Système Z
Tribune des lecteurs - Sans s'interroger sur l'apport potentiel du retour de Zinédine Zidane sous le maillot tricolore, quels intérêts son revirement sert-il déjà?
Auteur : Greg Lemyonère
le 9 Août 2005
Apparemment, les Cahiers (voir Retourné acrobatique) ne sont pas les seuls à s'interroger sur l'aspect marqueté du retour du talentueux ex/néo n°10 des Bleus. En sus de l'article de Libération déjà cité, on peut encore trouver un autre article du même journal, ou encore consulter sports.fr ou Le Monde. Tous soulignent la belle opération marketing réalisée via ce retour.
Il faut d’abord rappeler brièvement que Zinédine Zidane gagne environ 14 millions d'euros par an, dont 8 millions pour les seuls contrats publicitaires (Orange, CanalSatellite, Danone, Ford, Adidas...). Orange verse ainsi 3 millions d'euros par an depuis 2002 (contrat renouvelé en mars 2005), Danone 1.5 millions annuels pour une durée de onze ans (1).
Au vu des chiffres dont on parle ici, il est simplement impensable que la décision de Zidane ait pu être prise sans l'accord de ses sponsors et sans une prise en compte des risques ou bénéfices liés à son image. Il suffit d'ailleurs de voir comment a été assurée la communication de son retour (via le site Internet géré par… Orange, via le 3282 du même Orange, via une interview le lendemain sur Canal+) pour ne pas avoir de doute sur leur implication. La question restant en suspens est donc la suivante: Zidane a-t-il fait part de son envie à ses sponsors qui ont exploité l'opportunité, ou lesdits sponsors ont-ils été à l'initiative du revirement de l'ex-numéro 10 des Bleus?
Visibilité
D'après son rapport financier 2004, Orange réalise 44% de son chiffre d'affaires en France (8.6 milliards d'euros pour un CA total de 19.7 milliards d'euros -2), CanalSat a franchi en janvier 2005 la barre des 3 millions d'abonnés en France (3). Autrement dit, quelques-uns des principaux sponsors de Zidane — personnalité préférée des Français depuis 2002 selon les sondages annuels Ifop-JDD (4), mais avec un écart en baisse en 2005 sur ses poursuivants immédiats — fondent une part dominante de leur chiffre d'affaires sur le marché français. Zidane au Real a-t-il autant de visibilité sur ledit marché que Zidane sous le maillot bleu? Probablement non, sinon dès aujourd'hui, du moins à court ou moyen terme.
Depuis le 6 août 2005, Zinédine Zidane est à nouveau en pleine lumière et pour au moins un an. Si son retour devait s'avérer payant — et nous l'espérons tous — le mythe du sauveur ne ferait qu'emballer une machine médiatico-publicitaire qui a su démontrer toute sa force de frappe entre 1998 et 2002. Il dispose pour réussir d'un certain nombre de moyens au nombre desquels l'assurance donnée par le Real Madrid — concerné à hauteur de 30% des recettes publicitaires de son n°5 et dont on connaît la sensibilité aux questions de marketing — de ne pas jouer tous les matchs de la saison (4). Dans le cas d'un échec, la situation étant présentée comme de toute façon catastrophique, son prestige ne devrait pas plus en souffrir qu'il n'a souffert de l'Euro2004, les errements de la maison bleue ayant été imputés au sélectionneur / coéquipier / président de la FFF (rayez, ou non, la mention inutile).
Élan du cœur et intérêts partagés
Les différents protagonistes de ladite maison bleue cherchent désormais tous à s'attribuer pour partie le mérite du retour du Zidane sous le maillot bleu (cf. déclarations de Jean-Pierre Escalette, président de la FFF, dans L'Équipe du 04/08/05) et l'on pense notamment aux fameuses visites madrilènes de Raymond Domenech au printemps 2005... qui n'empêchèrent pas le joueur madrilène de déclarer le 13 avril sur son site officiel qu'il ne voulait "pas revenir sur ce qu'[il avait] annoncé le 12 août 2004" et de répéter sur le site du Real le 12 mai qu'il ne "[jouerait] plus avec l'équipe de France". Il n'est jusqu'à L'Équipe qui s'auto félicite d'avoir percé à jour le sentiment profond de notre Zinédine national, faisant preuve en l'espèce d'une telle confiance que ladite révélation ne fut publiée qu'à l'occasion d'un 1er avril. A contrario, Christophe Dugarry, dont la proximité avec le meneur de jeu des Bleus fut souvent brocardée, s'étonnait encore de ce retour au lendemain même de la déclaration de son ami (5).
Alors, comment expliquer ce revirement? On ne poussera pas le cynisme jusqu'à refuser à Zinédine Zidane un quelconque libre-arbitre sur cette décision. Il ne fait pas de doute que le probable intérêt des sponsors a rencontré un élan du cœur et l'amour du joueur pour le maillot bleu. Cependant, les seuls, dont la très probable implication dans cette décision n’est pas évoquée, sont pourtant bien ceux-là même qui ont le plus à gagner du retour de "Zizou" sur le devant de la scène tricolore, hormis — souhaitons-le — l'équipe de France.
(1) L’Express : « Les people et l’argent », 28/02/05
(2) Rapport financier 2004 Segment Orange.
(3) www.canalplusgroup.com - Chiffres clés
(4) Journal du dimanche, 09/01/05
(5) L'Équipe, Op. cit., 04/08/05.
