Auxerre vices
À la lumière d'un début de saison raté et d'un jeu en déliquescence, l'AJ Auxerre semble glisser une mauvaise pente, au risque de finir de gâcher un extraordinaire potentiel. Simple démarrage poussif ou fin de cycle prématurée?
Auteur : Eugène Santa
le 28 Août 2003
Dans un marché des transferts en pleine déprime, la stabilité de l'effectif est devenue une vertu obligée pour les clubs, une vertu qui a conduit à une gestion sportive plus cohérente et à des résultats probants dans les clubs du haut du panier. Avec quasiment le même effectif, l'AS Monaco et l'OM ont ainsi fini respectivement 2e et 3e du dernier championnat, après avoir passé l'année précédente dans le ventre mou du championnat. L'Olympique lyonnais, sans grands changements de personnel, a pour sa part conservé son titre de champion en mai dernier. Curieusement, cette tendance au sommet de l'élite ne semble pas concerner l'AJ Auxerre. Le club Bourguignon, après avoir terminé sur le podium de la saison 2001-2002, a fléchi jusqu'à la 6e place la saison passée, et se retrouve aujourd'hui… 17e, après quatre matches. Et ce n'est pas tant ce classement très provisoire de l'équipe de l'Yonne qui inquiète que la qualité de son jeu. L'AJA pêche dans la fluidité et la vitesse des enchaînements, alors même que c'est ce jeu audacieux qui avait fait sa fortune. Allant à rebours de ses traditions et de son propre potentiel, L'AJA s'est ainsi bâti en quelques mois un solide renom d'équipe soporifique, sans âme ni audace. Cette formation, qui comptait dans ses rangs le meilleur buteur de L1 de la saison 2001-2002 (Cissé, 22 buts), a inscrit 15 buts de moins l'année suivante (soit 33 buts en 38 matches). La défense encaissait sur la même période 10 buts de moins… L'AJ Auxerre serait-elle victime de ses individualités? On ne peut pourtant pas reprocher à Mexès, Tainio, Boumsong ou Kapo de jouer en dessous de leur niveau: la saison passée a vu l'intégration des trois Français en équipe de France. Cette année, l'unique victoire des Bourguignons est même venue en grande partie d'exploits individuels de Kalou et Akalé, leurs deux seules recrues. Pourtant, c'est bien la complémentarité de ces joueurs au talent hors norme qui peut être mise en doute en ce début de saison laborieux. L'AJ Auxerre fonctionne par fulgurances, et quand les individualités vivent un jour sans, comme à Bordeaux, les carences du jeu collectif apparaissent au grand jour — même si ses prestations à Marseille et contre Strasbourg ont rappelé que toutes ses qualités n'avaient pas disparu. Rouxtine Faut-il également diagnostiquer l'érosion des méthodes de Guy Roux? Avec l'un des effectifs les plus prometteurs de France, le mentor bourguignon ne cesse de rabâcher les ambitions pour le moins mesurées de son club, et il ne se prive pas, depuis la saison dernière, de dénigrer son effectif: il n'est pas inconcevable que ces déclarations peu galvanisantes inhibent quelque peu ses jeunes joueurs, pourtant naturellement enclins à goûter à la victoire. C'est peut-être l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler le "message" de l'entraîneur qui ne passe plus auprès d'une génération qui a vu le fossé se creuser depuis le retour aux affaires du coach historique. Enfin, il faut noter que si Roux a eu gain de cause à propos du maintien au club de joueurs très tôt déclarés intransférables malgré leur valeur marchande, la situation qui en résulte est assez atypique, comme celle d'un Boumsong qui sera libre en fin de saison ou d'un Cissé déjà annoncé à Liverpool la saison prochaine. Quant à Mexès, après avoir menacé ses dirigeants d'un bras de fer juridique à l'issue incertaine, son retour dans le rang n'est peut-être pas si simple à gérer. N'est-ce pas justement à ces joueurs que s'adressent les diatribes de l'entraîneur ("On a été très homogène dans la faiblesse et des joueurs renommés ont été très loin de leur production de la saison dernière")? Enfin, on peut se demander ce qu'il arrivera à Kapo, en disgrâce locale (s'il est encore à Auxerre après le 31 août), ou à Benjani, blessé et un peu oublié, d'ici à la fin de la saison… Dans les années à venir, beaucoup des joueurs actuels de l'AJA évolueront dans les plus grands clubs du continent. Il serait dommage de constater rétrospectivement que ce groupe de cadors, malgré la Coupe de France acquise au terme du dernier exercice, n'ait pas conquis un palmarès plus consistant. Evidemment, la messe n'est pas encore dite à l'Abbé-Deschamps, mais il faudra bien que cette équipe se réinvente pour qu'on ne dise pas en juin qu'elle a vécu la saison de trop.