esthétique des mangas, de la filiation du blues et du jazz, du crayonné de Mœbius et des influences trip-hop dans les chansons de Björk. Mais pas de ce qui le tracasse. Pas à moi, en tout cas.
Chez lui, il y a toujours de la musique, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Et si lire un roman lui demande un effort surhumain, une BD peut le tenir en haleine pendant quatre heures d’affilée, alors que je le boucle en une demi-heure chrono. Un truc qu’il n’a jamais pu admettre:
— Tu vas beaucoup trop vite, tu ne prends pas le temps de regarder, de te laisser porter par le dessin. Une BD, ce n’est pas un film qui avance à vingt-quatre images par seconde. C’est une succession de tableaux, tu comprends? A toi de remplir les intervalles, de reconstituer le mouvement.
Facile à dire. Il a l’œil du photographe, lui. Il sait ce que c’est qu’une image fixe, ce qu’elle cache et ce qu’elle dévoile. Sans doute sait-il aussi que la plus belle photo du monde ne vaudra jamais un dessin réussi.
— La réalité, ce n’est que la réalité, rien de plus. Une case de BD, c’est un monde en réduction, avec ses codes, son cadre, sa texture, ses couleurs. Un dessinateur a la liberté absolue, Louise, comme un écrivain: avec un crayon et une feuille blanche, il peut faire ce qu’il veut, sans autres limites que celles de son talent. Un photographe, c’est comme un cinéaste. Il est prisonnier de l’image.
Giovanni est aussi accro que Fred, sauf que Fred, c’est au foot. Des gamins, tous les deux. Pas de la même façon, mais des gamins. Quand ils parlent de ce qu’ils aiment, leurs yeux brillent. Je le vois bien.
Ça lui va pas mal, à Giovanni, les cheveux longs et la barbe. Ça lui va même bien. J’imagine que c’est à cause d’Erika. Il ne se rase plus, ne se fait plus couper les cheveux. Sa façon à lui de mesurer chaque jour qui passe, un calendrier pileux qu’il peut contempler dans un miroir... Si ça se trouve, elle aussi aurait aimé.
Qu’est-ce qu’il peut faire tout seul chez lui? Ecouter ses disques, regarder ses films... La fameuse liberté des célibataires! Celle qui rend jaloux les couples installés et surtout ceux qui ont des enfants. C’est vrai, tu rentres quand tu veux le soir, tu peux t’offrir un ciné, traîner au bistrot... Je crois que c’est d’abord une stratégie pour retarder le moment où tu te retrouves seul. Personne à qui parler. Personne contre qui te blottir avant de sombrer dans le sommeil.
La plupart des célibataires que je connais compensent leur solitude par toutes sortes de petits rites rassurants qui découpent leur journée en petits morceaux plus faciles à avaler. Avec l’âge, ça ne doit pas s’arranger. Heureusement que Giovanni est encore jeune. Et comme il n’est pas célibataire depuis longtemps, il n’a pas eu le temps de prendre de mauvaises habitudes.
Tout à l’heure, il m’a dit qu’il venait de revoir Annie Hall. Tu parles d’une bonne idée! L’histoire de la rupture entre Woody Allen et Diane Keaton! Le programme idéal quand on vient de se faire larguer. Il m’a dit que c’était ça ou Alien, (“Allen ou Alien”, il ne pouvait pas la manquer, celle-là) et que franchement, Alien il n’avait pas envie.
— Comment on peut aller se coucher et éteindre la lumière après ça? Imagine que je me prenne les pieds dans le chat en allant me brosser les dents. Soit je tombe raide, soit je le décalque contre le mur!
Pauvre Giovanni. Si j’avais été là, je lui aurais tenu la main... Arrête, Louise. Arrête ça tout de suite. Tu te fais du mal.
Fallait pas laisser passer l’occasion, il y a dix ans, pendant cette fameuse nuit blanche. Il avait l’air si maladroit, si hésitant. Moi-même je ne savais plus ce qu’était vraiment notre relation, et du coup je n’ai rien fait. Maintenant, ce ne serait plus pareil.
C’est fou comme la notion de temps est élastique. Les instruments de mesure, les montres, les calendriers, n’y peuvent rien: parfois les heures se traînent alors que les années s’emballent: à peine le printemps s’annonce que l’automne est déjà installé, et voilà un an de plus, une année pour quoi, pour qui? Qu’est-ce qu’elle m’a appris, cette année? En quoi m’a-t-elle changée?
On a tous vieilli, n’est-ce pas, la trentaine nous est tombée dessus sans crier gare, et on perd peu à peu nos illusions, même si on garde nos réflexes d’enfant.
Fred, par exemple. Depuis que la coupe du Monde a commencé, il est tendu comme une corde à violon. On dirait qu’il joue sa vie quand un match commence. J’espérais vaguement que l’excitation de l’événement le sortirait de son état dépressif qui le ronge depuis des mois. Mais non. Les Bleus sont en finale, ça ne pouvait pas mieux se passer, et pourtant ça ne va pas.
L’excitation s’est transformée en tension, l’impatience en angoisse et la joie en soulagement. Les démons qui le hantent refont surface, et visiblement ils se sont installés dans la durée.


* * *

20H50
FRED

J’en étais sûr. C’était de l’intox. Ronaldo forfait, tu parles! Le Brésil, c’est Nike. Et Nike a allongé tellement de millions de dollars ces dernières années qu’ils ne vont pas se payer le luxe de laisser leur gagne-pain sur le banc. D’ailleurs, ce soir, c’est au moins autant Nike contre Adidas que le Brésil contre la France. C’est le sport moderne.
Soi-disant, il devait y avoir des surprises chez les Bleus. On prend les mêmes et on recommence. Karembeu est là, Guivarc’h aussi. Faudra faire avec. J’aurais préféré Henry ou Trezeguet devant, mais bon, c’est pas moi qui sélectionne. Et franchement, je n’aimerais pas être à sa place, à Jacquet. Qu’est-ce qu’il a pris, depuis quatre mois! Programme de matches amicaux bidons, stratégie frileuse, manque de psychologie avec les joueurs convoqués et pas retenus, choix incompréhensibles... Ils y sont allés fort dans les journaux. Et rétrospectivement, qu’est-ce qu’ils se sont trompés!
Pour être honnête, j’avoue que je n’y croyais guère au mois de mai. Tout allait de travers, la préparation ne ressemblait à rien, tout était en place pour une plantade de première grandeur. Et puis, va savoir pourquoi, la mayonnaise a pris. Le premier tour a été avalé sans effort, hop, trois matches, trois victoires. Même s’il y a eu de la casse avec les blessures de Guivarc’h et de Dugarry et les deux matches de suspension de Zidane. Après, la chance ne nous a plus quittés, et tu vois, elle nous a tellement fait crédit que j’ai peur qu’elle décide de passer à la caisse ce soir.
En tout cas, pour Jacquet le pari est déjà gagné: personne n’a fait mieux que lui en menant la sélection en finale, et perdre contre le tenant du titre n’aurait rien de honteux. Mais quelle tension il a sur les épaules!
J’ai quand même peur d’une raclée. Blanc va nous manquer derrière. Si on le perd, ce match, on va le regretter pendant des années. Si on le gagne, on s’en souviendra toute notre vie.
Remarque, les regrets n’enlaidissent pas forcément les souvenirs, disons qu’ils les habillent et les maquillent comme ça nous arrange. Quand les vieux nous bassinent avec leur “de mon temps, c’était mieux”, ce ne sont pas les circonstances d’autrefois qu’ils regrettent. C’est leur jeunesse, oui. Avec un peu plus de clairvoyance et de sincérité, ils devraient plutôt dire: “du temps où j’étais jeune, je me plaignais moins qu’aujourd’hui, j’avais plus de courage, plus d’inconscience. J’étais apte au bonheur et disponible pour l’aventure.” Enfin, on verra ce que je dirai quand je serai vieux. Si j’y arrive.
L’autre jour, Louise a eu cette phrase sublime:
— On croit qu’on vieillit, Fred, mais c’est peut-être le monde qui rajeunit.
Chirac debout pendant la Marseillaise, bien sûr. C’est lui qui va remettre la coupe, dans deux heures. Si c’est à Deschamps, je parie que sa cote de popularité va grimper jusqu’aux étoiles. De quoi faire oublier la dissolution de l’Assemblée l’an dernier, quelle blague! Mais si on perd, on dira que c’est lui qui a porté la poisse.
Voilà l’angoisse qui me retombe dessus. Je pensais qu’en venant voir le match ici, avec personne à moins de cinq kilomètres, je serais plus détendu, j’apprécierais mieux. Sainte-Anne a toujours eu des effets bénéfiques sur moi, l’air y est différent, plus léger.
Au début, ce n’était qu’une ruine dans les pins et les chênes, et quand mes parents ont acheté le terrain pour trois fois rien, on y a installé une tente. C’était un camping pour nous tous seuls, tu vois, un rêve de gosse, un fabuleux terrain d’aventure.
Puis la toiture a été refaite, puis la façade, les portes, les fenêtres. Longtemps il n’y a même pas eu d’électricité. On s’éclairait avec une lampe à gaz qui faisait un bruit de cocotte-minute.
Quand le courant est arrivé, il y a dix ans, je l’ai vécu comme une trahison inacceptable, un troc indécent entre une atmosphère paisible et chaleureuse et un peu de confort. Bon, c’est vrai que ce soir j’en profite de la prise, j’ai branché dessus ma télé portative pour suivre le match.
Et avec l’image sur le petit écran, le stress est revenu.
C’est quand même la finale de la coupe du monde. Et les Bleus en finale, mon vieux Fred, tu ne reverras peut-être plus jamais ça. Il y a tant de choses que tu ne reverras plus...
Louise a eu raison d’inviter Giovanni. Elle sent quand c’est le moment de le faire. L’intuition, l’empathie, j’en sais rien. Et puis elle le connaît depuis longtemps, bien plus longtemps que moi en tout cas. Je ne sais même pas s’il n’y a pas eu une histoire entre eux. Connaissant Giovanni, ça m’étonnerait: Erika a mis des semaines à lui tourner autour avant qu’il réagisse.
Au début, elle lui a écrit. Une lettre. Puis deux. Puis dix. A la fin, c’était tous les jours.
Intrigué et touché par ces courriers venant d’une fille qu’il ne connaissait que de vue, il a accepté de la voir. Et là, elle a sorti le grand jeu, tu penses. Elle l’a tellement bien embobiné qu’au bout d’un mois, elle a fait mine de se rétracter, de faire marche arrière, juste pour voir s’il tenait vraiment à elle. Il lui a téléphoné toute la nuit, et au petit matin il a fait deux cents kilomètres de voiture pour la rejoindre. Lui qui n’aime pas conduire, faire ça après une nuit sans sommeil, c’était de la folie. Il aurait pu se tuer. C’est tellement vite arrivé, ce genre de choses.
Maintenant, elle est partie, et il ne réagit toujours pas. Faudrait qu’il se reprenne, quand même. Je n’aime pas le voir comme ça.
Le soir du jour où Erika l’a quitté, il m’a appelé. Il avait l’air si désespéré au bout du fil que je lui ai donné rendez-vous dans un quart d’heure au Dealey Plaza, mon bistrot habituel.
J’ai fait le plus vite possible, et pourtant il était déjà là à m’attendre. Son regard était celui d’un enfant meurtri. Ne crois pas que ça a été un moment facile pour moi. En neuf ans, j’ai pris l’habitude qu’on me regarde comme la victime d’une tragédie, un rescapé, un miraculé, j’ai pris l’habitude de sentir sur moi ce fichu regard de pitié et de sympathie.
Ce soir-là, Giovanni était brisé, anéanti, et pourtant il ne venait pas de fracasser son existence contre un platane, lui. Je sais, c’est idiot de dire ça, mais j’ai toujours tendance à relativiser.
Et quand après un long silence il a levé la tête vers moi avec ses yeux remplis de larmes, j’ai compris qu’au fond je ne connaissais rien à ce genre de détresse.

Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos cœurs perdent leurs ailes
Mais, voir un ami pleurer


Depuis, j’ai en tête les paroles de Brel. Celles qu’il a écrites quelques mois avant sa mort.
Je ne veux plus le voir pleurer, Giovanni. Je ne veux plus.


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>> Le site personnel de l'auteur.

Réactions

  • Larry Poste le 11/10/2005 à 14h21
    J’m’en doutais Florestan, c’est que pour moi, dès qu’il y a moyen dans un post de se farcir du Gone (en l’occurrence incarné par babou, contre lequel je n’ai absolument rien et à qui je pardonne sa faute de goût d’avoir à supporter Aulas comme président de son club qui archi domine depuis trop longtemps la L1, et hop, jamais perdre le Nord pour en rajouter une couche )
    J’avoues ne pas encore avoir lu l’article en question, j’aurai tout loisir dans le métro, sur du format A4 à me plonger dans cette sympathique commémoration.

    Allez hop, je fais la mienne :

    M’en souviens de ce 12 juillet 1998, je taffais dans une station service dans un coin paumé de France. Même qu’on s’est tâté ce jour là, si on allait pas gonfler le prix des bouteilles de champ’ vu comment les gens se les arrachaient comme des petits pains en croyant fermement à la victoire (un argent qui nous aurait permis de « sponsoriser nos verres à boire » , je précise que les patrons étaient en vacance, n’allez pas les accabler)

    On avait fermé un peu plus tôt, histoire de rien louper du match.

    Le match en lui-même, pas grand chose de retenu, après les deux coups magistrales de Zidane, on avait déjà sombré dans l’ivresse.

    La suite était bien plus sympathique, beuverie-euphorie générale dans la ville, que j’en ai bu du champ’ et du sky chez des gens que je ne connaissais absolument pas, le nombre de table sur lesquelles je me suis vautrées en versant ma précieuse liqueur dans les verres vides.

    Rien que pour cette ambiance féérique, je souhaite à une autre nation que la France de le vivre.

    Cela dit, j’accepte volontiers que l’EdF tape avec la manière Chypre, j’ai rien de prévu mercredi soir, si je pouvais voir un chouette match.


  • Larry Poste le 11/10/2005 à 14h24
    Dès qu'il y a moyen de se farcir du Gone, je fonce bien évidemment

    (hou là, je frôle la zone de reléguation)

  • thibs le 11/10/2005 à 14h25
    La comparaison avec le reste des articles de ce site me parait totalement idiote vu qu'il ne s'agit pas du tout du même exercice.

    Leonardo > Quand est-ce que tu proposes un roman pour voir si tu mérites la page d'accueil ?
    Heretik > T'as trouvé le petit prince trop long aussi ? ;-)
    Florestan > Visiblement, le roman utilise le pretexte du football pour parler d'autre chose. Comme pas mal d'articles ici non ? Donc la justification de sa présence sur le site me parait évidente.

    Et pour tous ceux qui se permettent de juger le texte du haut de leur Bac + 7, je me demande si il leur est déjà arrivé de créer quelque chose de personnel et de le soumettre à une critique populaire et directe. Ils se rendraient peut etre compte du courage que ça demande.

  • aiaos le 11/10/2005 à 14h53
    Et bien moi j'ai trouvé ça très bon ;-)

    Non faut bien le préciser, parce que vu le peu de réactions positives dans les premiers commentaires, l'auteur risquerait d'en prendre un sacré coup au moral... qu'il ne mérite pas.

    C'est bien écrit, simple mais sincère. Attachant. Et moi j'ai hâte de lire la suite.

    Et c'est pas parce qu'un personnage lâche deux-trois "poncifs" qu'il faut tout jeter à la poubelle...

    Là, forcément ça parle de foot, et vu la plupart d'entre nous s'y connaissent probablement très bien, ils trouvent que ce sont des poncifs... Mais combien de sujets, la plupart d'entre nous, peuvent se vanter de connaître aussi bien que le foot ?

    Alors ça voudrait dire que des poncifs ne deviennent des poncifs que si on connait le sujet sur le bout des doigts ?
    Et que si on ne veut pas faire des poncifs on alourdit le discours afin de satisfaire les connaisseurs... au risque de larguer totalement les novices ?

    Mouais... suis pas sûr que ce soit la meilleure solution.

  • aiaos le 11/10/2005 à 14h56
    Maintenant en effet, ça n'a peut-être pas tout à fait sa place sur ce site... Mais bon...

  • Florestan le 11/10/2005 à 15h07
    Du courage, thibs, je trouve que tu exagères... Pour moi cela demande d'avoir écrit, ce qui est le plus difficile. Après, se faire publier en Une de lien, si on appelle ça du courage, alors peut-être que tous les gens qui publient de la fiction en ont... Y compris Claire Chazal? Le courage c'est de se lancer dans la rédaction d'un roman. Pas d'affronter la critique.

    Et la remarque sur les bac+7, c'est un peu idiot. Ou plutôt à côté de la plaque. S'il fallait se contenter d'avoir le bac pour réagir sur ce forum, je crois que peu d'entre nous auraient droit à la parole. Eh oui, nous sommes majoritairement diplômés. Et alors?

  • Sage Francis le 11/10/2005 à 15h08
    >> thibs
    sans forcément partager les critiques ici émises, peut-on pour autant se priver de tout esprit critique au pretexte qu'on qu'il s'agit d'une "création personnelle" et que c'est "courageux" de la proposer??
    j'en doute fort...
    quant à l'argumentation sur le bac +7 euh... sans commentaire... (c'est peut-être le coup du bac en 1998 qui t'affecte, t'inquiète moi aussi, jme sens vieux)
    et au fait, quel rapport avec le petit prince? c'est connu pour être long?

  • Florestan le 11/10/2005 à 15h18
    Par ailleurs, il faut absolument que je place les quelques remarques que je ressors à chaque fois qu'on me pose la question sur le 12 juillet 1998.

    "Franchement, j'ai été beaucoup plus heureux quand on a battu le Paraguay, l'Italie et surtout la Croatie... 3-0, ça faisait pas finale de Coupe du monde".

    "Tu sais, moi j'ai vu sur une télé minuscule dans une boîte gothique qui d'ailleurs n'existe plus. C'est le seul endroit où on avait trouvé une place. C'était plus glauque qu'autre chose, sauf quand ils ont mis du Louise Attaque à la mi-temps".

    "Ce soir-là j'étais à Lille. Particularité: c'est la seule ville de France où il a plu le 12 juillet 1998".

    "En 98 la date que je retiendrai, c'est moins France-Brésil le 12 juillet qu'Auxerre-Lens le 9 mai. Vingt ans que j'attendais ça".

  • salatomatognon le 11/10/2005 à 15h30
    Ce qui me frappe, c'est la pauvreté langagière et argumentaire de ceux qui émettent des "critiques", et leur incapacité à les formuler autrement qu'avec le verbe être conjugué au présent de l'indicatif, suivi d'un qualificatif qui se veut dépréciatif. Cela contraste ironiquement avec leurs prétentions à émettre un discours critique - surtout de la part de ceux qui ne sont même pas donné la peine de comprendre le principe de cette publication en feuilleton.

    Pour des gens "diplômés", comme cela vient d'être dit, c'est assez pathétique. Surtout quand on n'a même pas conscience que lorsqu'on exprime une opinion dans un espace de débat, on essaie de la formuler en tant que telle, c'est-à-dire avec des locutions comme "à mon avis", ou "je pense que". Dans le cas contraire l'exercice est, à mon sens, narcissique et vain, c'est juste de la branlette. On se branle dans son mépris et sa suffisance, dans l'ouate de ses certitudes, en se torchant dans un post, avec le sentiment d'une supériorité facilement acquise.

    Quant à ceux qui ne perçoivent pas quel "courage" il y a à exposer une création personnelle à des experts comme eux, je pense qu'ils ont vraiment un problème d'intelligence, je suis désolé de le dire.

    En bref, le droit à la critique implique des devoirs, selon ma conception des choses.

    Tout cela n'est qu'un avis, bien sûr, de la part de quelqu'un qui aime beaucoup donner des leçons aux donneurs de leçons.

  • thibs le 11/10/2005 à 15h35
    Florestan > Pour ecrire le roman, il faut de la persévérance, pas forcément du courage. Et il y a une différence énorme entre publier a la une des cdf et présenter le journal de tf1: ici tu te retrouves directement exposé à la critique de n'importe qui, meme si il n'a rien a dire, ce qui est légèrement plus violent que le courrier des lecteurs de télé 7 jours. Pour moi ça demande beaucoup plus de courage, d'autant plus qu'a priori, un roman, tu y mets beaucoup plus de toi qu'un simple JT.

    Si on te dit "tu fais mal ton boulot", c'est moins dur que "ce truc qui te passionne et dans lequel tu t'es investi personnellement, tu sais, quand tu t'es dit que tu avais peut-être du talent, ben c'est à chier". Enfin, je te conseille d'essayer pour t'en rendre compte (a moins que tu sois une brute insensible ;-))

    Et la remarque sur le bac + 7 faisait effectivement référence à tous ceux qui ont eu leur bac en 98, melangée au fait que pas mal de réactions me paraissent très hautaines.

    Francis > On ne se prive pas d'esprit critique parce qu'il s'agit d'une oeuvre personnelle. On essaye juste d'être poli et on évite de taper comme un sourd sur un type qui, justement, a fait preuve de courage (cf plus haut)

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